En toute honnêteté, je n’avais jusqu’à présent aucune raison de tenir le sénateur-maire (UMP) de Woippy (Moselle) en mésestime. Tout au contraire car il fut l’un des rares parlementaires à s’opposer avec son collègue Jean-François Le Grand (UMP Manche) à l’introduction des plantes transgéniques, estimant que des parlementaires pro-OGM étaient « actionnés » par les semenciers (Le Monde 2 avril 2008). Ce qui ne faisait aucun doute : leur argumentaire reprenait mot à mot ceux des Monsanto et autres firmes de l’agro-chimie dont le lobbying est particulièrement actif en direction des gouvernements et parlementaires, en n’ayant garde d’oublier Bruxelles.
Souvenez-vous : c’est lors de la même discussion que Nathalie Kosciusko-Morizet osa affirmer publiquement que Jean-Louis Borloo manquait de courage à cet égard, avant d’être évacuée sur une civière : passant de l’écologie aux nouvelles technologies. Décision à l’évidence fort regrettable. Contrairement à Jean-Louis Borloo qui est un bouffon vibrionnant qui doit s’y connaître en matière d’écologie à peu près autant que moi en mécanique quantique, la nomination de NKM à l’écologie en 2007 fut la seule qui me réjouit car je la savais compétente.
Je n’ai pas d’œillères et si des personnes de l’UMP soutiennent des positions avec lesquelles je suis d’accord je ne vais quand même pas décréter qu’elles ont tort.
Or donc, j’en étais restée à la récente mise en examen de François Grosdidier pour corruption : détournement de biens publics et prise illégale d’intérêt, affaire où je constatai qu’il n’avait pas souffert des méfaits d’une justice expéditive (26 juil. 2012) dans la mesure où il s’était écoulé 8 ans entre le dépôt de la plainte d’une élue minoritaire de Woippy et la saisine d’un magistrat instructeur.
Contrairement à ce que soutint stupidement un commentateur, je ne mettais pas François Grosdidier à mort en relatant ces faits - sinon, nous n’aurions que le droit de nous taire - une mise en examen ne voulant jamais dire présomption de culpabilité, j'avais d'ailleurs pris bien garde de souligner qu’il appartenait désormais aux juges de se prononcer sur la réalité et la gravité des faits. En droit français la présomption d’innocence prévaut jusqu’à ce qu’un jugement définitif ait déclaré un prévenu éventuellement coupable. Sinon, cela se termine par un non-lieu.
Un autre commentaire faisait état d’une rivalité entre François Grosdidier et Jean-Louis Masson, également sénateur (divers droite) de Moselle et entre autres fonctions, conseiller municipal de Woippy. Je n’y attachai qu’une importance très modérée, les luttes intestines pour le pouvoir étant monnaie courante dans tous les partis politiques et à tous les échelons.
Or, en parcourant ce matin l’infolettres de Marianne, je tombai sur un article dont le titre Quand un sénateur UMP échafaudait un scandale sexuel pour se débarrasser d’un de ses collègues du Sénat (30 juil. 2012) ne pouvait manquer de m’intéresser. Je fis bien évidemment un rapprochement avec François Grosdidier et sa rivalité avec Jean-Louis Masson mais à vrai dire sans y croire. Hé ! Bin, si…Selon ce que m’apprend Laurence Dequay François Grosdidier aurait échafaudé un plan avec un de ses proches, agent immobilier en Moselle, afin de lui jeter dans les pattes une prostituée mineure… A l’occasion d’une invitation au Maroc où il devait « se faire piéger comme un lapin ».
Selon l’article - qui reproduit un enregistrement vidéo que je n’ai pas ouvert - l’on entendrait François Grosdidier d’abord pester contre « ce fou (de Jean-Louis Masson) qui n’a plus rien à perdre car il a raté sa carrière » avant de maugréer « Le seul truc, c’est de le faire coucher avec une mineure. Y a que ça ».
De deux choses l’une. J’aime la logique. Soit Jean-Louis Masson a raté sa carrière auquel cas il n’est pas très dangereux pour François Grosdidier, soit il représente une menace assez importante pour contrecarrer ses projets puisque l’on prête au maire de Woippy l’ambition d’être candidat aux prochaines municipales de Metz.
Toujours est-il que son interlocuteur n’est pas vraiment chaud : « On en a déjà parlé, on trouve personne. Tout le monde a peur (…) Moi je te donne des sous - poursuit-il inquiet - cependant, une pépé, je ne sais pas combien ça coûte ». Ce qui n’empêche nullement François Grosdidier de revenir à la charge « Y a que ça, il faut monter un coup de là-haut »… J’ai ma petite idée sur la stratosphère dont il parle puisque la suite de l’enregistrement nous apprend que le maire de Woippy qui douterait du zèle que déploierait la police marocaine pour procéder à l'arrestation d'un sénateur français aurait alors échafaudé un machiavélique plan B :
Mettre dans la boucle « un journaliste ou une ONG » et manipuler l’entourage de Claude Guéant, l’ancien ministre de l’Intérieur qui appréciera : « Dès que ça pète, moi je préviens le secrétaire d’Etat à l’Intérieur en lui disant, écoutez ne le protégez pas, c’est le plus foireux des hommes politiques français… ». Une façon d’éliminer une sacrée «épine du pied».
Selon les affirmations de Jean-Louis Masson sur la façon dont il est entré en possession de cet enregistrement - qu’il s’était jusqu’ici refusé à rendre public - il aurait été contacté à plusieurs reprises par un « entrepreneur » - resté anonyme - « qui l’invitait à venir consul-ter au Maroc - tous frais payés - des actes notariés concernant François Grosdidier ». Il ne donna pas suite et cet entrepreneur - qu’il fit discrètement photographier quand il vint le rencontrer en Moselle - lequel lui fit parvenir la vidéo peu avant les cantonales de mars 2011...
Jean-Louis Masson « ne se serait décidé à porter plainte pour association de malfaiteurs » contre François Grosdidier le 30 juillet 2012 qu’après avoir appris que Patrick Malick - un chef d’entreprise mosellan au centre d’un dossier de partages illicites de marchés mettant en cause François Grosdidier » affirme avoir été l’objet d’intimidations et d’une tentative de cambriolage à son domi-cile. Ce polytechnicien - indubitablement formé à d’autres mœurs - déclarant : « Je n’ai compris qu’a posteriori que j’ai eu chaud »…
De telles méthodes - si elles sont avérées par une enquête - sont dignes de la mafia. Mais faut-il être surpris ? Dans un autre passage de l‘enregistrement, l’agent immobilier qui envisageait - avec autant de circonspection que de craintes - les possibilités de faire tomber Jean-Louis Masson dans le piège voulu par François Grosdidier admettait que si sur cette affaire la peur l’emportait chez les personnes contactées, il avait pourtant « plein de copains qu’ont peur de rien : quand j’ai un locataire qui va pas, le mec il y va, il lui met deux claques dans la gueule et il le fait sortir. Là quand je lui dis que c’était pour l’autre, il a pris peur. Y veulent pas trouver une mineure en France ».
Rien que du beau monde ! Charmant personnage, charmantes pratiques. En toute illégalité. En France, pour expulser un locataire, quelque fût l’objet du différend, il faut au préalable une décision de justice exécutoire et l’expulsion ne peut avoir lieu qu’en présence d’un commissaire de police, d’un huissier de justice et d’un serrurier lequel est requis pour le cas où il faut ouvrir la porte.
J’avais déjà lu ou entendu des témoignages de personnes expulsées ainsi manu militari par des hommes de main stipendiés par un proprio ou une agence immobilière peu respectueux des lois, y compris pendant la période hivernale quand les expulsions sont interdites. L’adage juridique « Nul n’est censé se faire justice soi-même » n’est pas le mieux respecté de nos grands principes !
Encore une fois, et à l’intention de certains lecteurs qui conti-nueraient de me chercher des crosses, je préciserais une fois de plus que je me contente de relater les faits tels que j’en ai connaissance par la presse. Je me garderais donc bien de me prononcer sur la culpabilité ou non de François Grosdidier dans ces affaires : entre le dépôt d’une plainte, son examen par les autorités judiciaires - parquet et juge d’instruction - et un éventuel procès pouvant aller jusqu’à une condamnation ferme et définitive - la personne poursuivie est présumée innocente. Point barre.