Laurence Anyways // De Xavier Dolan. Avec Melvil Poupaud et Nathalie Baye.
Tabernacle ! Le jeune prodige du cinéma québécois a encore frappé. Après le très intime (cela reste mon chouchou) J'ai tué ma mère, et le très beau Les Amours Imaginaires, il était de retour avec
Laurence Anyways. Sans en incarner le héros (d'ailleurs ce sera la seule fois qu'il ne jouera pas dans son film, il avait confié à Première avait été frustré de ne pas avoir pu jouer dans son
film), il laisse la lourde tâche à Melvil, un acteur français qui va relever ce défit et arriver à sublimer le personnage de Laurence Alia. Il prend le pari de parler du sujet difficile qu'est le
changement de sexe. Autant dire que des le départ, c'était plutôt ambitieux. Mais il va parvenir à donner un certain ton à son film que j'ai particulièrement apprécié. Sans faire trop des
fantaisies, en utilisant l'improbable format 4/3 en 2012 et en créant des personnages vrais avec un brin de folie.
Laurence Anyways, c'est l'histoire d'un amour impossible.
Le jour de son trentième anniversaire, Laurence, qui est très amoureux de Fred, révèle à celle-ci, après d'abstruses circonlocutions, son désir de devenir une femme.
Revenons justement sur le format du film. Après avoir posé la question à Xavier Dolan (très disponible pour ses admirateurs sur Twitter), il m'a confié que c'était simplement parce que c'est un
format intimiste et plus étouffant. On comprend donc un peu mieux l'idée qui est excellente. En plus de rappeler que le film débute dans les années 80 (la raison que je croyais être la bonne au
départ), il joue sur le format pour donner à son film toute sa puissance et son énergie. On ressent un peu plus le poids des mots et des scènes poignantes. Le coup de caméra de Dolan est toujours
aussi fabuleux. Le jeune réalisateur tente, fait de son film un véritable exercice de style, une poésie. On peut difficilement passer à côté de certains plans tout simplement magnifiques (le bal
sera l'orgasme imagé du film sur font de Visage).
Ce n'est pas tout. L'histoire de Laurence Anyways prend place sur dix ans, de 1989 à 1999. Même si le film n'exclu pas quelques longueurs (il dure tout de même 2h40), le tout reste soigné. Dolan
est fort pour à la fois nous faire rire et nous toucher tout en nous bluffant par quelques scènes poignantes (une scène de l'île aux noirs raisonne encore dans ma tête). Le scénario s'avère donc
plutôt bien équilibré. Mais évidemment il fallait mettre tout cela entre les mains de bons comédiens et le bluffant Melvil qui s'est complément métamorphosé pour le film jouissait d'une certaine
sensibilité. Le tout est complété par des actrices de talents comme Suzanne Clément (je retiens notre petite française Nathalie Baye en mère désabusée). Le cast du film jouit également d'une
apparition hitchcockienne du réalisateur lors d'une scène (l'aurez vous reconnu ?).
Dolan reste aussi ce jeune réalisateur qui aime faire de ses films de œuvres à part entière. Du coup il utilise à merveille sa caméra, tente des choses et s'amuse. Le tout reste cohérent avec
l'histoire. Il faut adhérer à ce style, c'est certain, mais une fois adopté vous serez hypnotisés. Certains plans sont magnifiques et font partis sans contestation possible des plus beaux de
l'année. Ce qu'il y a d'excellent avec Dolan c'est qu'il utilise à merveille les décors (l'inondation), la nature (les feuilles mortes, la pluie) et le regard de ses personnages dans une scène
d'ouverture déjà percutante. Vous l'aurez compris, j'ai adoré Laurence Anyways même si ce n'est pas mon œuvre préférée du réalisateur. Il mélange certains ingrédients de ses deux précédents films
tout en innovant encore. Peu de cinéaste peuvent se targuer de nos jours d'être aussi inventif. Et le fait qu'il soit déjà en train de finaliser un nouveau script m'anime de joie à l'idée de voir
un nouveau film.
Note : 9/10. En bref, un film beau et poétique à la fois. Une œuvre percutante et unique. Xavier Dolan a encore frappé. L'amour inspire Xavier Dolan, en espérant que l'amour
l'inspirera toujours.