Post-cinéma

Publié le 03 janvier 2009 par Gregory71

Le post-cinéma désigne l’ensemble des pratiques dans le champ des arts visuels utilisant le cinéma. Sans en proposer une typologie complète, il est possible de décomposer le post-cinéma comme suit:

  1. Le style cinématographique (Dominique Gonzalez-Foerster)
  2. Le sampling (Douglas Gordon, Christian Marclay)
  3. La fiction documentaire (Pierre Huygue)
  4. La référence (Jennifer et Kevin Mc Coy, Steve McQueen, Janet Cardiff et George Bures Miller )

L’apparition du post-cinéma il y a environ 20 ans est liée au fait que le cinéma est devenu constitutif de l’imaginaire artistique. Les films sont devenus des images à part entière, non pas seulement reçues par un public, mais inspirant des artistes, produisant des sous-histoires, des ramifications visuelles. Bref, le cinéma a été intégré à l’histoire de l’art en tant que celle-ci est l’histoire qui fait passer les images vers d’autres images dans des productions matérielles, un jeu de fascination et de réponse. Deuxièmement, le cinéma est devenu dans le contexte des images, le référent majeur de l’image fictionelle, menant donc à des pratiques de décomposition documentaire. Troisièmement, le cinéma est un dispositif et un art populaire proposant donc une utopie concrète aux arts visuels, une installation dont la particularité enrichit les arts visuels. Enfin, le réalisateur – dans sa relation au producteur et à l’industrie – est devenu aussi un modèle pour l’artiste visuel dans sa confrontation à un contexte, à une attente et dans la délégation du travail d’équipe – ce qui explique sans doute la fascination exercée par des réalisateurs comme David Lynch ou Jean-Luc Godard.

Mais le post-cinéma s’est transformé ces dernières années un lieu commun (on pense en particulier au travail banal de Candice Breitz), un « truc » permettant aux artistes de s’attribuer un univers culturel sans le construire. Toutefois, si cette période nous semble close – et peut-être l’excellent Hunger de Steve McQueen marque-t-il la fin d’une époque -, son intérêt consiste à utiliser les films comme un matériau, un peu à la manière de médium. Ceci veut dire que la détermination d’un matériel est devenue plus grande. Elle peut en effet être imaginée dès le départ, ce n’est plus nécessairement une toile attendant un pigment, cela peut être un objet ou encore un film. L’artiste aura alors comme fonction d’introduire un opérateur quelconque dans ces images, par exemple de décomposer et recomposer un montage, de déplacer le contexte de visionnement, de ralentir, d’accélérer, etc. On voit bien comment le rôle de l’artiste évolue ici en suivant les transformations déjà en cours depuis Marcel Duchamp.

Après le post-cinéma, dans lequel le cinéma est traité à la manière de readymade, puisque le film est déjà fait et sans doute déjà diffusé, ayant déjà eu un impact social, une autre perspective nous semble intéressante. Elle consiste à aller avant le moment fatidique de la salle de cinéma et à nous introduire dans le cinéma au moment même de sa production, c’est-à-dire de son tournage. Imaginons un film en train de se faire, d’un film « industriel », classique dirons certains. Introduisons-nous dans son tournage, utilisons les images tournées et produisons aussi des images spécifiques à partir de ce qui se passe dans le tournage ou ailleurs. Infiltrons-nous dans le flux même de ce moment, remontons ainsi à l’individuation du film, à son état préindividuel et non encore déphasé. Construisons un objet dont la narrativité n’est pas cinématographique en utilisant l’installation et/ou les technologies, un autre médium, une autre diffusion, parasitons complètement le flux cinématographique quant à sa causalité même, quant à sa genèse, quant à son tournage, quant à son écriture pour introduire de la multiplicité non pas après-coup mais dès le départ, comme si le cinéma n’était plus seul, toujours accompagné d’autres images, d’autres flux, comme si en voyant ensuite le film dans une salle nous savions bien que quelque chose se passe au-dehors de ces images, la fin du cinéma comme totalité imaginaire du monde, simplement un fragment. Rien de plus. Imaginons que le film fonctionne seul, que l’installation fonctionne seule, mais que les deux fonctionnent aussi ensembles, donnant un autre objet à être perçu l’un avec l’autre, comme un monde qui se produit, qui s’articule. Les images sont seules, et dans cette solitude même, elles peuvent se mettre en réseau. Ou encore, mettons tout un film sur Internet, mais recomposé de telle façon qu’il n’est plus un film, il est là intégralement mais il reste d’une certaine façon invisible. Questionnons donc cette disponibilité en réseau des films qui pose tant de problème à l’industrie cinématographique. Les images cinématographiques se sont rêvées comme orphelines – voir le nombre d’orphelins au cinéma-, nous voudrions à présent leur inventer des amis-frères eux aussi sans famille.