La notion d’anonyme est difficile à définir car elle comprend plusieurs significations qui sont les signes d’une transformation contemporaine du socius.
Par anonyme on peut entendre ce qui s’oppose à la célébrité. Est anonyme ce qui est inconnu, ce qui ne laisse pas de trace, ce qui est oublié, ce qui ne sort pas de l’ordinaire. Etre anonyme c’est être un inconnu.
On peut aussi parler des anonymes comme d’une situation historique dont nous avons parlé largement en adoptant le vocable de multitudes. Les anonymes sont des individualités qui ne se subsument pas dans une structure transcendante de type théologique ou politique.
On peut aussi rapprocher les notions d’anonyme et de neutre, au sens d’une structure qui suspend le régime intentionnel. Le neutre serait au coeur d’une périphérie qui déterminerait en sous-main l’ensemble des productions culturelles.
L’anonymisation, signifie pour sa part une décision volontaire de rentrer dans l’anonymat, par exemple pour se protéger du contrôle opéré sur Internet. L’anonymat n’est plus alors seulement une détermination négative en défaut de reconnaissance. C’est une fonction totalement positive qui consiste à désirer rester anonyme. Ce devenir anonyme signifie, en arrière-plan, que la ligne de fuite de l’individu change radicalement car pourquoi désirer un tel anonymat si ce n’est parce que déjà nous nous séparons des outils de représentation sociale et que notre singularité est ailleurs? Sans doute est-ce la notion même d’ego qui en est affecté: vouloir rester anonyme, est-ce possible pour un ego? Ou encore, la taupe marxiste n’avait-elle pas en sous-main ce devenir anonyme? Il faudrait analyser finement les différentes représentations de l’individu au cours des âges pour savoir de quelles manières nous parvenons à ce stade actuellement.