Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais depuis que je suis enfant, je n’aime pas les vacances.
Je n’aime pas le concept :
Travail Travail Travail
Vacances Vacances Vacances
Interdit de mater !
Ça m’ennuie et c’est absurde !
Je préférais travailler quatre ou cinq heures par jour toute l’année et passer le reste de la journée à cuisiner pour les amis, écouter les oiseaux, marcher sur une plage, aller au cinéma, nager dans un lac, bref vivre, au lieu de bosser huit heures par jour et prendre deux, quatre ou huit semaines de vacances d’un bloc. Oui en France, certains ont des congés payés aussi longs.
Comme tous les ans au mois de juillet, j’ai travaillé, beaucoup même parce que la vie sociale étant plus calme, j’ai l’impression que ma concentration augmente et que quatre heures en juillet valent bien plus que quatre heures en septembre.
J’ai mené un projet d’écriture collective, planché sur un ebook qui propose aux lecteurs une expérience de lecture différente, enregistré La couleur de l’oeil de Dieu sur Kobo Writing Life et Google Play et lu une partie des textes soumis pour le prochain numéro de la revue Rue Saint Ambroise. Dans le même temps, je prépare la version ebook du Baiser de la Mouche parce que j’ai envie de continuer l’aventure de l’auto-publication, mon premier ebook comptabilisant 3 à 30 téléchargements par semaine rien que sur l’iBookStore d’Apple. Je remercie au passage les lecteurs pour leur confiance et curiosité.
J’ai aussi lu quelques livres et beaucoup de billets de blog dont deux ont retenu mon attention, car ils abordent des questions que je me pose aussi : Pourquoi je publie en numérique de Laurent Margantin et Pourquoi je m’interdis l’autoédition de Lorenzo Soccavo
Je vous en recommande la lecture.
Je ne tente pas ici de répondre aux auteurs de ces deux billets, ne détenant pas la vérité, bien que me posant des questions assez similaires. Je ne tire pas encore forcément des idées précises de ma propre expérience à ce stade, mais je peux certainement vous transmettre ce que je ressens.
À la loupe
Mon premier livre publié, La couleur de l’oeil de Dieu, est un livre numérique. Il est sorti en mai 2011, trois mois avant mon livre papier, Le baiser de la mouche, dont j’ai envoyé le manuscrit dans 23 maisons d’édition traditionnelle et signé un contrat en mars 2011.
23 manuscrits, ça représente beaucoup de photocopies, de timbres et de va-et-vient chez Copy-Top et à La Poste. Ça chiffre aussi !
En un an, j’ai appris beaucoup sur les maisons d’édition et sur l’autoédition. Publier en numérique m’a fait faire des économies (imprimer les manuscrits, les envoyer par la poste ou les déposer…) et m’a libérée d’une réalité très désagréable et pesante : voir mon travail rejeté à 99%. Quand vous recevez des dizaines de lettres de refus sur plusieurs mois, vous commencez à déprimer (c’est vous qu’on rejette !) et si vous ne voulez pas sombrer, vous devez vous dire : bon passons au prochain texte et concentrons nous sur le 1% des textes que j’ai réussis à publier. À moins que vous ne préférriez vous morfondre sur votre talent incompris !
Le numérique m’a sortie de ce système dans lequel je me sentais sérieusement à l’étroit et j’ajouterais prisonnière. Tel un acteur dont les réalisateurs ne veulent pas, l’auteur se retrouvait isolé, voire aliéné dans un système fermé. Mais tout comme certains acteurs ne se sont pas démontés et ont pris leur désir en mains en se lançant dans des spectacles solos ou en tournant leur film, l’auteur aujourd’hui se voit donner enfin les outils pour faire de même.
Une vraie révolution et une chance ! L’auteur en moi, ressent une immense liberté et la joie de ne plus dépendre d’un seul et unique système. De ne plus dépendre de la validation d’une ou plusieurs personnes toutes professionnelles qu’elles soient.
Les limites de la cour
Libérée donc, je ne me demande plus si je vais trouver une maison d’édition pour le texte que je viens de finir puisque je peux le publier moi-même, mais plutôt comment je peux l’améliorer. Qu’est-ce que je veux vraiment dire ? Qu’est-ce que je peux apporter à la littérature ? Quelle est la meilleure façon de publier ce texte ?
Si je peux publier quand je veux, où je veux et ce que je veux (que ce soit sur mon blog ou sous forme d’ebook) alors je reviens à l’essentiel de l’écriture. Je questionne mon texte, pas mon image ou ma “carrière” pas le bien fondé des maisons d’édition. Mon texte est-il intéressant ? Exprime-il clairement ce que je veux dire ? Ainsi, je ne laisse plus systématiquement un éditeur prendre ces décisions pour moi. De fait, je me trouve pleinement responsable de ce que je publie et donc de ce que j’écris.
La semaine dernière une amie m’a demandée si je pensais au lecteur quand j’écrivais. J’ai trouvé la question pertinente. Est-ce qu’un auteur doit penser aux lecteurs quand il écrit et qu’est-ce que cela change dans son écriture s’il pense aux lecteurs ?
Est-ce que les lecteurs veulent qu’on pense à eux ou ne préfèrent-ils pas être surpris ou qu’on les laisse tranquilles ? À eux de répondre…
Quand j’écris, je pense aux lecteurs uniquement dans la mesure où j’utilise un langage commun à tous. Je veux dire que j’écris dans une langue que le lecteur comprend, j’utilise la même langue que lui, mais en dehors de ça, non, je ne pense pas aux lecteurs quand j’écris. J’écris.
Je peux me demander si ça va l’intéresser, mais la question n’aura de réelle réponse qu’à travers la publication. C’est seulement une fois publier (cad rendu publique) que le lecteur a accès au texte.
Danse de la liberté
L’auteur libre doit faire face à tous les dangers.
En tant qu’auto-publié, il peut être avidement tenter d’aller chercher le lecteur (forte tentation qui n’épargne pas les éditeurs) ou au contraire il peut soumettre le lecteur à venir à lui (tentation moins courante chez les éditeurs ! ).
Cette tentation est le vrai défi littéraire que pose le marché du livre numérique. Et ce n’est pas uniquement un défi pour les auto-publiés, c’est aussi un défi pour les éditeurs et les lecteurs.
Cela fait des années que j’entends dire qu’il y a trop de livres. Et bien, il y en aura encore plus parce qu’il y a plus de gens qui savent écrire et que publier devient de plus en plus facile et moins coûteux.
Beaucoup de livres vont voir le jour. Cependant, une fois l’engouement passé pour la publication, la somme de travail que représente l’écriture d’un texte, sa publication et sa promotion risquent de décourager beaucoup de prétendants après la première tentative ! Parce qu’écrire n’a rien à voir avec jouer au black jack au casino. Écrire demande beaucoup plus d’attention, de temps et d’énergie, de patience et de courage, de désir et de générosité. Les auteurs l’apprennent en écrivant et comprennent vite que l’écriture et la lecture ont toujours le dernier mot !
Les périodes de liberté ne durent jamais très longtemps. Auteurs, lecteurs, éditeurs, amateurs de littérature numérique profitez-en ! La liberté est rarissime et précieuse. Et si un poète peut me contredire qu’il s’exprime ici !
À suivre…
GOINGmobo, magazine of the Mobile Bohemian
Quatrième volet d’un état des lieux et analyse de la situation et de la condition de l’auteur, de ses difficultés et de son devenir. Lire le volet 1, volet 2 et volet 3
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Le Baiser de la mouche
Chris Simon _ Licence Creative Commons BY-NC
1ère mise en ligne et dernière modification le 30 juillet 2012.