L'Etranger d'Albert Camus

Publié le 30 juillet 2012 par Leunamme

Bon, je sais, c'est pas une nouveauté, mais j'ai décidé de me faire quelques classiques que je n'ai pas encore lu. En principe, le "Voyage au bout de la nuit" de Céline devrait être le prochain. Revenons-en au chef-d'oeuvre d'Albert Camus. Je ne vais pas vous faire l'affront de vous résumer l'histoire. Je vais plutôt vous parler de mes émotions de lecteur.

Je n'avais jusqu'ici jamais rien lu d'Albert Camus. Au lycée, mes professeurs étaient plutôt branchés Zola ou Maupassant, et c'est peut-être mieux pour le brave Camus, vu que je ne garde pas un souvenir impérissable des lectures scolaires obligatoires. Par la suite, j'ai toujours eu envie de lire "L'Etranger" ou "La Peste", mais voila, en littérature comme dans d'autres domaines, la procrastination est bien un fléau moderne. Bref, ce n'est qu'arrivé au milieu virtuel de mon existence que je me suis enfin décidé à lire Camus. Autant le dire d'emblée : je suis un heureux homme qui sait qui lui reste encore tant de belles oeuvres à lire de cet immense écrivain.

C'est peu de dire que j'ai aimé : ce livre est immense, extraordinaire. Par son propos, certes, mais surtout parce qu'il ne se laisse pas appréhender si facilement. J'ai d'abord été décontenancé, puis un tantinet déçu par la première partie, celle qui amène au drame, au meurtre. Quoi ? Albert Camus, cet écrivain encensé dans le monde entier, ce prix Nobel de littérature, ne serait donc rien qu'un écrivaillon adepte de la phrase courte (le sujet-verbe-complément si utilisé par les auteurs d'aujourd'hui et qui permet de masquer une absence de talent sous prétexte de concision), incapable de faire passer la moindre émotion ?

Non, évidemment, parce qu'à la première partie, succède logiquement la seconde, celle du procés. Et là, tout prend sens. La sobriété du premier acte n'est plus un effet de style, mais une évidence montrant le côté frustre du personnage. Le procés permet alors de mettre en évidence tous les évènements de la première partie auxquels jusque là on n'avait pas porté attention. Autant dire, que la construction du roman est grandiose. D'un seul coup, le personnage devient émouvant, tout simplement parce qu'il semble promis à la peine de mort, alors que rien, jusqu'ici n'en faisait un criminel.

Bien plus que son meurtre, ce qui le condamne aux yeux de la société et de la justice, c'est le fait d'avoir eu un comportement qui ne correspond pas aux critères "normaux". Parce qu'il n'a pas montré de tristesse à l'enterrment de sa mère, parcequ'il n'a pas respecté le temps du deuil, parce qu'il a fréquenté un jeune homme peu recommandable, tout cela fait de lui un condamné un mort en puissance, bien plus que d'avoir tué un homme.

Bien plus qu'un plaidoyer contre la peine de mort, qu'il est assurément, et de manière implacable, "L'Etranger" est une charge contre une société intolérante, rigide, empêtrée dans la bienséance. Il me reste tant à lire d'Albert Camus. J'ai hâte.