Je regrette de n'avoir pas rencontré Dominique depuis la sortie de son livre. Des contraintes d'agenda ne l'ont pas permis. Ma chronique aurait sans doute été différente mais tant pis ...
Son livre m'a alternativement touchée et mise mal à l'aise. J'en ai compris la raison quand je l'ai entendue reconnaitre d'emblée, et c'est tout à son honneur, qu'il s'agissait de propos recueillis corrigés. Si je partage l'opinion d'Audrey sur un point c'est bien sur le fait que les confidences auraient été plus digestes si elles avaient été retranscrites sous la forme d'une conversation.
Le livre n'aurait pas souffert de certaines redites. Ainsi on trouve deux fois la citation de Julien Clerc : à quoi sert une chanson si elle est désarmée ? pages 120 et 190. On aurait atténué certains règlements de comptes et l'amertume que l'on peut légitimement ressentir le jour où "tout s'arrête" n'aurait pas autant éclaté au profit d'un romantisme un peu trop muselé. Le coté "regardez comme je suis formidable" aurait été gommé.
L'auteur affirme que ce trait de tempérament ne lui correspond pas. D'ailleurs la photo de couverture illustre parfaitement le caractère de Dominique, qui n'a jamais été à l'image et qui précisément même ici n'apparait que de profil. Elle nous dispense des habituelles photos officielles que l'éditeur encarte au centre du livre pour rassurer les dubitatifs.
Il importe avant tout de resituer les choses dans leur contexte. Au début de sa carrière le paysage audiovisuel était limité à trois chaines. Point barre. Le téléspectateur qui allumait son poste passait obligatoirement par la case 1 qui était une chaine privée depuis 1986, dirigée par le patron du BTP que l'on connait, avec des objectifs de croissance absolument faramineux.
On n'imagine pas la pression de l'audimat, alors secret mais impitoyable. Je me souviens d'avoir vu les tableaux de chiffres scotchés dans l'ascenseur de la chaine. Inutile de raconter ici le pourquoi du comment mais je déjeunais ce jour là en compagnie des grands patrons et je peux témoigner d'avoir entendu la fameuse phrase de Patrick Le Lay se vantant d'offrir du temps de cerveau disponible aux annonceurs. Ce genre de propos était loin de me séduire. Je n'aurais pas pu faire carrière dans une ambiance pareille.
Mais qu'elle soit de nature à stimuler une soif de revanche sur la vie, je le conçois parfaitement et je suis loin de jeter la pierre à Dominique dont le talent est bien réel et dont les résultats ne peuvent que provoquer l'admiration. Tant d'animateurs vedettes lui doivent leur succès ! Et s'il faut retenir une seule de ses créations c'est celle du SIDACTION que je citerais.
Cette femme discrète éclate en plein jour et étale une vie qui fut plus que privée, même si elle accompagna plusieurs célébrités. C'est là qu'on comprend mal pourquoi aujourd'hui révéler ce qu'elle a si soigneusement protégé auparavant. Mais la réponse a-t-elle un vrai intérêt ?
Ce qui l'est bien davantage c'est le message positif qu'elle transmet. Sa devise : si c'est impossible je vais donc le faire, est une belle leçon d'optimisme sur le difficile chemin de la vie. Je ne peux qu'y souscrire à 1000 %.
Elle raconte sans fioritures le mode opératoire de la fabrication d'émissions qui furent de véritables créations alors que nous nous extasions aujourd'hui de programmes qui ne sont que des copier-coller de formats américains.
Elle témoigne d'années révolues, d'une époque où l'on subissait certes la pression de la réussite mais où les SMS, facebook, et tweets en tous genres n'autorisaient pas n'importe qui à s'arroger le droit de dézinguer à tout va ce qui est si difficile à construire ... une réputation.
Elle prenait l'hélico comme d'autres le RER. Elle allait au bout du monde pour ne passer que quelques instants avec l'homme qu'elle aimait. Et alors ? Si elle ne l'avait pas fait on aurait dit qu'elle manquait d'audace. Lisez son livre en imaginant que Dominique est un prénom masculin ... je ne dirais pas que cela banalise ses confidences, mais presque.
Certes, il manque un chapitre. Quelques lignes pour dire que la vie ne s'est pas arrêtée avec Claude François, Mick Jaegger, Nicolas Hulot et Philippe Douste-Blazy. La féministe qui a su imposer des femmes dans le public des concerts enregistrés, la groupie d'un Michel Drucker visiteur de prison, la gourmande de pains au chocolat, la femme qui préfère la simplicité aux apparences ... nous aurait alors convaincus que la route reste belle à tracer ... sans eux.
Avec eux ... de Dominique Cantien, éditions de la Martinière, avril 2012