Grâce à la LCA (Lecture Commune Approximative) d’un ou plusieurs textes de l’Histoire des treize proposée par Marie en février dernier, j’ai pu me replonger dans Balzac, plus de 20 ans après. Est-ce que mon point de vue a changé ? Je serai bien incapable de le dire car je ne gardais aucun souvenir de la Duchesse, pourtant lu en 1994 lors de ma première année de DEUG. Tout ce que je sais c’est qu’en refermant le livre, une question m’a taraudé. Une question toute simple mais qui est à mon sens le point central du récit : Mme de Langeais et Mr de Montriveau se sont-ils vraiment aimés ?
Je m’explique. Même si tout concorde pour ne laisser planer aucun doute sur leurs sentiments réciproques (des mois de fréquentation assidue, l’acharnement dont ils font preuve tour à tour pour rester proches, les cinq année de recherches entreprises par Montriveau, les lettres enflammées envoyées par la duchesse après l’enlèvement, son renoncement et le risque de perdre sa réputation…), je reste persuadé qu’au-delà des apparences, ces deux-là n’ont fait que jouer l’un avec l’autre. Un jeu cruel et vaniteux dans lequel la duchesse ne s’intéresse au général qu’en raison de l’amour qu’el le porte à sa propre personne. Quant à l’acharnement qu’elle met à le reconquérir, je l’attribue à une volonté farouche de ne pas perdre la face. Pour Montriveau, cette femme d’abord aimée devient au final un ennemi à briser coute que coute. Il n’y a là à mes yeux que calcul, vengeance, amour-propre blessé et coups-bas. Il suffit de voir la dernière scène où tout le soufflé retombe dans un plouf final qui ne semble pas perturber plus que cela Montriveau, ce dernier tirant un trait définitif sur cette soi-disant idylle avec une facilité déconcertante.
Sans doute mon point de vue est discutable, mais s’ils s’étaient vraiment aimés, il me semble qu’ils se seraient jetés dans les bras l’un e l’autre, point barre. Finalement, ils n’ont été amoureux que d’une obsession et écrasés l’un comme l’autre par leur vanité. C’est là que réside le tragique de leur histoire, dans cette partie d’échecs où se sont succédés calcul et ressentiment.
Reste la beauté de l’écriture de Balzac, la préciosité de ces dialogues un brin désuet et ce décor de boudoirs et d’hôtels particuliers parisiens qui symbolisent toute une époque. A signaler aussi la misogynie de l’auteur qui dresse un tableau peut reluisant des femmes du grand monde, les peignant en sylphides superficielles et intrigantes, « allumeuses » au cœur de glace. Une vision caricaturale à l’évidence aussi assumée que revendiquée (d’après ce que j’ai lu dans la préface, il a rédigé la nouvelle alors qu'il sortait d’une déception amoureuse avec Mme de Castrie, une coquette de Saint-Germain qui l’avait traité avec le plus grand mépris). Et si finalement La duchesse de Langeais n’était qu’un texte plein de rancœur rédigé par un homme blessé ?
La Duchesse de Langeais de Balzac. Le livre de poche, 2008. 252 pages. 4,10 €.
L'avis de Marie