C’est tout le sujet du roman dont le héros, anonyme, vient de mourir sur le billard quand commencent les premières lignes de cet unique chapitre qu’est son histoire.
"Autour de la tombe, dans le cimetière délabré, il y avait d'anciens collègues de l'agence de publicité, qui rappelèrent son énergie et son originalité et dirent à sa fille Nancy, tout le plaisir qu'ils avaient eu à travailler avec lui." (Première phrase)De l’aveu même de l’auteur dans un entretien, l’idée initiale du roman est d’écouter le corps malade, de "raconter la vie d'un homme non pas à travers ses succès ou ses amours, mais à travers les différentes maladies qui l'ont affecté tout au long de sa vie et qui le mènent finalement à la mort. Le corps est le paysage de ce livre." C'était aussi le projet de Daniel Pennac dans son livre "Journal d'un corps". (Billet ICI) Le sujet semble devenu à la mode mais quand Philip Roth écrit cette histoire sur la fragilité de l’homme face à la maladie, à la décadence et à la mort, les trois grandes œuvres sur ce thème auxquelles il fait référence sont La Mort d'Ivan Ilitch, de Tolstoï, La Montagne magique, deThomas Mann, Le Pavillon des cancéreux, d'Alexandre Soljenitsyne.
Cependant ce n’est pas un roman triste ou morbide bien qu’égrené de détails sur la santé du héros, ses maladies, ses opérations variées et ses urgences médicales mais c’est surtout le bilan de sa vie qui n’est pas des meilleurs alors qu’il avait tout pour être heureux : de bons parents, un frère aîné aimé et admiré, une belle réussite professionnelle, de l’aisance, un premier mariage qui lui a donné deux fils puis un second dont il a eu sa fille chérie et enfin un dernier avec une jeune mannequin. Seulement, contrairement aux apparences, sa vie lui semble un échec surtout sur le plan sentimental. Il se retrouve seul à la fin de sa vie. Ses deux fils lui en veulent de son divorce. Sa dernière femme, inexistante face aux maladies, s’éloigne définitivement, le laissant seul avec ses infirmières. Par jalousie de la santé florissante de son frère aîné, il s’est détaché de celui qui était son seul véritable soutien moral et financier. Il ne lui reste que sa fille, la seule vraie chance de sa vie finalement mais elle est très occupée.Enfin conscient de ses erreurs, Il voudrait rattraper le temps perdu et se rapprocher des siens, du moins de ceux qui lui restent car le vide s’agrandit autour de lui à chaque nouveau décès de ses parents, amis ou simples connaissances. C’est tout un monde qui disparaît avec eux et sa solitude s’accroît sans cesse.
C’est un homme simple qui essaie de se soumettre avec stoïcisme aux contraintes des coups du sort. Se sentant artiste, Il donne tout d’abord des cours de peinture à d’autres retraités comme lui puis abandonne, ne trouvant plus refuge ni dans l’art, ni dans la religion, ni dans quoi que ce soit d’autre. Il n'y avait que des corps, nés pour vivre et mourir selon des limites fixées par d'autres corps nés et morts avant eux.Ce n’est pas un héros, mais juste un homme parmi d’autres qui tente de survivre de son mieux. Il n'a rien de glorieux ni de particulièrement admirable malgré sa réussite sociale mais la lecture de ses difficultés, elle, en revanche, a su me séduire.
Ce billet se voudrait dithyrambique pour un livre très aimé, un admirable chef d’œuvre, un coup de cœur enfin, tellement attendu. Je n’ai qu'une critique à lui faire: lu en trois-quatre heures, il m’a pourtant semblé trop court!Un homme de Philip Roth - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Josée Kamoun. 2007. Ed. Gallimard, coll. Du monde entier, 150 p. Titre original: Everyman. (2006)
(Dans quel challenge pourrait entrer ce billet?) J'avoue avoir perdu le fil de ceux qui existent en ce moment (à revoir)