Les Vendredis du Vin # 48 - Les vins en série font leur cinéma - Les gens de Mogador/Clos Mogador

Par Daniel Sériot

Les gens de Mogador

Première partie.

Julia aime Rodolphe. Stop. Angellier Père pas d’accord. Stop. Couvent. Fuite. Notaire en cachette. Stop. Mariage. Stop.

Ensemble, ils boivent Le Mogador 1998, assemblage majoritaire Cabernet sauvignon et Grenache, sur le cuir, le cirage, les épices et les fleurs fanées. Naît un beau cassis du vin tournoyant dans le verre. Ils se délectent d’une belle réglisse teintée de cerise qui leur dure longtemps en bouche… et formulent le vœu d’un très long mariage.

Naissance Cyprien. Stop. Naissance Amélia. Stop. Naissance Henri. Stop. Dispute avec Herminie. Cyprien meurt. Dispute avec Félicité. Naissance Frédéric. Naissance Adrienne. Stop. 1870. Départ de Rodolphe. Stop. Retour de Rodolphe.

Ensemble, ils boivent Le Mogador 2001, toujours aussi épicé que leur vie conjugale, toujours aussi évocateur des herbes de leur Vaucluse, nanti des délicieuses odeurs des cerisiers de Vénasque. Ils se délectent de tannins bien arrondis, lisses, transportant dans leurs rets un cassis superbe, un thé noir fumé envoûtant, puissant et des notes de fèves et de café. Ce même café que les fils aînés rentrés de pension prennent avec leur père.

Naissance Hubert. Stop. Mort de Rodolphe. Stop. Mort de Amélia. Stop. Henri patron Mogador. Stop. Henri Meurt. Stop. Frédéric patron. Stop. Julia deuil.

Elle boit Le Mogador 2009, et repense à ses fils disparus, Cyprien et Henri, à son époux Rodolphe et à Amélia sa fille. Ses larmes retenues apportent la salinité à cette complexité si envoûtante d’épices, de poivres et d’herbes aromatiques. Tout est sauge, menthe, fraise et violette. Tout s’étire en bouche vers une finale si gourmande si suave, si pleine et si forte. Aussi forte de Julia elle-même restée seule, veuve et mater dolorosa, fière de son domaine…

Nélin, c’est Ludivine…

Seconde partie des Gens de Mogador

Mariage Frédéric et Ludivine. Stop. Naissance Isabelle. Stop. Ludivine patronne. Stop. Naissance Anne. Stop. Naissance Christine Stop. Naissance Dominique et François. Stop. Guerre en Afrique. Départ de Hubert. Stop. Chute de cheval de Frédéric. Stop. Frédéric pas partir en Afrique. Stop. Ludivine contente. Stop.

Ensemble ils boivent Nélin 2010, le blanc superbe d’amandes fraîches, de miel et de pêche et repense aux beaux étés de Mogador, aux murs blancs de la Gloriette dont Ludivine hérite et qu’elle donnera à Hubert. Ils se délectent des pêchers, des agrumes et de ce si bel anis, si pur et si exotique, si méditerranéen. Le vin les enivre d’un nouvel amour qui redonne force à Mogador.

Retour d’Hubert. Stop. Panhard Levassor pour Frédéric. Stop. Mort de Frédéric. Stop. Mort de Julia. Stop. 1914, Mogador déserté. Stop. Mort de François et de Christine. Stop. Ludivine effondrée. Stop. Mort de Ludivine. Stop.

Elle ne boira plus Nélin 2008, somptueusement doux des résines, du miel et du jasmin des hivers tendres aux côtés de Julia et de Frédéric. Mogador vivra encore, différemment sous la houlette de Dominique, la seule de la lignée restée au domaine. Le vin déploie des saveurs uniques de pêche et de menthe, un raffinement et un caractère dignes de celles qui l’ont porté à bout de bras, avec et sans leur époux, avec puis sans leurs enfants.

Espectacle 2009, c’est Dominique…

Troisième partie des Gens de Mogador

Restée seule, elle reprend les rênes de Mogador, se sentant héritière d’une longue filiation de grands vins, de grande vie et de drame. Numa revient de la guerre. Il n’est pas mort.

Elle boit Espectable 2009 d’une exubérance de fruits qui rappelle ô combien l’a été la vie de sa mère. La bouche est somptueuse et d’une douceur inégalée. La somptuosité de ses sœurs qui lui ont fait tant d’ombre et la douceur de vivre en ses temps de paix retrouvée.

Un bouquet de roses éclot du fond du verre comme l’espoir retrouvé de revoir Numa, son amour de toujours.