1302.- La 6000D est une course mythique et la première en son genre, un trail en haute montagne.
A l'origine en 1989, la classique faisait 55 km pour 3000 m D+ et 3000 m D- d'où son nom. L'édition 2012 proposait un parcours de 60 km avec 4.000 m de dénivelé positif avec un départ à Aime situé à 673 m au-dessus du niveau de la mer et un point culminant à 3047 m avec un parcours allant des stations d'altitude du domaine skiable de la Grande Plagne et se terminant dans la forêt de Montchavin.
J'ai eu le plaisir de participer à cette édition aux côtés de mon camarade Guillaume avec qui j'avais couru L'Eco-Trail de Paris et en préparation de notre projet commun ultime de 2012 : La Diagonale des Fous.
C'est la première vraie course de montagne que je termine et c'est sensiblement différent du trail marin de Roscoff to Roscoff que j'ai fait avec Bénédicte cette année, même L'Eco-Trail 80 km et la SaintéLyon paraissent faciles en comparaison.
Je ne connaissais pas la station de ski de La Plagne et je fus étonné de voir qu'il y a plusieurs Plagne : Aime Plagne, Plagne Centre, Belle Plagne, etc. séparés par plusieurs kilomètres et constituant un domaine skiable de 225 km de pistes et d'un glacier équipé.
Pour la première année, la course se déroulait le samedi au lieu du traditionnel dimanche c'est pourquoi Guillaume et moi sommes arrivés de Paris le vendredi en fin d'après-midi.
Une fois nos dossards récupérés, nous nous sommes trouvés confrontés à notre première galère puisque la dernière navette qui partait de la gare d'Aime et qui allait à La Plagne-Centre où se situait notre hôtel partait à 17h35 soit cinq minutes après notre arrivée en gare.
Pas pratique du tout, nous avons dû partager les frais d'un taxi avec un couple et des runners égarés qui voulaient se rendre à Belle Plagne et Bellecôte.
La course débutait à 6h du matin, nous avions donc commandé un taxi pour 3h50 du matin. Le petit-déjeuner spécial 6000D étant servi à partir de 3h30, nous avions donc programmé une petite nuit avec un réveil à 2h45 du matin.
Dommage cela ne nous a pas permis de voir la très belle cérémonie d'ouverture de JO de Londres.
Avec d'autres parisiens dont Jean-Marc qui s'essayait à son premier trail après un record sur marathon à 3h10, nous sommes arrivés sur Aime vers 5h.
La nuit avait été très courte mais je ne sentais pas vraiment le manque de sommeil puisque j'avais bien dormi la veille avant de prendre le TGV en Gare de Lyon avec Guillaume.
Vers 5h30 nous rejoignîmes le sas de départ pour ne pas nous retrouver à l'arrière du peloton car pour les trails en montagne, nous devons passer par des sentiers étroits et il n'y a pas d'autre moyen de passer qu'en file indienne, autant ne pas se pénaliser en partant avec les plus lents qui irions nous ralentir et seraient de surcroît difficile à dépasser.
Avec Guillaume mon compagnon de course de L'Eco-Trail et de la 6000D
A six heures, pas de coup de feu mais un décompte au micro un peu perturbé par la pluie battante qui commence à tomber. J'avais choisi de partir léger avec mon tee-shirt Fast & Furious, je sortis fissa ma veste Gore pour me protéger. Et le départ fut lancé.
Sur un faux plat descendant de deux kilomètres avant la montée, nous avons réalisé une bonne entame avec Guillaume à 12 km/h. Malheureusement je ne m'étais pas échauffé et je n'aime pas du tout commencer à courir à un rythme aussi élevé. Je ralentis un peu, d'autant que la pluie s'était arrêtée et que je commençais à avoir chaud sous ma combinaison. Peu avant la montée, je me rangeais sur le côté et me remis en léger tout en faisant une pause technique, il y en aura eu une palanquée tout au long du parcours.
En gros le parcours de la 6000D c'est une montée de 30 km et une descente de 30 km et en montagne ce n'est pas comme sur route, chaque kilomètre coûte cher et défile lentement.
Je ne suis pas fort en montée et Guillaume le savait, je laisse filer mon ami et faire sa course car je le ralentirais beaucoup trop, lui qui s'est bien entrainé en vue de la Diagonale mi-octobre.
La pente au début n'est pas très forte mais elle avoisinait tout de même les 10-15%, je voulais économiser mes forces et n'avançais pas plus vite en trottinant donc je marchais.
J'avais pris le parti de faire la course sans bâtons d'une part car sur la Diag ils sont interdits, d'autre part car je n'en avais jamais fait l'apprentissage durant les entrainements.
(Crédit photo : Morgan le Lann)
Sur la route des Mairiers, nous avions avalé 1.000 mètres de dénivelé positif. Je ne me sentais pas du tout entamé et sentais que j'en avais encore sous la semelle quand nous abordions des pentes à plus de 20-25%. Elles n'étaient pas techniques selon les montagnards mais chaque pas demandait plus d'effort d'autant qu'avec l'altitude, je ressentis des effets auxquels je ne m'attendais pas. Je commençais à ressentir des maux de tête du fait du manque relatif d'oxygène, par ailleurs mes doigts étaient tout gonflés, tout boudinés sans doute à cause de la pression. De plus une tendinite au bras gauche commençait à se faire sentir. La pente était bien raide et même si la route était longue, c'était impressionnant de voir que devant moi il n'y avait pas 50 ou 100 mètres de montée mais plutôt deux-cent ou trois-cent mètres de mur. Le ciel était gris et la pluie tombait de plus belle. J'avais oublié ma casquette, heureusement ma veste me protégait bien.
Après cette première ascension épique nous arrivâmes à Aime 2000 puis à Plagne Centre juste à côté de notre hôtel.
Une femme de l'organisation nous répétait au micro que compte tenu des conditions météo, la route vers le glacier était barrée et que nous n'aurions pas le plaisir de monter les 500 m de dénivelé pour admirer le panoramique exceptionnel cette année. Je laissais sortir un : "Oh mince trop dommage !" Alors que j'étais bien soulagé d'avoir cela de moins à faire. Elle nous disait que le changement de trajectoire nous faisait gagner de 10 à 12 km.
Nous étions aux deux-tiers de l'ascension, il restait une dizaine de kilomètres avant le point d'inflexion de la Roche de Mio à 2681 m d'altitude.
La pluie toujours la pluie, je regrettais de n'avoir fait plus de dénivelé en entrainement mais le volume de 60 km par semaine que j'avais avalé les semaines passés m'avait bien renforcé les muscles et j'avais la bonne technique de poussée des jambes avec les mains pour accompagner chaque pas.
Je me faisais dépasser par tous types de grimpeurs mais n'étant pas un spécialiste, je ne m'en formalisais pas plus que cela.
J'avais une jeune femme asiatique prénommée Caroline en repère qui progressait au même rythme que moi et je veillais à ne pas perdre trop de terrain par rapport à elle.
(Crédit photo : passion-aviculture.com)
Peu après le passage par le télésiège Quillis à 2363 m, nous sommes passés devant Le Lac des Blanchets, le paysage était sublime. Le beau temps est revenu et nous pouvions continuer plus sereinement notre ascension vers la Roche de Mio.
Je devinais tout au loin les spectateurs sur le bord de la route qui encourageaient les coureurs et je me disais : "Encore un effort et cela va être que du bonheur sur la seconde partie".
A mesure que nous montions patiemment, nous fûmes dépassés par des trailers qui couraient avec un souffle léger par petites foulées comme s'ils étaient en footing tranquille à plus de 15% sur 300 m de dénivelé, incroyable.
Il s'agissaient des premiers concurrents du Trail des 2 Lacs, hormis le deuxième, ils avaient tous l'air d'avoir moins de trente ans et ils étaient beaux à voir, aériens face à nous qui marchions comme des cloportes.
Quand ce fut mon tour d'arriver tout en haut, je vis Caroline qui avait un peu lâché l'affaire et sur qui j'avais pris 200 mètres d'avance.
Les spectateurs m'applaudissaient en scandant mon nom affiché sur le dossard et je tapais dans leur main au passage, c'était hyper chaleureux, quel plaisir à l'état pur !
Voyant que cela descendait de l'autre côté, je rangeais soigneusement ma veste, me mis en manches courtes et après une vidange express, je me jetais dans le vide.
Enfin je revivais en dévalant la pente à 12-13 km/h alors que je l'avais péniblement escaladée à 3 km/h.
Nous arrivâmes au Col de la Chiaupe à 2492 m d'altitude mais le chemin vers le glacier était fermé malheureusement. Nous redescendions donc sur Belle Plagne en passant par le Télésiège du Chalet de Bellecôte.
Le mur était le même qu'à l'aller mais dans l'autre sens, je n'osais pas y aller franco car la pente était bien forte. Je me disais qu'en ski je n'aurais eu aucun état d'âme mais en chaussures de trail, je n'avais jamais vécu cela, ce n'était pas le jour pour faire des essais.
Je restais timoré et fus dépassé par des jeunes des environs qui filaient bien vite, on aurait dit qu'ils étaient sur des skis. Je ne pus donc profiter du dénivelé favorable pour prendre un peu plus de vitesse mais profitais quand même du paysage.
A Belle Plagne, c'était l'arrivée des engagés sur le trail des 2 Lacs et pour les concurrents de la 6000D il restait encore 18 km.
Le plus dur était fait, ce n'était plus que de la descente avec quelques faux-plats montants, du moins c'est ce que je croyais.
Globalement nous avions un dénivelé de 600 m D- jusqu'à Montchavin mais je n'allais pas plus vite car je commençais à sentir l'effet de la fatigue sur mes membres inférieurs, sans doute l'absence de sortie longue durant ma préparation.
Les Frasses puis Les Tuiles plus tard, nous pénétrions dans la forêt de Montchavin. C'était encore long et en fait de racourcissement de la course de 10 à 12 km annoncés à Plagne Centre, il s'agissait en réalité de six petits kilomètres. Nous n'avions pas le mur de 500 m du glacier par le Télésiège de la Traverse mais nous en avions quand même pour notre déplacement.
Au dernier ravitaillement, je pris du pepsi, du jambon en dés et du fromage, la soupe était bienvenue et elle m'apporta le même réconfort qu'à la SaintéLyon ou Millau.
A deux kilomètres de la fin, je commençais à être fatigué mais j'étais heureux de pouvoir accrocher à mon tableau de chasse cette course mythique sobrement surnommée "La Course des Géants".
En arrivant dans la vallée à Sangot mes doigts étaient dégonflés et je ne sentais plus de gêne au bras gauche. Les effets de l'altitude avaient disparus.
La pluie battante m'accueillit lorsque je passais enfin la ligne d'arrivée devant la Basilique d'Aime.
Quelle course mes aïeux, je remercie mon ami Guillaume pour avoir organisé toute la logistique, pour le choix de notre nid douillet de l'hôtel Araucaria où nous avons bien repris nos forces après une bonne nuit réparatrice précédée d'une délicieuse fondue et de la désormais traditionnelle Banana Split d'après-course au restaurant La Grolle.
Nous avons fait la connaissance d'une équipe de Bretons bien épatants originaires de Saint Brieuc, la TEAM BERCI du nom de Michel le patron entrepreneur d'une société de Maisons Individuels qui nous a dispensé de conseils fort judicieux dans le cadre de notre préparation de la Diagonale des Fous qu'il a déjà faite deux fois.
Avec Yannig de la Team Berci, la 6000D en 6h
Il était accompagné de Bruno et de Yannig qui a réussi à boucler sa course en 6h alors que j'ai fait 9h34 et Guillaume 7h40. Le champion faisait la course alors que Michel et Bruno étaient en repérage pour l'UTMB et la C.C.C. qui avait lieu fin août 2012.
En attendant, la 6000D est une bien belle course qui restera dans les annales de mes plus beaux challenges relevés.
"La 6000D" le 28 juillet 2012, Aimé La Plagne, 6h du matin