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Nous avons parlé ailleurs de la petit tête de femme en marbre qui existe dans la cour du théâtre à S. Luca. Elle est probablement à l'origine de l'enseigne de la "Vieille", enseigne de la pharmacie du campo S. Luca. Une autre origine possible est cependant mentionnée par N. U. Pietro Gredenigo da S. Giustinia dans ses Mémoires manuscrites conservées au Museo Civico. Voici exactement quelles sont ses paroles : Une vieille dame de la paroisse de S. Paterniano, d'un naturel avare, cachait tous les fruits qu'elle tirait de son travail et les cousait dans la doublure d'une vieille et inutile houppelande qu'elle tenait au milieu de chiffons, dans la partie la plus oubliée du grenier, cachant ainsi à son espiègle et misérable fils, sa fortune. Un jour, parmi les plus froids de l'hiver, pris d'une ardente compassion vis à vis d'un pauvre mal vêtu au milieu de la rue, ce fils se résolut à prendre ce vieux manteau, croyant ne pas avoir besoin de la permission de sa mère pour un si piteux bout de chiffon et lui donna. La semaine suivante, la mère devant augmenter son dépôt, et ne le trouvant pas, interrogea finalement son fils pour savoir s'il pouvait lui donner des nouvelles Elle lui révéla son intention de lui laisser en héritage tout ce qu'il contenait. Ayant reçu cette incroyable information , il se donna grand peine pour retrouver le mendiant mais n'arriva pas à son but. Il se décida alors à se vêtir à la manière d'un pauvre niais au pied des marches du Rialto, là où, à chaque moment de la journée se croisent les hommes qui parcourent la cité. Là il tournait lentement un dévidoir, reprenant son plaintif chant de façon à inviter les passants à compatir à son destin infortuné. Il ne cessait cependant de guetter, son œil cherchant le pauvre, lequel à peine entrevu, il appela, le cœur en joie. Par un froid si intense, il lui exprima sa tristesse de le voir si mal vêtu et lui dit : "Frère, je suis si compatissant avec toi que je voudrais échanger nos manteaux, ainsi je saurai mieux par ce moyen être en paix avec moi même" Il ne fut pas difficile de contenter l'étranger nécessiteux, surpris par l'humanité de ce pieux vénitien. Il le remercia en le bénissant, prit le don et passa son chemin. Alors, sans perdre de temps, ayant abandonné le dévidoir, le fils retourna d'un bon pas chez sa mère et avec un plaisir partagé ils reprirent possession de l'opulente bourse. Ainsi le mystérieux symbole contribue à rappeler l'histoire, puisque au moyen de l'argent se créa un florissant commerce de pharmacie, décoré par une sculpture qui représente la Vieille, assise, avec la quenouille et le fuseau et à ses pieds, son fils avec le dévidoir. Le jeune homme s'appelait Vincenzo Quadrio et tint la première droguerie à l'enseigne de la Vieille Giuseppe Tassini, dans son livre : Curiosités vénitiennes, ajoute la conclusion suivante. "Laissant de côté tout ce qu'il peut y avoir d'invraisemblable dans cette histoire fabuleuse, il est certain que son protagoniste vivait à Venise au XVIème siècle, puisqu'en parcourant dans nos archives, les testaments nous avons trouvé celui de Antonio Frigerio, fait le 16 juillet 1564 dans les actes du notaire Antonio Maria di Vincenti, dans la paroisse de S. Luca, où est mentionné comme commissaire Vincenzo Quadrio, droguiste à l'enseigne de la Vieille. On doit noter que si au début, comme le veut Gradenigo, on voyait sur l'enseigne la Vieille en train de filer avec son fils à ses pieds, il n'y eut plus ensuite que seulement la vieille, à laquelle on ajouta à notre siècle le cèdre impérial, enseigne d'une autre pharmacie, disparue, voisine de celle de la Vieille.
Anecdotes historiques vénitiennes" - 1897 -Giuseppe Tassini - Merci à Claude Soret pour ses traductions.