28 juillet 2012
- L'Ogre n'a pas de patrie, pas de pays, pas de religion
- L'Ogre n'est pas l'argent, qui d'ailleurs n'existe pas
- L'Ogre n'est pas un pays, qui d'ailleurs n'existent plus
- L'Ogre n'est pas un peuple
- L'Ogre domine la Terre entière mais n'est pas tout puissant
- L'Ogre se nourrit de la guerre
- L'Ogre, suprêmement intelligent, est souvent dissimulé derrière le faciès d'un petit clown à la stupidité manifeste — dont le rôle est habituellement de préparer le terrain à un serviteur de l'Ogre plus présentable, qui exécutera les plus immondes tâches dans le calme et l'élégance
- On peut combattre l'Ogre et même le vaincre, mais jamais par la guerre, qui toujours le rendra plus fort
- L'Ogre possède par routine une armée très aguerrie et puissante, occupée à faire semblant de le combattre
- L'Ogre est apparu un jour, comme une infection se déclare ; il s'est développé graduellement, mais, contrairement à ce qu'affirme son discours direct, il n'a pas toujours été parmi nous et ne représente en rien un phénomène naturel
- Lorsque deux marionnettes se font la guerre, l'Ogre a une main dans chacune d'elles ; c'est un des aspects qui n'ont de cesse de nous mystifier, nous, le peuple en général et eux, les « intellectuels » (ou les experts) en particulier
- Lorsqu'une voix parle fort et que ses propos sont répétés partout, c'est toujours la voix de l'Ogre, même quand son propos semble juste
- L'Ogre est habile en dissertation ; quand l'Ogre parle, il flatte systématiquement son auditeur en lui disant ce qu'il a envie d'entendre ; dans son discours, le véritable crime est dissimulé, mais une analyse le révèle chaque fois
- L'Ogre, par sa nature même, dévore le vivant
- L'Ogre est complice de la mort, mais pas de la splendide mort terrienne qui n'est qu'un passage ordinaire et glorieux vers des états nouveaux ; l'Ogre est complice de la mort qui bloque, qui enferme, qui retarde les éclosions, qui instille la souffrance, la peine, l'épuisement, la lourdeur, la morale, l'injustice, l'apathie, la sécheresse, la famine et la stérilité
- On peut détecter la main de l'Ogre avec une relative facilité, en reconnaissant la marque de ses agissements ; l'Ogre enchaîne, a la nostalgie de l'esclavagisme ; l'Ogre lutte contre l'éducation du peuple — quand l'Ogre y consent, ce n'est que pour apprendre au peuple à manier de nouvelles chaînes et de nouveaux fouets améliorés — ; L'Ogre raffole de destruction et sa construction ressemble à une destruction
- L'Ogre a l'obsession de l'Ordre artificiel, qui est son état rêvé et, par opposition, craint comme la peste l'Ordre naturel, contre lequel il s'est dressé, qu'il nomme avec mépris le « chaos », ou le désordre ; l'Ogre n'est donc pas opposé à la préservation de l'environnement, mais farouchement en guerre contre celui-ci, avec le fantasme avoué de le réduire et de le dominer, quelque soit l'absurde degré de viabilité d'un monde que cette lutte, si elle s'avérer victorieuse, engendrerait
- L'Ogre, contrairement à ce qu'il a réussi à faire croire tant à ses ennemis qu'à ses serviteurs, abhorre la science. La méthode scientifique, la pensée rationnelle, la réflexion, sont autant de cauchemars auxquels l'Ogre est profondément allergique ; la « science » qui se conforme aux ordres de l'Ogre est une science irrationnelle, qui exige la foi et l'obéissance, fait la promotion active de l'ignorance et enferme les idées dans des forteresses-prisons dans lesquelles elles sont torturées et mises à mort, puis remplacées par des dogmes qui usurpent leurs noms
- Les idées vraiment dangereuses pour l'Ogre sont très vite copiées par lui et régurgitées plus fort dans un nouveau discours ; celui-ci se présente sous deux formes principales : dans la première, le discours est d'apparence sensée, mais contient quelques fines modifications qui serviront à déclencher la destruction en temps et lieu du mouvement qui lui est loyal, dans la seconde, le discours est caricaturé, grimaçant, hurlé par des bêtes sans panache qui, évidemment, parlent cent fois plus fort que ceux qui ont organisé les idées à la source du discours, afin d'effaroucher le peuple et de miner la crédibilité des idées-mêmes qu'il fait semblant de défendre
- Les principales tentacules de l'Ogre (qu'elles soient natives ou usurpées par infiltration, qu'elle soient 100% conscientes de l'origine de leur motricité ou au contraire, assoupies dans la cale) sont :
les banques, les grandes corporations, les principales organisations religieuses, les états, les mafias de tous niveaux — facilement détectées à la présence pullulante des travaux publics, les principaux syndicats, les médias, l'industrie lourde, les armées nationales et privées, les cartels de la drogue, les principales institutions d'enseignement du globe, les pharmaceutiques, le complexe industriel-militaire, et les services secrets — prétendument braqués les uns contre les autres (il suffit souvent d'une équipe très réduite de personnel loyal bien formé pour contrôler les gestes principaux d'un mastodonte transnational ou d'un pan crucial d'une organisation)
- Il peut arriver que certaines composantes de l'Ogre se montrent particulièrement gourmandes ou vaniteuses (par ex. les organisations religieuses ou certains états), il leur est permis, il y sont même encouragés, qu'ils luttent les uns contre les autres et se livrent bataille, tant que l'optique, le discours, les valeurs fondamentales et les méthodes demeurent celles de l'Ogre, qui s'en sort chaque fois grandi
- Il arrive, comme cela a sans doute été le cas le 11 septembre 2001 aux États-Unis, que des groupes rivaux au sein même de la légion des plus fidèles et loyaux serviteurs de l'Ogre se fassent la lutte, ou tentent inconsidérément de s'emparer du commandement suprême ; chaque fois qu'une telle bataille est livrée, c'est la main de l'Ogre elle-même qui porte le coup de grâce à l'Ogre que l'on croit vaincre ; quand retombe la poussière, la guerre a décuplé la puissance de l'Ogre et rien ne peut plus s'opposer à son hégémonie
- Les principales hantises de l'Ogre sont :
l'art, la créativité, l'amour, l'amitié, la paix, la réflexion, le dialogue, l'histoire, la connaissance, la culture, la liberté, la jouissance, le partage, la souveraineté, l'autarcie, les croisements, toute organisation hors de son contrôle, le nomadisme et la nature
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Je poursuivrai la rédaction de ces notes au fur et à mesure que je disposerai des secondes vitales nécessaires.© Éric McComber