Il m’a fallu trois jours pour parcourir les soixante premières pages. Et puis, peu à peu, une certaine magie a commencé à produire ses effets mystérieux. Il était deux heures (du mat’)… J’ai commencé, lentement, à me laisser subjuguer par l’atmosphère étrange de ce roman, dont on ne sait s’il est maitrisé ou si l’auteur a trouvé le philtre qui séduit le lecteur un peu par hasard. Du hasard, il en faut certainement, même chez les plus talentueux, pour trouver ce petit quelque chose apte à ravir un lectorat…
Tout semble un peu statique dans la vie d’un couple de trentenaires assez ordinaire. Anna est enseignante, et toute son attention est attirée par une manifestation, où elle se fera molester… Ses relations avec Adam sont froides, et de plus en plus distantes. Les yeux de la jeune femme se tournent vers un collègue… Elle s’éloigne, et le drame qui arrive, assez tard dans le volume, vers la page 90, n’arrange rien.
Nous suivons principalement la vie d’Adam, ses incertitudes, ses petits jobs qui de fil en aiguille le conduisent… à rien. Il a une altercation avec un collègue. Qui est cet homme qui le bouscule à l’usine sans raison apparente ? Adam en est obsédé. Il veut lui parler, mais l’homme s’est enfui… Et Anna, toujours Anna, qui fuit elle aussi comme un fantôme…
Rien de bien folichon en apparence, rien de bien saisissant. Ces personnages semblent velléitaires, sans éclat, en proie à une existence insipide.. Comme tant d’autres. Sauf que tant d’autres s’en sortent mieux… On voudrait les secouer de toutes nos forces. Leurs vies s’écoulent comme de l’eau sous un pont, des vies semblables à des milliers, à des millions d’autres. Un enfant est là aussi, Martin, entre ses parents… Et puis il y a le chien qui fait des apparitions… Importunes.
Tout ceci serait resté sans intérêt. Cependant la magie opère peu à peu. On se prend de sympathie, voire d’empathie, pour Adam, surtout, moins pour sa compagne, qui trompe et fui la demeure sans états d’âme. Il y a un certain talent de l’auteur, qui amène les ingrédients à doses homéopathiques, lentement, mais crescendo, comme un traitement de fond. De sorte que le remède contre la morosité agit enfin. L’histoire est tournée habillement, sans grand éclat, dans un style discret, sans effet, sans pathos, mais finalement assez efficace (pour peu que le lecteur ait un peu de sensibilité). L’émotion est permanente mais larvée, dans l’ombre même de ces personnes secrètes. On la sent là quelque part, quand elle surgit subitement, sans prévenir. C’est avec une larme (petite) que j’ai tourné la dernière page, à trois heures trente (du mat’). J’hésite sur le nombre de
Bilan :
« À l’heure où chacun souhaitait ses meilleurs vœux pour l’année à venir, elle l’attrapa par la main et ils s’éclipsèrent dans une chambre. Ils s’enlacèrent, se caressèrent longuement avant de s’allonger, sans un mot, leur silence enrobé par le vacarme étouffé résonnant de l’autre côté de la porte. Elle respirait fort, de plus en plus fort. Elle écarta les cuisses et il la pénétra, et, durant le moment où s’accomplissait cette union, il oublia la douleur, la haine et la mort. »
L’homme arrêté – Sébastien Amiel. Éditions de l’Olivier
Date de parution : 10/05/2012