La première réalisation (sur un long-métrage) de Ben Affleck est généralement saluée tant par la critique professionnelle que par le public : son adaptation d’un roman poignant de Dennis Lehane a su éclairer d’un jour nouveau ses compétences dans le domaine du cinéma, lui qui jusque lors peinait à convaincre par ses qualités d’acteur. A partir d’un script complexe, au rythme inhabituel et au sujet délicat, l’acteur-réalisateur s’est attelé à plonger dans les moindres recoins de sa ville d’enfance (Boston) pour mettre à l’écran des individus aussi disparates que pittoresques, mais surtout crédibles. Il y a du soin, de l’application dans cette mise en scène souvent claustrophobique, qui semble enfermer les protagonistes de cette sombre histoire dans un mécanisme implacable, les laissant se débattre avec l’illusion d’une liberté de mouvements et de la légitimité de leurs actes.
Gone Baby Gone manipule nos perceptions et nos convictions, interpelle constamment et, accessoirement, joue la carte de l’enquête poussive, celle qui ne semble guère avancer que par ces à-coups liés à un témoignage soudain, une information glanée presque par hasard, un détail révélateur mis au jour au travers de l’enchaînement de quiproquos, voire de la simple réflexion d’un détective un peu plus acharné que les autres. Dès le départ, le film nous prend à parti : la victime est une toute jeune fille, la maman (Amy Ryan, bluffante) génère tant d’antipathie primaire qu’elle suscite d’abord le rejet chez les enquêteurs ; ses premiers témoignages sont faux, elle buvait, se droguait et fréquentait des individus mal famés. N’aurait-elle eu que ce qu’elle méritait ?
Mais il s’agit d’enfant, d’enfant disparu. Et très vite, la morale et la conscience populaire s’en mêlent, d’autant que les policiers, d’abord présentés comme peu impliqués, assènent les statistiques comme autant d’épées de Damoclès : vu les circonstances, les chances de la retrouver sont extrêmement minces…
Par le biais subtil de ce couple d’enquêteurs atypiques, on sera constamment amenés à réagir brutalement, épidermiquement, par bouffées d’émotion mal contenue (il suffit de voir le paradoxe entre la répulsion d’Angie – Michelle Monaghan, lumineuse – envers la mère et son implication maladive dans la recherche d’Amanda) ou à suivre bon an mal an l’instinct faussement indolent de Patrick (excellent Casey Affleck, parfois agaçant mais toujours juste) qui préfère prendre du recul, évite de trop s’impliquer et parvient à tirer ainsi quelques déductions salvatrices. En filigrane, toujours, cette manipulation propre à Lehane qui transpire dans un casting déroutant mais impeccable, où Ed Harris et Morgan Freeman tirent parti de leur aura et déroutent nos sentiments. Le rythme peut déstabiliser, d’autant que l’enquête sur Amanda s’achève bien avant la fin du film, laissant pour le spectateur attentif une bonne part de doutes : si le soufflé de la tension retombe, c’est pour mieux reprendre le problème, mais sous un autre angle (attitude propice pour démêler l’écheveau d’une enquête plus complexe qu’elle n’en a l’air). Et cette fois, outre l’empathie évidente pour le sort d’un enfant disparu, apparaissent les notions de Justice, d’équité, de responsabilité et de Loi, mettant nos héros (et nous avec, par la même occasion) en un porte-à-faux pervers.
Comme prévu par les producteurs, la conclusion amènera forcément le spectateur à discuter des options prises par les protagonistes : le film ne laisse personne intact. On lui pardonnera aisément quelques maladresses et un tempo qui, s’il fait la part belle aux personnages, nuit parfois à l’intérêt lié à l’enquête.
Une réussite incontestable, un très bon blu-ray.
Ma note (sur 5) :
4
Gone baby gone
Mise en scène
Ben Affleck
Genre
Drame policier
Production
Miramax & The Ladd Company
Date de sortie France
26 décembre 2007
Scénario
Ben Affleck & Aaron Stockard d’après le roman de Dennis Lehane
Distribution
Casey Affleck, Michelle Monaghan, Ed Harris & Morgan Freeman
Durée
115 min
Support
Blu-ray Studio Canal region B (2012)
Image
1.85 :1 ; 16/9
Son
VOst DD 5.1
Synopsis : Dans une banlieue ouvrière de Boston, la petite Amanda a disparu. Après l'échec des recherches menées par la police, la tante et l'oncle de l'enfant décident de faire appel à des détectives privés du coin, Patrick Kenzie et Angie Gennaro. Patrick et Angie connaissent bien le quartier, au point de savoir qu’Hélène, la mère d'Amanda, est une droguée. Plus ils enquêtent, plus ils découvrent l'envers de la ville dans ce qu'il a de plus sombre. Ils s'enfoncent au-delà des mensonges et des faux-semblants, vers les secrets les plus noirs de la ville, là où règnent les dealers, les criminels et les pédophiles. Cela ne les aide pourtant pas dans leur enquête et Amanda reste introuvable.
Face à la pression médiatique, Remy Bressant, un enquêteur qui ne lâche jamais, et le capitaine de police Jack Doyle vont aussi s'attaquer à l'enquête. La vérité finira par surgir, mais elle
aura un prix. Chaque ville a ses secrets, chaque humain sa conscience...