29 juillet Forgot the drugs Ugo s'assit à l'écart, le temps n'était pas aux bavardages météorologiques. Il se mira sur la vitre ; sa barbe poivre et sel, coupée ras de l'avant-veille lui donnait dix ans de plus. Tant mieux, être de plus en plus présentable en vieillissant, c'est la consolation des laids. Le train ne fit pas la une des journaux : il partit à l'heure. Ugo était névrosé obsessionnel, côté horloge. Il arrivait systématiquement un quart d'heure en avance aux rendez-vous tant il détestait faire attendre, il disait, ronflant, "arriver en retard, c'est manquer de respect". Aussi lorsque la personne désirée se pointait avec un quart d'heure de retard, Ugo attendait depuis une demi-heure en fulminant ; Ugo était tellement chiant avec ça, qu'il ne savait jamais avant d'arriver s'il allait être en avance ou en retard... Le train partit donc à l'heure et Ugo se sentit soulagé, il s'endormit de suite. Il se réveilla au troisième changement de sens et la mémoire lui revint lentement : plus d'appartement plus de canapé cuir et de fauteuil club, plus d'Isabelle. Plus d'engueulade plus d'amour à la va vite plus de blanquette de veau plus de larmes essuyées au creux d'une joue plus... Juste une carte bancaire avec le virement mensuel de sa pension d'invalidité. L'impression d'avoir franchi une porte d'espace-temps. Il ne savait quoi en penser, il ne se souvenait même plus de la dispute qui avait engendré cette révolution. Il tâta sa poche, un billet pour Lyon oublia sa mère. Ses médicaments !! il sursauta. Sa dope, dans la précipitation il avait oublié son ordonnance. Il avait juste le tube de secours dans la poche de son pantalon ! Dix ans de prise ininterrompue, dix ans de souffrance étouffée par du Valium et autres produits chimiques, dix ans qu'il engraissait les usines à produits pharmaceutiques, dix ans d'addiction ! Evacués d'un coup de tête ! Curieusement, il ne paniqua pas, quitte à prendre un virage autant le prendre à 180°. Et puis, il avait toute sa tête ; forgot the drugs. Mais, exception fait loi, sapé comme un voyageur. Pompes élégantes et confortables malgré tout, autant que des charentaises, idéales pour la marche ; un jeans à l'épreuve des balles, et propre, un polo mi-saison un gilet brun, il avait même eu la présence d'esprit, malgré le soleil estival de choper son blouson : il ne faisait ni envie ni pitié et il était parti pour loin... A suivre... demain !
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