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N’ayez crainte, je ne vous parlerai pas de Charles Baudelaire, même si « les Fleurs du Mal » occupait une place importante dans ma liste d’œuvres présentées à l’oral du bac français et que le spleen baudelairien ne m’a jamais laissé indifférente, je profite simplement, une fois de plus, de cette chronique pour partager avec vous un sentiment… Non pas que la page du week end soit un exutoire… quoique…
Tout a commencé il y a quelques semaines, un soir où j’étais invitée (je garde volontairement l’imprécision tant sur les personnes que sur les dates et lieux des événements, car le but ici n’est absolument pas de «dénoncer»). La soirée s’était bien déroulée, des convives intéressants, de la bonne bouffe, des boissons… Il est tard et j’intercepte du regard un échange de petite « fiole ». Sur le coup, je n’y prête pas attention. Au moment de partir, comme l’hôte était dans la salle de bains, je me permets de frapper, on m’invite à entrer et là je suis confrontée à quelques lignes bien blanches gentiment étalées sur les bords du lavabo… Mon expression a trahi ma pensée, un furtif « au revoir » et je rentre me coucher. Evidemment, l’hôte en question a scruté ma réaction, a attendu mon coup de fil du lendemain matin, a peut-être espéré, quand je l’ai revu que j’allais dire ce que j’ai l’habitude de dire… mais je n’ai rien dit, rien fait, car…
Quelques jours plus tard, je suis à nouveau invitée (oui, j’ai une vie sociale bien remplie ces derniers temps !). Là, c’est une toute autre bande de potes (difficile de ne pas entrer dans les détails…). Les connaissant depuis des années, je sais pertinemment que l’un d’entre eux est (était) accro à l’héro, mais étant une pièce rapportée, je me suis toujours dit que c’était son problème et pas le mien. Je pensais qu’en fréquentant sa moitié, il allait décrocher, qu’elle allait parvenir à lui faire oublier ses habitudes passées…
Me sont alors revenus en mémoire les mots fort justes d’une amie qui me disait toujours « Quand on fréquente un accro et qu’on est amoureux, rares sont les exemples où la personne décroche. C’est plutôt l’autre qui plonge… » Et moi qui lui répondait, sure de moi, « Mais non, il a vraiment décroché et c’est du passé tout ça ». Mais elle avait raison…
Des années que ce petit manège dure, des années que je m’accroche (à tort ou à raison) au fait qu’il est impossible que je fréquente de près ou de loin de véritables accro aux substances illicites. Et pourtant, je viens de me prendre en pleine figure la porte du pays des bisounours, le pays où tout il est bon, tout il est gentil… Je réalise peu à peu que j’ai vécu en faisant abstraction de cette réalité bien présente et apparemment constante autour de moi, que j’ai choisi inconsciemment d’occulter et qui par un jeu de coïncidences me revient dessus comme un boomerang…
Il est vrai que mon unique expérience de la drogue se limite à un soir d’adolescence où, avec des copines, nous avions décidé de « gober » et pendant que nous étions à la recherche des fameuses « pilules du bonheur », une fille de notre âge est décédée, sous nos yeux, à la sortie d’une boîte de nuit parce qu’elle avait justement gobé quelque chose qu’il ne fallait pas… je peux vous dire que sur le coup, ça nous avait refroidi net et qu’en ce qui me concerne, ça m’a refroidie à vie…
Alors, comme je ne sais pas ce que ça fait d’avoir recours à ça, à ces substances qui, apparemment, vous permettent de vous dépasser, de planer, de vous sentir mieux, de je ne sais quoi d’autre… je ne ferai pas gronder la voix de la morale, comme, je le sais, certains semblent l’attendre, mais je voulais juste leur dire (car ils leur arrivent de me lire) que je suis là pour eux, que je ne boude pas et que ces paradis artificiels ressemblent plus à des paradis perdus qu’au vrai paradis…