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J.O.: une soirée d’ouverture conçue pour la télévision

Publié le 28 juillet 2012 par Francoisjost

A n’en pas douter, la soirée d’ouverture des JO a marqué une rupture. Non pas seulement par ce qu’elle a présenté aux spectateurs, mais par la façon dont elle a été conçue, scénarisée par Dany Boyle.

Au milieu du stade, on pouvait voir, bien avant le lancement officiel de la soirée, une campagne anglaise avec des saynètes : des paysans parlant entre eux, des gens jouant au jeu de paume, des hommes déambulant, des moutons, des oies, des vaches, etc. Quand le spectacle commença, on put voir des scènes spectaculaires, montrant, par exemple, des cheminées qui sortaient de terre pour illustrer l’ère industriel, puis une opposition entre les capitalistes de la City et le peuple des travailleurs. Tout le spectacle était plein de bons sentiments et, même, de belles images.

Néanmoins ce n’est pas du contenu que je voudrais parler ici, mais du parti pris de mise en scène de Boyle.

Le fossé entre les spectateurs et  les téléspectateurs

Quelles images, en effet, nous montrait ce spectacle ? Des images pour ceux qui avaient payé, j’imagine, une fortune pour y assister ou des images pour les téléspectateurs du monde entier ? Force est d’admettre que le seul souci du réalisateur était de satisfaire les seconds, bien plus nombreux, au détriment des premiers.

A tel point qu’on pouvait parfois se demander ce que voyaient vraiment les gens dans les tribunes. Le cinéaste avait choisi, non d’en mettre plein les yeux sur la scène de la pelouse du stade, mais de construire un véritable film, dont le montage mélangeait des images en direct et des images filmées par avance. L’acmé de la soirée fut, à cet égard, atteint par la séquence dans laquelle Daniel Craig, un des James Bond, allait chercher la Reine à Buckingham et la faisait monter dans un hélicoptère qui, par un raccord, apparut en direct au-dessus du stade.

La retransmission a peu montré le dispositif d’ensemble et nous avons peu vu les écrans qui se trouvaient sur le stade. Mais il faut imaginer le « gap » qui nous a séparé des spectateurs qui s’y pressaient : alors que nous voyions un montage final qui mixait le direct et le déjà-filmé, les spectateurs du stade devaient se faire mentalement un montage du même genre en juxtaposant le spectacle qu’ils voyaient dans le stade et celui que projetaient des écrans. En sorte que, alors que le montage pour les téléspectateurs était imposé et unique, les spectateurs du stade pouvaient monter comme ils voulaient les deux sources visuelles.

Le parti pris du téléspectateur

Boyle prit donc clairement le parti du téléspectateur plus que du spectateur des tribunes. D’abord, en faisant un montage cinématographique qui ne pouvait se comprendre que dans la vision finale livrée par l’écran (qui pouvait voir les gros plans Kenneth Branagh dans le stade ?), ensuite en faisant une reconstitution qui n’avait de sens que dans ses détails et non dans des images symboles lisibles en plan d’ensemble, comme à Pékin par exemple.

En ce sens, cette cérémonie, plus que n’importe quelle autre auparavant à choisi les téléspectateurs contre les spectateurs. Télévision 1 / Stade 0. Le match sera gagné par la télévision, n’en doutons pas.


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