J'ai souvent lu des interviews d'auteurs dans lesquelles ces derniers expliquaient que pour écrire tel bouquin, ils avaient écouté en boucle tel opéra ou tel genre de musique. Etonnant. Pour ma part, j'ai l'habitude de privilégier le silence, il y a déjà suffisamment de bruit dans ma tête. Mais comme d'une part, pour réussir, il est souvent bon de prendre exemple sur ceux qui réussissent et que, d'autre part, je n'ai pas envie de mourir idiote, j'ai décidé de m'essayer à cette autre manière de laisser émerger les mots. On verra bien ce que ça donne... Qu'ouïs-je ? Que me racontent ces gargouillements doublés d'un rif électronique ? Comment vais-je trouver des références pertinentes à ajouter à ma bafouille ? Parce que dans la société d'aujourd'hui, vous savez comment c'est : la parole d'une personne ne vaut que si elle reprend celle d'autres gens, plus éminents qu'elle-même. Ce qui explique sans doute que la créativité s'appuie de plus en plus sur des re-remixes, des re-remakes et des caricatures de caricatures... Vous avez compris le principe. Forcément puisque vous vivez à peu près dans le même monde que moi. Un monde qui, à force de coller à l'imaginaire des maîtres de la science fiction, va finir par faire passer ceux-ci pour des devins. Alors qu'en réalité, leur don se limite (excusez du peu) à savoir deviner dans les tendances naturelles de l'être humain, les prochaines dérives auxquelles ce dernier pourrait bien s'adonner. Faut-il rappeler que Frank Herbert était psychiatre ? Donc un peu fou, selon la croyance populaire. C'est-à-dire dans un système de pensée qui ne correspond pas à celui de la norme, de la moyenne de l'ensemble de la population, quoi ! Ainsi un comportement farfelu, s'il était partagé par la majorité, serait qualifié de "normal", conforme à la moyenne et à ce titre, il serait admis, voire même encouragé. A défaut de cela, on dit de nous qu'on a perdu le citron, la boule, la tête, qu'on est complètement givré, cintré, secoué, qu'il nous manque un quart d'heure, qu'on est pas fini, pas tranquille ou pas bien. Comme un gamin qui sort de l'école en fait...
Mais partant de là justement, le bien, le mal, l'absolu, tout cela n'a plus de sens réel. Et se pencher sur la question, c'est assurer de coquets bénéfices au détenteur du brevet du Sumatriptan*. Quoi, vous ne connaissez pas le Sumatriptan*, le fameux antimigraineux ? Vous faites donc partie de ces rares gens qui ne discutent jamais avec leur pharmacien ? Le pharmacien, vous savez, ce commerçant qui vous propose d'acheter pleins de pilules, gélules, capsules et autres trucs en -ule, promettant qu'elles vont vous soulager de tout ce qui ne va pas... Et empêcher que ce qui va de se détraquer... A l'exception bien sûr, de votre porte-monnaie et de vos filtres naturels, le foie et les reins, dont le travail consiste (oh les vilains dépensiers) à débarrasser le corps de toutes ces cochonneries qui vous ont coûté si cher et que vous enfournez goulument en croyant vous faire du bien. Triptans contre les maux de tête, codéïne et autres opioïdes contre les douleurs rebelles, benzodiazépines pour dormir, caféine et cocktails vitaminés pour se réveiller et être performant, fluoxétine, paroxétine et divers trucs en -ine pour vous faire faire risette quand la vie vous paraît moche, Per*actine pour vous donner de l'appétit ou Méd*ator pour vous le couper, l'appétit... Nos armoires à pharmacie ressemblent à de vrais doubles fonds de valises de coureurs cyclistes ! Enfin, ça c'était avant le "pharmagate". Parce que maintenant, les anciens consommateurs du médicament star de Serv*er n'ont plus besoin de quoi que ce soit pour avoir l'estomac noué. Il leur suffit de penser à tous les effets secondaires qui leur pendent au nez pour sentir une main puissante leur compresser les viscères jusqu'à leur filer la nausée. Même chose pour les pauvres porteuses de prothèses mammaires, gonflées bien malgré elles au lubrifiant pour moteurs ! Sept milliards d'êtres pensants, qui vivent de plus en plus vieux mais veulent paraître jeunes à tout prix pour profiter toujours plus, ça produit quoi, sinon toujours plus de choses inutiles, par pure soif de nouveauté ? Car il n'y a rien à faire, nous sommes des assoiffés, et notre soif est impossible à étancher, impossible à tromper. Et cette soif est à l'origine de l'emballement d'un système qui finira sans doute par causer notre propre fin (On va tous mûriiiiir!) ainsi probablement que celle de toutes les autres formes de vie de la planète (tous tous mûriiiir !).
Aux belles expressions pleines de sagesse totalement hors de propos, du genre : "La Terre ne nous appartient pas, ce sont nos enfants qui nous la prêtent", ou encore : "Les forêts précèdent les hommes, les déserts les suivent", répondent placidement les pages de publicités qui affutent notre envie de consommer. Vous et moi, les CONS, sommes SOMMÉS d'acheter, pour faire tourner la machine économique. Nous courons toujours plus vite tels des hamsters dans la roue de notre avidité de biens matériels, nous courons pour ne pas nous faire écraser par le rouleau compresseur économique. Nous mettons un coup de collier, montrons les dents, donnons quelques ruades désespérées pour retarder le moment où l'on rachètera notre âme avant de la délocaliser, pacifiquement, au nom de l'amitié entre les peuples. Quelle belle idée, tous les hommes se donnant la main, tous frères dans la grande famille humaine. Mais croire à cette belle façade, c'est oublier que la guerre d'aujourd'hui ne se fait plus tant au AK-47 qu'à coups de cyber-attaques et de spéculation financière. Après, on peut bien donner des leçons d'écologie aux peuples dits "en voie de développement", nous les anciens colonisateurs sur le déclin, pleins de condescendance aveugle. Cette cécité n'est-elle pas la preuve irréfutable qu'avant de rechercher une intelligence extraterrestre, il serait urgent et nécessaire d'écouter celle qui peine à se faire entendre ici-bas, sur notre petite planète mondialisée ? Pour mémoire, j'étais partie d'un gargouillement diffusé sur une webradio et j'arrive à la question de la vie extraterrestre. D'un rebond à l'autre, d'une musique à la suivante, voilà le résultat de l'expérience du jour. Je me relis... C'est carrément décousu, mais ça se lit. Enfin je crois, ou alors, la musique acousmatique a eu raison de mon discernement. Quoi qu'il en soit, pour qu'une expérience soit utile à la communauté, il faut la partager. Alors publions. Mais à dire vrai, quand je vois ce que la liberté m'a amenée à produire, je me demande si finalement, une petite dictature est toujours un si grand mal...