Disparu il y a moins d'un an (septembre 2007) à l'âge de 73 ans, le grand musicien syrien Solhi al-Wadi (صلحي الوادي) appartenait à une prestigieuse génération d'intellectuels proche-orientaux souvent méconnus et dont la figure, célèbre en Occident, d'un Edward Said donne une idée du cosmopolitisme raffiné.
Né en Irak, Solhi al-Wadi était parti, après ses premières études à Damas, à Alexandrie pour le célèbre Victoria College, puis l'Institut supérieur de musique. Après cette formation, complétée à la Royal Academy of Music de Londres, il créa dans les années 1960 l'Institut arabe de musique de Damas qu'il dirigea trente ans durant avant de prendre la tête de l'Institut supérieur de musique où il mit en place, quelques années plus tard, le premier orchestre national symphonique.
On a déjà eu l'occasion d'écrire dans un précédent billet combien il faut de sottise arrogante à un Bernard Lewis pour écrire, en dépit de tels exemples, que la musique occidentale "reste profondément étrangère aux habitants du Moyen-Orient".
Avec l'Orchestra Mari (أوركسترا ماري), créé en 2006 et qui a remporté un très grand succès lors d'un récent concert donné à Dubaï, une bonne occasion lui est donnée de corriger ses préjugés, non seulement sur la réalité musicale de la région, mais aussi sur la situation de la femme arabe.
Tirant son nom de l'antique cité fondée non loin de l'actuelle frontière syro-irakienne au troisième millénaire avant notre ère, l'Orchestra Mari regroupe dans sa formation la plus étendue quelque 39 chanteuses et 62 musiciennes, professionnelles ou non, formées aussi bien à l'étranger (Paris, Londres, Moscou, Saint-Pétersbourg...) qu'au conservatoire de Damas.
A l'origine de cette réunion d'interprètes exclusivement féminins (même s'il arrive que des hommes se joignent à elles au gré des circonstances), dont la programmation reprend un certain nombre d'oeuvres "légères" de la musique classique occidentale, il y a le désir de proposer un cadre qui permette aux nombreuses interprètes formées par le conservatoire de Damas d'exprimer leur talent.
Cependant, et même s'il se défend de tout parti pris féministe, Ra'ad Khalaf ne fait pas mystère de ses autres intentions : dans le contexte actuel, il n'est pas indifférent aujourd'hui de donner à voir, à un Bernard Lewis par exemple, triste inspirateur des politiques bushiennes dans la région, une image aussi positive de la culture et de la femme en Syrie.
Un émouvant portrait de Solhi al-Wadi par Imad Moustapha, l'actuel ambassadeur syrien à Washington, dont je signale ici le très cultivé blog (en anglais) qui parle beaucoup plus d'art que de politique (quoique...)