Règlements de compte ethniques dans l’Assam

Publié le 28 juillet 2012 par Journalpakistan @journalpakistan

Six mille soldats sont déployés dans le nord-est de l’Inde pour rétablir le calme. Les violences ont fait au moins 45 morts depuis le 20 juillet. Le Premier ministre indien est attendu sur place ce samedi.

Emmanuel Derville, à New Delhi. Paru dans La Libre Belgique le 28 juillet.

Sept jours après le début des violences, les survivants racontent leur calvaire. Les témoignages tournent en boucle sur les télévisions indiennes. Ils se ressemblent tous : chacun détaille comment il a vu un de ses proches tué par arme à feu ou découpé à la hache avant de contempler sa maison brûler. Deux cent mille personnes ont fui et le chiffre pourrait augmenter. Révélateur du mouvement de panique qu’ont provoqué les règlements de compte entre la communauté bodo et les Indiens musulmans originaires du Bangladesh.

Le vent de la colère s’est levé au printemps. Le 29 mai, un syndicat étudiant musulman, l’Union étudiante des minorités du Bodoland, lance un appel à la grève générale pour une dispute autour d’une mosquée installée aux abords de Kokrajhar. L’administration locale, tenue par les Bodos, veut casser la grève.

Des heurts éclatent : six blessés. C’est le début d’un cycle de représailles. Le 19 juillet, deux syndicalistes étudiants de confession musulmane sont abattus. Le lendemain, quatre membres des Tigres de libération du Bodoland, un groupe autonomiste bodo, sont assassinés. Quatre districts de l’Assam, en particulier celui de Kokrajhar, basculent dans la guerre ethnique.

Deux facteurs expliquent ces violences. D’abord, il y a l’immigration incontrôlée. ”Depuis cinq ans, la région accueille de plus en plus d’immigrés du Bangladesh , constate Namrata Goswami, chercheuse à l’Institute for Defence Studies and Analyses de Delhi. Ils travaillent dans les champs, pour les propriétaires bodos. Puis, ils prennent le contrôle des terres. Les Bodos ne peuvent rien faire car ils ne possèdent aucun titre de propriété. Et la situation économique conjuguée aux inondations récurrentes au Bangladesh en incite beaucoup à partir travailler en Inde.” La police locale estime que 50 000 immigrés passent la frontière indienne chaque jour. Un chiffre difficile à vérifier.

Ensuite, alors que les Bodos sont devenus minoritaires, ils dominent le jeu politique et réclament un Etat bodo autonome au sein de la fédération. ”Cette revendication inquiète les autres ethnies, en particulier les immigrés bangladeshis que les Bodos perçoivent comme des étrangers, note Sanjib Baruah, professeur de sciences politiques au Bard College de New York, qui ajoute : les immigrés bengalis affluent en Assam depuis des décennies. Les deuxième et troisième générations sont nées en Inde. Ce sont des citoyens à part entière.

Pour le gouvernement indien, il devient urgent de trouver une solution. Les districts touchés par les violences sont au cœur d’un corridor stratégique qui relie l’Ouest de l’Inde à toute la région de l’Assam. Frontalière de la Chine, du Bhoutan, du Bangladesh et de la Birmanie, l’Assam est riche en pétrole, thé, minerai… Et si l’instabilité perdure, le Pakistan, ennemi traditionnel de l’Inde, pourrait être tenté d’encourager les groupes musulmans dans leur lutte.


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