C'était en mars ou en avril dernier, je ne m'en souviens pas précisément. Je m'étais rendu à ce rendez-vous en traînant la papatte. C'était pourtant moi qui avait sollicité cette rencontre avec Dominique, la responsable de Slow Food à Reykjavik. Allez savoir pourquoi, je m'étais d'abord imaginé que l'association prônait un mode d'ingestion alimentaire fondé sur la lenteur, oeuvrant concomitamment pour l'avènement d'un monde d'où la constipation aurait disparu. Et qu'ici, en Islande, mon interlocutrice vantait, comme d'autres membres un peu partout ailleurs, les mérites d'une mastication qui s'éternise, condition nécessaire bien que pas tout à fait suffisante d'une digestion facilitée. Il faut croire que mon cerveau peinait à s'extraire de la torpeur hivernale dans laquelle il avait été plongé plusieurs mois durant.
Je finis par comprendre ma méprise en voguant mollement sur le site web de l'organisation, dont je pensais alors qu'il était une sorte d'apologie virtuelle de l'eupepsie, laquelle se trouve être, comme chacun sait, l'équivalent médical d'un processus d'absorption alimentaire efficient.
En réalité, je crois pouvoir écrire aujourd'hui que Slow Food est un mouvement international qui tend à privilégier une production et une consommation "responsables" en s'appuyant sur le pouvoir mobilisateur d'une alimentation authentique, désirable et saine.
Fort de cette incroyable découverte, qui raisonna en moi comme une révélation compte-tenu des effets sur mon estomac du Cheese Burger que je venais d'ingurgiter en toute hâte, je poussai la porte du Café Haïti pour découvrir mon gourou impatient de convaincre tout à fait son futur disciple dans une élégante toge diaphane.
Dominique n'était pas encore arrivée. J'en profitai pour m'installer en commandant un double expresso que j'espérai capable d'émousser la torpeur qui ne manque jamais de m'envahir lorsque j'avale semblable pitance. Je veux parler du Cheese Burger.
Puis elle est arrivée et nous avons commencé à parler.
Je vous passe les détails. Il me suffira de préciser que certaines personnes ont ce don si rare de pouvoir se métamorphoser lorsqu'elles évoquent leurs passions. Dominique Plédel Jonsson compte parmi ces OVNI. Et la philosophie Slow Food, à l'origine du phénomène, nourrit notre conversation durant les deux heures que nous passâmes ensemble.
Je n'aurais jamais envisagé de réaliser le modeste petit film qui suit si cette rencontre n'avait pas eu lieu. C'est un fait. D'ailleurs, et bien qu'il ait été réalisé avec les faibles moyens dont je dispose (notamment sur le plan sonore), je ne peux nier qu'il a été conçu comme un hommage aux idées que défend le mouvement autant qu'aux individus qui les portent
En quittant Dominique, j'étais enthousiaste.