Northanger Abbey
de Jane AUSTEN (Challenge Austenien - 2)Archipoche,
2011, p. 336
Première Publication : 1818
Pour l'acheter : Northanger Abbey
Jane Austen, née le 16 décembre 1775 à Steventon,
dans le Hampshire en Angleterre et morte le
18 juillet 1817 à Winchester, dans le même comté,
est une femme de lettres anglaise.
Son réalisme, sa critique sociale mordante et sa maîtrise
du discours indirect libre, son humour décalé et
son ironie ont fait d'elle l'un des écrivains anglais
les plus largement lus et aimés.
a jeune et crédule Catherine Morland, férue de romans gothiques, découvre la ville de Bath, dans le Somerset. Elle y rencontre Henry Tilney, qui l'invite à séjourner à Northanger Abbey, propriété de son père. Lieu au nom évocateur, que son imagination présage étrange et inquiétant...
Las : cette abbaye fort peu sinistre est en réalité pourvue de tout le confort moderne ! Une nuit passée dans une chambre isolée apportera-t-elle à l'impressionnable héroïne son lot de délicieuses terreurs, comme promis par Henry ?
Entrepris en 1798, Northanger Abbey est une parodie pleine d'esprit, publiée quelques mois après la mort de Jane Austen, en 1817. L'auteur d'Orgueil et préjugés n'y ménage pas son ironie, visant ici les hommes, leurs chevaux et leurs rodomontades, là les femmes et leur passion des toilettes et des romans. Tous les ridicules, toutes les frivolités sont la cible de la romancière, qui bâtit l'une de ses subtiles comédies amoureuses, pleine d'humour et de bon sens.
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près la grosse déception laissée par La Trace de Christine Féret-Fleury, j’avais besoin d’une valeur sûre… Malgré tout, j’avais tout de même un peu peur de me lancer dans Northanger Abbey car, imaginez si je n’aimais pas ! Comment pourrais-je vivre si j’étais déçue par un des textes de la grande Jane Austen ? J’étais donc à la fois pressée et à la fois hésitante de découvrir les aventures de la jeune Catherine Morland… Alors, verdict ? Je ne devrais pas douter de Jane, elle sait toujours me séduire, d’une façon ou d’une autre !
Catherine Morland, l’héroïne, n’a que 17 ans lorsqu’elle fait son entrée dans la bonne société de Bath. Il me semble que c’est une des plus jeunes héroïnes mises en scène par Jane Austen, avec Marianne dans Raison et sentiments (je ne parle pas des personnages secondaires et je ne me prononce pas sur Mansfield Park, je ne connais pas l’héroïne puisque je ne l’ai jamais lu…). Elle possède donc cette candeur et cette innocence toute adolescente des jeunes filles tout droit sorties de leur campagne. Maladroite et parfois un peu trop « fougueuse », elle ne sait pas toujours déchiffrer les signaux envoyés par ses interlocuteurs et réagit quelque fois de travers. Ajoutez à cela une imagination débridée nourrit par des lectures de romans gothiques (Les Mystères d’Udolphe d’Ann Radcliffe par exemple) qui faisaient sensation au début du XIXe siècle, et vous aurez un portrait assez complet de la jolie demoiselle. Catherine se révèle donc à la fois drôle et attachante, douce et déterminée… on aime la suivre dans sa découverte de Bath et de ses visiteurs et on prie pour qu’elle parvienne à se débarrasser de ce stupide John Thorpe.
Comme d’habitude, Jane Austen nous régale avec des portraits bien brossés, particulièrement ridicules. C’est l’occasion pour elle de se moquer des coquettes qui ne pensent qu’à leurs tenues et sont incapables de tenir une discussion sur un sujet différent (Mrs Allen), des chasseuses de mariages avantageux (Isabelle Thorpe), des prétentieux ignares et grossiers (John Thorpe), des hommes faibles gouvernés par les femmes (James Morland) et même des jeunes filles à l’imagination un peu trop active et débridée (l’héroïne herself !). Pour une fois, les parents de l’héroïne sont assez positivement décrits, plutôt ouverts et aimants.
Quant au héros masculin et à sa sœur, ils sont bien sous tout rapport (si ce n’est leur affiliation avec Mr Tilney père et avec le frère aîné, tous deux assez peu aimables et fréquentables) mais je les ai finalement trouvés assez fades. Surtout Henry Tilney. Je sais que je vais me faire quelques ennemis, mais je suis assez déçue par ce héros austenien. Il est certes très charmant, amusant et prévenant, mais je le trouve surtout sans surprise. L’aspect « romance » est d’ailleurs une des petites déceptions de cette lecture.
En effet, contrairement à Orgueil et préjugés, Persuasion, Emma ou encore Raison et sentiments, j’ai eu l’impression qu’entre Miss Morland et Mr Tilney, c’était tout de suite du tout cuit. Certes, certaines difficultés sont présentes jusqu’au dénouement, mais dès le départ, on ne doute ni de leur inclination mutuelle, ni de la fin heureuse que nous prépare l’auteure. Malgré tout, ils forment un beau couple et je ne boude pas mon plaisir, mais il m’a manqué un petit truc, un peu de suspense…
D’ailleurs, j’ai trouvé que l’intrigue s’essoufflait un peu après l’arrivée de Catherine à Northanger Abbey, ce qui se produit assez tardivement dans le texte contrairement à ce que nous laisse penser la quatrième de couverture. J’ai préféré les deux premiers tiers se déroulant à Bath, dans cette société anglaise hypocrite du début du XIXe siècle, même si le comportement de la famille Thorpe m’a plus d’une fois fait sortir de mes gonds. Une fois dans l’ancienne abbaye de Northanger (chez les Tilney), la vie est beaucoup plus calme et monotone, tout comme l’intrigue. Ce n’est certes pas désagréable, mais cela manque un poil de rebondissements à mon goût.
De toute façon, si je dois retenir une seule chose de ma lecture, ce n’est pas l’intrigue (ou la romance) que je choisirais, mais bel et bien l’ironie mordante de Jane Austen ! Je n’avais pas fini le premier chapitre que j’avais déjà le sourire jusqu’aux oreilles et savais que j’allais passer un excellent moment. C’est plein de dérision et de moqueries à peine voilées… quel délice ! C’est pourquoi, malgré la légère déception provoquée par le fond, je place Northanger Abbey sur la troisième place de mon podium austenien (derrière Orgueil et préjugés et Persuasion).
Et si la date de publication, 1818 (l’édition est posthume) vous inquiète, sachez que la plume de Jane Austen, bien que très raffinée, est très abordable et particulièrement agréable ! Les chapitres sont courts, qui plus est, ce qui facilite et rythme la lecture. Et si vous n’êtes toujours pas convaincus, peut-être que les illustrations régulières (style gravures) sauront vous faire changer d’avis.
Le rythme de l’intrigue et la romance m’ont certes très légèrement déçue, mais l’ironie et les moqueries tout juste voilées de Jane Austen, ici au sommet de son art, ont rapidement effacé les quelques faiblesses de Northanger Abbey. Pas mon préféré de la Dame, mais tout de même sur mon podium ! Il me tarde maintenant de rentrer de vacances pour retrouver mon coffret dvd et pouvoir découvrir l’adaptation de 2007 avec la très jolie Felicity Jones !
"Personne qui ait jamais vu Catherine Morland dans son enfance ne l'aurait supposée née pour être une héroïne. Sa situation dans le monde, le caractère de ses parents, sa propre personne et ses aptitudes, rien ne l'y prédestinait. Bien que clergyman, son père n'était ni méprisé ni misérable ; c'était un excellent homme, bien qu'il s'appelât Richard et qu'il n'eût jamais été beau. Il avait une fortune personnelle, outre deux bons bénéfices, et il ne prétendait pas le moins du monde tenir ses filles sous clé. Mme Morland était une femme de grand sens, de bon caractère et, ce qui est plus remarquable, de bonne constitution. Elle avait eu trois fils avant la naissance de Catherine ; et, au lieu de trépasser en mettant celle-ci au monde, comme on devait s'y attendre, elle avait vécu encore, vécu pour avoir six enfants de plus, pour les voir grandir autour d'elle, et pour jouir elle-même d'une florissante santé."
"Paraître presque jolie, pour une fille qui a paru assez vilaine pendant ses quinze années premières, est plus délicieux que tout éloge que puisse jamais recevoir une fille jolie dès le berceau."
"Mais quand une jeune lady est destinée à être une héroïne, le caprice de cinquante familles de l'environ ne saurait prévaloir contre elle. Sur sa route, le destin doit susciter et suscitera un héros."