Ange : Histoire de fous
Chapitre 1: Fou d'une autre vie
Textes publiés initialement sur le défunt Zikworld
(Je me prend pour un ange, dis moi qui ça dérange?
D’ailleurs j’oblige personne à venir voler dans mon ciel.
«Là pour personne»)
Au milieu des années 60 deux jeunes Franc-Comtois de Belfort, Christian Décamps (chant, orgue hammond) et Jean-Michel Brézovar (guitare, flûte) fondent le groupe «Les Anges», groupe amateur sans grande ambition qui publie tout de même un maxi 45 tours au succès confidentiel en 1967.
Fin 69, influencés par les Moody Blues et le premier King Crimson, Décamps et Brézovar décident de passer professionnels et transforment leur groupe qui devient «Ange» avec Jean-Claude Rio (chant, guitare), Patrick Kachanian (basse) et Gérard Jelsh (batterie).
En 1970, Francis Décamps, le jeune frère de Christian et musicien autodidacte, rejoint Ange, apportant avec lui les sons inhabituels qu’il tire de son orgue Viscount trafiqué.
Le groupe se fait bientôt connaître localement avec son opéra rock «La fantastique épopée du général Machin» présentant une pop musique à la française, originale et théâtrale.
Le groupe monte à Paris (comme on dit à l’époque) où il se fait remarquer lors de ses prestations légendaires au Golf Drouot.
Après le départ de Rio et Kachanian, le groupe est rejoint par Daniel Haas (basse) et l’Ange ne va pas tarder à prendre son envol.
Signé chez Phillips, Ange publie en été 1971 son premier single : «Tout feu tout flamme» qui restera leur seul grand succès en 45 tours, aidé en cela par une tournée en première partie de Johnny Halliday.
En 1972, premier album: «Caricatures», brouillon, approximatif, mal dégrossi......le groupe est peut-être encore un peu jeune et manque de direction.
Ange trouve la consécration avec son 2e album en 1973: «Le cimetières des arlequins», en France d’abord (premier disque d’or et un public qui grandit à vue d’oeil) et en Angleterre ensuite où le groupe triomphe lors du festival de Reading, applaudi entre autres, par Emerson, Lake & Palmer....pas rien ça.
Ce 2e album, qui reprend «Ces gens-là» de Jacques Brel, l’une des plus fortes influences de Christian, est pourtant très éloigné du chef d’oeuvre annoncé.
A part quelques classiques (Aujourd’hui c’est la fête de l’apprenti sorcier, La route aux Cyprès ou Le cimetière des arlequins) l’album se montre fort médiocre et daté (l’espionne lesbienne !?!).
C’est avec son troisième album, «Au-delà du délire» en 1974 qu’Ange touche au divin.
L’album de la maturité, chef d’oeuvre absolu, 8 titres sans aucun temps mort, de la présentation de «Godevin le vilain» (et le petit con était triste, il ne savait pas lire) jusqu’à ses adieux en fin d’album (Je suis maître Godevin, le dernier des humains, premier Noé sans eau, le roi des animaux....) en passant par les torturés «Les longues nuits d’Isaac» et «Fils de lumière», le disque est une suite de classiques inégalés que le groupe reprendra encore et toujours sur scène.
Mauvais signe pourtant, Gérard Jelsh les quitte, remplacé par Guénolé Biger.
Ange frappe encore très fort avec son 4e album: «Emile Jacotey» en 1975, marqué par les très belles mélodies de Brézovar (Sur la trace des fées, Aurélia et surtout Ode à Emile qui restera le classique absolu du groupe) .
Si «Emile Jacotey» recevra tous les honneurs et reste l’un des meilleurs disques du groupe, il faut admettre que la seconde face (la suite «Ego et Deus») se perd un peu en cours de route.
Nouveau changement de batteur, avec l’arrivée de Jean-Pierre Guichard pour un 5e album toujours aussi populaire: «Par les fils de Mandrin» en 1976.
Un album qui reçoit un accueil triomphal mais qui est pour moi l’un des plus surestimés du groupe.
Les meilleurs titres sont comme d’habitude ceux écrits avec Brézovar (Par les fils de Mandrin et Hymne à la vie) plus «Des yeux couleurs d’enfants» signés des frères Décamps.
Le reste est pour moi, en dessous de ce que le groupe a pu faire depuis «Au Delà Du Délire».
En 1977, un double live (et sa pochette hideuse) «Tome VI» est publié, contenant un inédit génialissime : «Le chien la poubelle et la rose».
Mais les temps changent, le punk est passé par là et la presse rock, jusque là acquise au groupe retourne sa veste.
Ange n’est plus à la mode ? Tant pis pour la mode!
Plus grave, des problèmes au sein du groupe, principalement financiers, amènent les départs de Jean-Michel Brézovar et de Daniel Haas......
Pour les fans, c’est un coup dur.....Ange va t’il survivre? Ange peut-il survivre ?
(Je suis fou.....fou d’une autre vie.....
qui me brûle les yeux, je vais brouter les cieux jusqu’à l’infini .
«Hymne à la vie»)
Mais les anges ont la peau dure, un nouvel Ange naît, plus moderne tant dans l’évolution du son (adieu l’orgue Viscount de Francis, bonjour mellotron et bientôt synthés) que dans ses textes, Christian abandonnant le style médiéval, fantastico-poétique pour des textes plus proches de ses préoccupations quotidiennes voir de ses opinions écologiques ou humanistes.
Deux nouveaux musiciens rejoignent Ange: le guitariste Claude Demet et le bassiste Mick Piellard.
Courte tournée de présentation en 1977, afin de démontrer aux fans que le groupe existe toujours puis le groupe entre en studio.....sans Piellard qui vient à son tour de quitter le groupe.
Peu importe, Ange enregistrera la quasi totalité du nouvel album sans bassiste, avant d’être rejoint vers la fin des séances par Gérald Renard.
Ce nouvel album qui sort en 1978 est «Guet Apens» qui n’obtiendra pas le succès qu’il méritait.
Si «Guet Apens» souffre de la baisse de popularité du groupe et d’une critique négative à l’époque, il s’est révélé au fil du temps comme un nouveau chef d’oeuvre dans la carrière du groupe.
L’égal sans équivoque d’»Au delà du délire», avec des titres extrêmement puissants, de l’histoire d’un aveugle avec «A colin maillard», au sombre et gothique «Réveille toi» (une histoire d’amour nécrophille) jusqu’à la longue suite «Capitaine coeur de miel» qui rappelle qu’Ange reste un grand groupe de rock progressif.
Cerise sur le gâteau: Claude Demet est un guitariste exceptionnel.
Véritable David Gilmour français (un énorme compliment de ma part) aux accents bluesy, Demet est éblouissant d’un bout à l’autre du disque.
Malheureusement de nouvelles tensions au sein du groupe font imploser Ange.
© Pascal "Fou d'une autre vie" Schlaefli
Urba City
Juillet 2012
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 11 septembre à 19:35
Enfin un point de vue original sur Ange, belle analyse même si je ne partage pas tout...