Manger Bouger et prenez l'air !
On s’y est habitué.
Toutes ces petites phrases que l’on est capable de réciter comme des vers de La Fontaine ou comme ces alexandrins à jamais gravés dans nos mémoires d’écoliers récitant nos premières poésies.
Ces petites phrases que le législateur a dû penser sept fois dans sa bouche pour être certain que nous, administrés, nous les retenions dans notre chair, comme une gravure dans le marbre.
Un jour dans les transports en commun, à force de lire tout ce qui s’offrait à mes yeux, je finis par déceler dans cette inscription anodine « tout abus sera puni », une contrepèterie plutôt cochonne.
Vous avez une minute pour trouver…
Je me suis alors demandé si ceux qui écrivent les décrets et les lois s’amusent parfois à glisser des blagues de potache dans le code civil…
Las ! Explorant les « mentions légales » je n’ai rien trouvé de croustillant dans ce qui suit :
« L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération »
« L’énergie est notre avenir, économisons là ! »
« Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour »
Voici donc trois phrases prêtes à ll’emplo que le législateur fournit aux publicitaires lorsqu’ils veulent vendre de l’alcool, de l’énergie ou des aliments trop caloriques.
Ne le niez pas, vous les connaissez toutes. Peut-être pensiez-vous par contre que la mention sur l’énergie était un slogan d’Areva ou d’EDF. Je connais quelques spécialistes en énergie qui avaient fini par le croire et qu’évidemment ca rendait furax.
Il y a là une certaine forme de masochisme à nous soumettre à la tentation (un verre de vin, un pot de glace, une nouvelle centrale nucléaire…) et tout de suite, en dessous et en petites lettres, tenter de désamorcer cette tentation (tu vas faire une cirrhose, tu vas grossir, tu vas gaspiller de l’énergie…)
On est alors en droit de se demander quel est l’objectif visé par cet « encadrement » de la publicité. Et surtout quelle en est l’efficacité ? Une récente étude laisse entendre que ces informations seraient en fait contre-productives, incitant plutôt à consommer davantage de glaces quand ils lisent l’avertissement…
De là à imaginer que nous consommerions moins d’alcool si la loi Evin était abandonnée…
Je suis par ailleurs étonné que cette publicité ait pu s’affranchir de la mention obligatoire. Que fait l’Autorité de Régulation de la Publicité ? Rien ? Ah bon.
Avec ces éléments, on se dit qu’il faut peut-être des messages plus virulents, au risque de tomber dans une schizophrénie totale comme les mentions « Fumer tue » sur les paquets de cigarette. Or, ce qui dissuade les fumeurs, qui finissent par ne même plus voir ces messages, c’est le prix.
Au bout du compte, on est comme forcé à avouer que la seule solution serait tout simplement de légiférer. Interdire purement et simplement certains secteurs de la publicité. Cela est déjà le cas pour le tabac.
Vaut-il mieux une dictature qui pratique la censure commerciale ? Ou vaut-il mieux conserver pour chaque secteur une communication hypocrite ? Les publicités pour la voiture inciteraient à ne pas trop rouler, les publicités pour les sites internets à ne pas trop rester devant l’écran, les publicités pour le high-tech à entretenir des relations sociales et humaines… etc.
J’imagine bien pour les sites de rencontre : « Attention, rester trop longtemps sur Meetic peut conduire à l’isolement. Pensez à sortir ! »
Cela n’en finirait pas d’être absurde.
Mais peut-être la publicité, en général, est-elle absurde ?
Références des textes de lois pour ces trois types de mention.
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000426255&categorieLien=id
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000462516