Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas publié sur OmniZine, et il fallait au moins un évènement de cette taille pour me faire sortir de ma torpeur. Sans plus attendre, celle que vous attendiez tous… La review de The Dark Knight Rises !
« Parce qu’il est le héros que Gotham mérite. Pas celui dont on a besoin aujourd’hui… Alors nous le pourchasserons. Parce qu’il peut l’endurer. Parce que ce n’est pas un héros. C’est un Gardien silencieux… qui veille et protège sans cesse. C’est le Chevalier Noir. »
C’est sur cette réplique inspirée que s’achevait le deuxième volet de la trilogie Batman, orchestrée par le talentueux Christopher Nolan. Un opus sorti en août 2008 qui fut considéré comme le film de l’année, battant tous les records d’entrées et nominé 8 fois aux Oscars. Une première pour un film de super-héros.
Il aura fallu attendre 4 ans après son chef d’œuvre pour que Christopher Nolan conclût enfin en grande pompe sa trilogie, après un détour brillant par la case Inception (voir la review d’Alex sur le film ici). Pendant tout ce temps, les rumeurs et informations sur le film ont circulé, donnant progressivement aux fans une idée générale de ce que The Dark Knight Rises pourrait être, alors qu’une excitation inédite, dont nous nous étions fait l’écho ici, se mettait en place autour du projet.
Pourtant, si l’excitation était forte autour du dernier épisode de la trilogie, elle se doublait d’une appréhension tout aussi inédite. La mort brutale d’Heath Ledger à la fin du tournage de The Dark Knight, alors même que l’ambiance entière du film reposait sur son interprétation démente et magistrale du Joker, handicapait très sérieusement le projet de Rises avant même sa conception.
Alors, en entrant dans la salle obscure pour regarder The Dark Knight Rises, une seule pensée habite chaque fan : même si ce film était attendu comme le messie, il ne peut que nous décevoir. Ce que je vais donc vous livrer là, c’est tout simplement mon taux de déception personnel. Qui n’est, soyons honnêtes, pas si élevé que ça au final.
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Dans un premier temps, abordons la question du casting. Car The Dark Knight Rises, c’est avant tout un casting de « compensation ». 1/3 du casting de The Dark Knight (Aaron Eckart, Maggie Gyllenhaal, Heath Ledger) étant mort dans le film ou dans la réalité, il faut ajouter aux indéboulonnables (Christian Bale, Michael Caine, Gary Oldman, Morgan Freeman) du lourd, du très lourd pour produire un résultat d’un niveau tolérable.
La formule adoptée par Christopher Nolan fut celle qui lui avait déjà réussi déjà par le passé : le recyclage. Prenez la moitié du casting d’Inception (Marion Cotillard, Tom Hardy et Joseph Gordon-Lewitt) et ajoutez-y un soupçon de nouveauté (Anne Hathaway) et vous aurez la parfaite recette d’un blockbuster américain intelligent.
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Mais si l’échange s’avère gagnant pour les rôles féminins (Mais à qui pourrait manquer Rachel, la petite amie niaise de Bruce Wayne interprétée par des actrices interchangeables ?), du côté des méchants, le calcul est mauvais. Un Bane, même interprété par Tom Hardy, additionné d’un personnage mystère twisté sur le tard ne peuvent remplacer à la fois un Joker et un Harvey Dent.
Si Tom Hardy excelle comme d’habitude dans le rôle du colosse indestructible (même si on le préfère dans des rôles plus fins…), le personnage n’arrive pas à convaincre. Est-ce la VF (pourrie) qui détache le spectateur du personnage, ou ce masque qui nous empêche de comprendre l’interprétation de l’acteur ? Sûrement les deux à la fois, même si j’attends de revoir le film dans sa version originale pour me faire un avis définitif sur ce personnage.
Pourtant ce que j’en retiens, c’est le véritable manque d’attachement à Bane que j’ai ressenti tout au long du film. A titre d’exemple, on se fiche presque de savoir pourquoi il doit porter ce masque, et quand vient la révélation, cela ne change strictement rien. J’ai même été incapable de dissocier ce personnage d’une mauvaise copie de Dark Vador lors de certaines scènes, notamment celle où l’on pense que Batman va lui enlever son masque. Il est bien loin le temps où l’on écoutait avec délectation chaque version de l’histoire des cicatrices du Joker et où l’on oubliait (presque) l’interprétation de Jack Nicholson…
Passer après le plus dément des méchants, le plus imprévisible, mais aussi le plus attachant, c’était une mission impossible, et finalement, on a presque l’impression que Christopher Nolan a renoncé à tenter de rendre son nouveau méchant légendaire. Il s’est contenté de donner à certaines scènes où apparaît Bane une touche spectaculaires, comme celle du stade. Mais une nouvelle fois, on est loin d’éprouver une angoisse comparable à celle ressentie à chaque apparition du Joker.
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Autre nouveau personnage tout droit débarqué d’Inception, celui interprété par Joseph Gordon Levitt. Un rôle qui a pu sembler tomber comme un cheveu sur la soupe dans un casting déjà blindé de side-kicks en tout genre pour Batman, d’Alfred à Fox en passant par la nouvelle recrue Catwoman ou l’emblématique Commissaire Gordon. Un deuxième « super flic » dans cette histoire, on avait du mal à y croire.
Mais finalement, c’est peut-être le personnage qui surprend le plus. On retrouve dans l’Inspecteur Blake l’aisance et le charisme naturel du jeune acteur, qui, sans jamais en faire trop, apporte une volonté de bien faire à ses personnages déjà ressentie dans Inception. Le rôle qu’il tient ici est d’ailleurs à peu près identique à celui qu’il campait dans la précédente réalisation de Christopher Nolan, mais il a tout de même plus d’impact dans l’histoire, notamment grâce au twist final (très) prévisible qui entoure le destin de son personnage.
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On ne peut pas en dire autant niveau crédibilité du personnage joué par Marion Cotillard, celui de Miranda. L’actrice est très certainement le morceau de trop pris au casting d’Inception pour combler le puzzle de The Dark Knight Rises. Car si jusqu’ici Christopher Nolan avait pratiqué le réemploi d‘acteurs fétiches avec efficacité, il a sans aucun doute eu la main trop lourde pour The Dark Knight Rises. Jusqu’au twist final là aussi très prévisible mais également totalement tiré par les cheveux autour de son personnage, on se demande réellement à quoi sert Marion Cotillard dans ce film.
Sa relation avec Bruce Wayne, totalement télescopée, n’a aucun intérêt dans le scénario, et le reste de ses interventions semblent sous-exploitées, alors même que son personnage devait représenter l’une des plus grosses ficelles scénaristiques du film. Encore une fois, le doublage français fait défaut, l’actrice ne se doublant pas elle-même.
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Finalement la dernière carte jouée par Christopher Nolan a été d’introduire un peu de fraîcheur dans son casting recyclé. il a ainsi choisi Anne Hathaway pour interpréter le rôle de Selina Kyle, notre Catwoman en devenir. Mais là aussi, la tâche était périlleuse. On se souvient tous de la performance de Michelle Pfeiffer, totalement démente voire même dérangeante, mais on se rappelle aussi et peut-être même surtout du navet mettant en scène Halle Berry au début des années 2000.
De plus, jamais un personnage féminin créé par Christopher Nolan n’avait semblé charismatique, les femmes étant dans tous ses films cantonnées à des rôles secondaires, au mieux objet de tourment pour le héros, au pire personnages agaçants et niais au possible… Parfois même les deux à la fois.
Alors, choisir Anne Hathaway, plus connue pour ses rôles dans des comédies romantiques que pour son talent de composition, cela paraissait très risqué. Mais force est d’admettre qu’au final, si le personnage de Selina Kyle reste assez symptomatique d’une vision des femmes plutôt réductrice du réalisateur, la mission est réussie.
Jamais Selina Kyle ne devient Catwoman dans The Dark Knight Rises, mais elle en arbore la tenue, le masque, et les oreilles la plupart du temps (symbolisées par une paire de lunettes retournées sur son crâne). On regrette toutefois la sous-exploitation de l’histoire du personnage, son passé étant largement évoqué mais jamais dans les détails. Comment est-elle devenue une voleuse hors pair ? Pourquoi vouloir disparaître ? Qui l’a entraînée ? Pourquoi cette envie (volonté ?) de se déguiser en chat ? Autant de questions sans réponses, mais qui n’handicapent tout de même pas la crédibilité du personnage et sa légitimité. Appréciable également, sa relation avec Bruce Wayne/Batman, qui si elle se base d’abord sur une attirance mutuelle quasi bestiale entre les deux héros, évolue au fil du récit vers le respect mutuel et l’empathie, grande nouveauté au cinéma pour ces deux personnages.
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Après avoir étudié le casting de cet ultime épisode, venons-en maintenant à son contenu. La première impression que j’ai eu en débutant le visionnage de Rises, c’est d’abord d’avoir été un peu trompée sur la marchandise. On nous promettait à la fin de The Dark Knight une traque sans merci de l’homme chauve-souris, devenu ennemi numéro un à Gotham City. Finalement, après un bond en avant de 8 ans, on apprend dès les premières minutes du film que Bruce Wayne s’est terré dans son manoir, devenant quasi grabataire (comment ? On ne nous le dira pas…), mettant au placard son costume de Batman.
C’est peut être ma seule déception concernant le scénario, mais elle est de taille. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi dans une trilogie pensée depuis presque 10 ans par un réalisateur, la fin d’un épisode peut être si éloignée du début du suivant.
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Outre ce petit souci scénaristique relativement subjectif, il y a pour moi dans The Dark Knight Rises quelques longueurs. Notamment, toutes les scènes qui se déroulent dans la « pire prison du monde, située dans un pays très lointain » sont totalement hors du rythme général du film. Puisque tout dans ce film est prévisible, on se retrouve finalement à attendre qu’il réussisse l’ascension du puits, en soupirant à chaque loupé pour les 20 minutes supplémentaires que l’on s’apprête à perdre. Ce qui n’est, avouons-le, pas forcément très agréable quand on est en train de regarder un film d’action.
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Enfin, ce que je reproche en dernier à ce Batman, c’est justement de ne pas nous montrer assez de Batman. On peut compter sur les doigts d’une main (ou presque) le nombre de fois où Bruce Wayne apparaît dans le costume de l’homme chauve-souris. Et quand il est le Batman, c’est souvent pour se faire voler la vedette par Selina Kyle, ultra sexy quand elle enfourche la moto du super-héros, ou même par l’inspecteur Blake, ultra sexy quoi qu’il fasse, l’ensemble de la gente féminine en conviendra.
Batman dans ce volet n’est plus vraiment un héros solitaire, et il achève de sauver Gotham City plus aidé que jamais. On se surprend même à avoir plus envie parfois de suivre les aventures de Selina Kyle ou celles de Blake que les péripéties de Batman en personne. Même ses accessoires le noient dans la masse, puisque le prototype de la Batmobile se retrouve dans le camp des méchants, et sa nouvelle version volante en forme d’insecte ne colle pas vraiment avec le design habituel propre à Batman.
Mais finalement, l’idée de vouloir une vraie suite à The Dark Knight n’avait pas de sens réel. Son originalité tenait à la présence du Joker, et dans ce troisième volet, on assiste à un retour aux sources pour la trilogie. Il existe en effet beaucoup de similitudes en terme d’ambiance, de rythme et de scénario entre Begins et Rises, tandis que The Dark Knight apparaît comme un chapitre à part, presque indépendant du reste de la trilogie. Ainsi, c’est en voyant Rises que l’on comprend réellement à quel point Heath Ledger a apporté à The Dark Knight, mais surtout à quel point il manque à la trilogie Batman, et au cinéma en général.
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Alors bien sûr, si l’on devait classer les 3 films de la trilogie, Rises serait tout de même second. Son scénario travaillé, le background déjà installé autour du personnage principal et de ses amis, la richesse du casting (avec notamment le retour remarqué de l’Epouvantail et de Ra’s al Ghul), l’absence de personnages « tête à claque » (oui, je vise bien Rachel) en font un bien meilleur volet que le Batman Begins.
C’est un film qui restera, à n’en pas douter, parmi les meilleurs de Christopher Nolan, juste derrière Memento, Inception, et bien entendu The Dark Knight, alors qu’on a déjà oublié Batman Begins, trop scolaire. Finir ainsi une trilogie qui a brassé un tel engouement mondial est remarquable, car Christopher Nolan arrive à nous faire sortir de la salle sans ressentir l’habituelle tristesse de fin de saga. On se met même à espérer une suite, tout en sachant que le destin de chaque personnage a été minutieusement scellé.
The Dark Knight Rises est donc une preuve de plus que Christopher Nolan fait partie de la sphère très réduite des réalisateurs géniaux d’Hollywood, même s’il avait, pour mener à bien ce projet, un véritable parcours du combattant à suivre. On attendra donc avec impatience son prochain film (Inception 2 ?), et avec beaucoup moins d’impatience le prochain reboot de Batman, qui, par les temps qui courent à Hollywood, devrait avoir lieu dans… 3 ans. Heureusement que la fin du monde est proche… !
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