Cette équipe de chercheurs de l'Institut de Technologie de Californie (Caltech) et de l'Université de Harvard viennent de réussir à fabriquer avec un peu de silicone et quelques cellules musculaires de rat, une méduse artificielle qui se pulse en milieu liquide, à la manière de ses cousines naturelles. La technique de génie tissulaire décrite dans l'édition du 22 juilet de la revue Nature Biotechnology pourrait bien permettre, un jour, de développer un stimulateur cardiaque biologique.
Faire progresser l'ingénierie tissulaire est, au-delà de la performance réalisée avec cette recherche, l'objectif principal des scientifiques, explique l'un d'entre eux, Janna Nawroth, étudiant en biologie à Caltech, l'auteur principal de l'étude qui décrit la technique comme un art, presqu'empirique qui tente de copier un tissu ou un organe sans nécessairement comprendre si les composants utilisés sont vraiment pertinents.
Le choix de la méduse : Alors que les méduses font partie des animaux multi-organiques parmi les plus anciens, peut-être de plus de 500 millions d'années, elles ont retenu l'attention des chercheurs en raison du fonctionnement du muscle utilisé pour pomper et se frayer un chemin à travers l'eau, un fonctionnement très proche de celui d'un cœur humain. Nous avons tenté de comprendre les lois fondamentales des pompes musculaires, explique Kevin Kit Parker, professeur à l'Université Harvard et co-auteur de l'étude. Les chercheurs ont ainsi travaillé des années pour comprendre les facteurs clés qui contribuent à la propulsion des méduses, dont la structure et le fonctionnement de leurs muscles et les effets de dynamique des fluides.
Puis les chercheurs d'Harvard ont commencé à concevoir cette méduse artificielle. Ils ont choisi un matériau élastique relativement proche de la matière gélifiée d'une méduse réelle, enveloppé dans une fine membrane avec 8 bras comme des appendices, imprimé un profil protéique sur la membrane qui ressemblait à l'architecture musculaire chez l'animal réel et servait de support à la croissance et à l'organisation de cellules de muscle cardiaque de rats qui conservaient leur capacité de se contracter, en un ensemble musculaire cohérent.
Puis les chercheurs ont plongé leur invention dans un récipient de liquide conducteur, choqué leur méduse de manière à ce qu'elle exécute des contractions synchronisées qui imitent celles des méduses réelles. En bref avec un peu de silicone et des cellules cardiaques de rats, les chercheurs sont parvenus àreproduire certains comportements très complexes de natation et d'alimentation observés chez des méduses biologique.
C'est une avancée pour l'ingénierie tissulaire, applicable aux organes musculaires chez l'homme, qui montre, qu'au-delà d'imiter la nature, il est important de comprendre la fonction. Le processus de « recyclage » des cellules du muscle cardiaque et leur réorganisation en système artificiel pourrait peut-être un jour, former la base d'un stimulateur cardiaque réalisé avec des éléments biologiques.
Source: Nature Biotechnology (2012) doi:10.1038/nbt.2269 online 22 July 2012 A tissue-engineered jellyfish with biomimetic propulsion(Visuel @ Caltech / Janna Nawroth : Comparaison entre une méduse réelle et à base de silicone. Comparaison de l'architecture musculaire dans les deux systèmes, dont vue macroscopique des corps des 2 méduses)