On vous avait parlé de Belispeak l’année dernière, mais vous avez du découvrir le groupe par vous même vu le bruit qu’il a généré. Purity Ring ont enfin sorti leur premier album : Découvrez notre chronique de l’une des sorties les plus attendues de l’année.
C’est étrange de voir que le groupe qu’on a le plus comparé à Burial, cette année, est Purity Ring. Le groupe n’a pas la mélancolie de ce dernier, a des drums qui rappellent plus J Dilla, etc. Cependant, il est évident que dans la structure, dans la basse apparente, mais surtout dans le pitch vocal omniprésent, on aperçoit le toucher de Midas de l’inspiration Burialesque…. Mais il est plus pertinent de comparer ce groupe à un autre, beaucoup plus évident : The Knife. Depuis leur album, l’un des meilleurs de la décennie précédente, Silent Shout, le groupe a défini de nouvelles frontières musicales. Silent Shout est froid, sombre, presque effrayant, travaille plusieurs voix, envoie de la basse presque terrifiante et des signatures rythmiques uniques. Purity Ring, au final, ressemble plus à un mélange des deux artistes, naviguant entre le côté intense et sombre de The Knife et le travail colossal de Burial.
Vous imaginez donc le challenge du groupe ! Je vous explique : Purity Ring sortait il y a plus d’un an leur single Ungirthed, qui a beaucoup remué la scène. S’en suivaient Lofticries et Belispeak, tous deux encore meilleurs. Le groupe était encore inconnu, composé d’un ressortissant de Gobble Gobble (aujourd’hui Born Gold, aussi… morbide que Purity Ring) et de la chanteuse Megan James, mais en seulement trois chansons s’imposait déjà comme l’un des groupes les plus prometteurs de sa génération. Après tout, qu’est-ce qu’on peut attendre d’un groupe qui rappelle les meilleurs artistes de l’époque ? Shrines, leur premier album, se doit de combler nos attentes. Alors, oui, avant de commencer, je vous l’accorde : L’album aurait pu être mieux. Il aurait pu être parfait. Il aurait pu être l’album de l’année, car quand on réécoute Belispeak, on se dit qu’ils ne manquent pas de potentiel, car c’était sans conteste l’une des meilleures chansons de l’année dernière.
Le problème, c’est que ça reste aussi la meilleure chanson de tout Shrines. La solution, c’est qu’en fait, toutes les autres chansons sont vraiment, vraiment très bonnes, voire excellentes. Quand la barre est placée tellement haut, c’est dur de faire mieux, donc on peut être un peu déçus, mais cette déception est vite effacée par la qualité apparente de l’album. Sur 11 chansons, on en connaissait 5 (les trois premières sorties l’année, dernière, puis Odebear et Fineshrines sorties cette année), donc il y a aussi peu de nouveauté pour les fans qui suivaient le groupe. Mais dans le contexte de l’album, c’est tellement solide qu’on a l’impression de redécouvrir ces chansons. Lofticries et Ungirthed restent aussi splendides qu’à la première écoute.
Purity Ring distorde la pop dans tous les sens : La production spectaculaire de Roddick est ce qui marque le plus, avec ses pitch vocaux remarquables, sa basse et ses wobbles qui partent dans tous les sens, ses synthés très années 80 sur quelques tracks, ses drums frénétiques… Ce n’est pas réellement de la pop à vrai dire. Si Belispeak nous a fait dire les mots Witch House, tout l’album rappelle plus d’autres tendances. On entend beaucoup plus de dubstep, surtout sur Cartographist, de glitch-hop, voire même d’IDM, même si ça reste clairement de la pop. Mais même si on a pu comparer Purity Ring à tout et n’importe quoi, les sonorités du groupe restent purement uniques, et c’est très bien comme ça, pour un nouveau groupe. Le tout fait de très bonnes hymnes pop/r&b, comme sur Saltkin ou Odebear.
Mais si la production reste le plus grand point, il faut aussi prêter attention aux lyrics : c’est purement dégueulasse. Mais dans le bon sens. C’est morbide, désagréable, presque gênant, d’autant plus que le chant de Megan James est doux et aigu, mais c’est purement fascinant et captivant comme rarement la pop a pu l’être cette année (ce qui rappelle positivement Grimes) ! Prenons Fineshrine, l’un des meilleurs tracks : Get a little closer, let fold. Cut open my sternum, and pull my little ribs around you. Belispeak : Drill little holes into my eyelids, that I might see you, that I might see you when I sleep. Je continue, ou vous avez déjà vomi ? Mais rendre des chansons qui apparaissent tellement horribles dansantes, c’est un exploit parmi tant d’autres qu’accomplissent Purity Ring avec Shrines.
Le tout est évidemment sombre et obscur, et c’est renforcé par la production stellaire et souvent terrifiante. Encore une fois, on peut faire la comparaison à The Knife avec leur outro, Shuck, qui rappelle étrangement celle de Silent Shout : Still Light. Morbide, désagréable, jouant aussi sur le thème de la lumière, elle adopte aussi des voix sombres et distordues, un beat minimaliste, et quand Karin Dreijer Andersson conclut son album sur Is there still light outside?, on se demande si ça a plus d’impact que la conclusion de Megan James.
Au final, on peut se dire que Shrines, c’est un peu le travail qu’on a écouté au début, distordu sur 11 chansons, et que toutes les chansons se ressemblent un peu. Mais est-ce que c’est réellement un inconvénient quand elles sont toutes excellentes ? Vous avez déjà compris la réponse. L’album mérite plusieurs écoutes compulsives, et s’il n’est pas à la hauteur de ce qu’on aurait pu espérer (en même temps, on espérait tous beaucoup trop pour un nouveau groupe), il reste l’un des albums les plus surprenants de cette année, et l’un des meilleurs. Si John Talabot a mélangé pop et house music sur fIN, si Grimes a distordu la pop dans tous les sens sur Visions, si Passion Pit l’ont faite exploser sur Gossamer, aucun artiste n’aura rendu la pop aussi fascinante cette année que sur Shrines. 8.6/10