Certains humoristes aiment à caricaturer M6 comme étant une chaîne de télévision culinaire. Il faut dire qu’ils cherchent un peu, quand même…
Entre “Un dîner presque parfait”, “Top Chef”, “Cauchemar en cuisine” et autres variantes, cela fait pas mal d’émissions consacrées à la bonne chère. Et même SND, leur société de distribution cinématographique, s’y met… The Incident est un thriller horrifique dont les (malheureux) héros sont des… cuisiniers. Pas dans un grand restaurant, certes, puisqu’ils servent les patients d’un asile psychiatrique spécialisé dans les fous dangereux… Mais quand même, on est dans l’ambiance. En fait, c’est la version gore de “Cauchemar en cuisine”…
Bon, après tout pourquoi pas… Si la soupe est bonne…
Mais justement, que vaut donc The Incident, également connu sous le titre Asylum blackout?
A vrai dire, on redoutait que le film, premier long-métrage d’Alexandre Courtès, ne soit qu’une infâme tambouille, car il faisait partie du cru 2012 du Festival de Gerardmer, dont on n’a eu que de mauvais échos par des camarades cinéphages au goût très sûr… Et en jetant un oeil sur le synopsis, on s’aperçoit qu’on a à faire à une bonne vieille recette, un peu fade à force d’avoir été servie, celle d’un thriller classique à base de huis-clos angoissant et de psychopathes meurtriers…
George, Max et Ricky sont trois vieux copains, qui jouent dans le même groupe de rock. Ils espèrent pouvoir enregistrer un premier album qui leur ouvrirait les portes du succès. Pour financer cela et vivre décemment en attendant une gloire bien incertaine, ils travaillent tous trois comme cuisiniers à la cantine de l’asile psychiatrique Blackmoor, un centre de détention pour psychopathes violents.
Chaque midi et chaque soir, ils préparent et servent les repas des pensionnaires, ainsi que la dose de calmants nécessaire à canaliser leurs pulsions agressives.
Mais un soir, un orage s’abat sur le centre et provoque une coupure de courant. Le système de sécurité verrouille les portes, afin d’éviter que les barjots ne sortent de l’asile. Ouf! Mais il empêche également le personnel de sortir, ce qui n’est pas vraiment une bonne nouvelle pour les trois amis. En effet, galvanisés par l’orage et profitant de l’obscurité, les patients se rebellent et neutralisent les gardiens. Leur prochaine cible? Les cuisiniers, qui ne sont séparés des psychopathes que par une grande baie vitrée moins solide qu’il n’y paraît…
Ben oui, faut les comprendre, les gars. Ils sont fous, mais ils ne sont pas stupides… Ils ont bien compris qu’on ne leur servait pas de la haute gastronomie, dans ce restaurant, et ils comptent bien demander des comptes aux responsables…
Autant dire que pour les trois amis et les deux infirmiers qui les accompagnent, c’est le début d’une loooongue nuit d’angoisse…
Un peu trop longue, d’ailleurs… La mise en place est assez lente, s’attardant sur la relation compliquée entre les trois garçons, plus vraiment sur la même longueur de micro-ondes. La démarche du metteur en scène est louable. Il essaie de prendre le temps de nous présenter ses personnages, pour nous permettre de nous identifier à eux et amplifier l’angoisse au moment où les psychopathes les assiègent. Malheureusement, ses trois héros ne sont pas particulièrement sympathiques et on se moque un peu de leurs états d’âme d’adulescents à la croisée des chemins.
Plus réussie est la présentation des détenus, qui défilent pour se faire servir leur pitance quotidienne. Une bande de dingues aux trognes impossibles et aux regards effrayants. On repère illico l’un d’eux, Harry Green, le plus flippant d’entre tous, qui semble nourrir une obsession malsaine pour l’un des trois cuisiniers et semble avoir un certain pouvoir sur le reste du groupe.
Mais c’est seulement quand le courant est coupé que la tension commence à monter (oui, c’est paradoxal…). Les trois cuisiniers réalisent qu’ils sont piégés dans cette partie du bâtiment. Les fous sont surexcités et animés des plus mauvaises intentions, les gardiens sont tous morts, aucune pièce n’est suffisamment sûre. Et bien sûr, impossible de prévenir facilement les secours, vu que le film se déroule dans les années 1980 et qu’à cette époque-là, les téléphones portables n’étaient pas encore disponibles pour les consommateurs lambda.
Le choix, pour les cuistots, est cornélien : rester derrière la grande baie vitrée qui sépare la cuisine du réfectoire et subir les assauts incessants de mabouls surexcités – en espérant qu’ils se lasseront avant que la vitre cède – ou bien tenter de regagner le bureau du gardien-chef, pourvu d’un téléphone et prévenir la police… Dans tous les cas, le danger est bien réel…
Pour repartir sur une métaphore culinaire, disons que le film d’Alexandre Courtès ressemble à un soufflé. Le suspense gonfle, gonfle, gonfle… Mais menace toujours de redescendre d’un coup. Un soufflé, c’est compliqué à cuisiner. Si on ouvre la porte du four trop tôt, pschitt, ça se dégonfle…
Et c’est ce qui se passe ici. Le cinéaste ouvre non pas la porte, mais la baie vitrée, trop tôt sans avoir vraiment tiré partie de la situation. Et on a l’impression qu’il ne sait plus trop comment faire avancer son récit, qui s’autorise d’ailleurs une nouvelle interruption de rythme fort dommageable.
Une pause dans la narration avant le grand final? Sans doute, mais elle n’était pas nécessaire au vu de la courte durée du film et du côté répétitif des situations.
Et puis, le grand final, c’est vite dit… On se prend à rêver d’un dénouement jouissif et dément – dans tous les sens du termes - quand les cuisiniers se rebiffent et se mettent à casser du maboul à coups de tatane. Mais là encore, pschitt… Ca retombe pour repartir vers autre chose…
Les survivants sont rattrapés par Green et sa bande, bien décidés à préparer eux-même le dîner : Saw 6 – frites pour tout le monde!
Vous imaginez bien qu’une cuisine offre de nombreuses idées de tortures potentielles : méchoui humain, peau arrachée à l’économe… et puis, pour conclure, l’illustration de l’adage bien connu “Si t’as faim, mange ta main, et garde l’autre pour demain…”
C’est gourmand, c’est croquant… Mais, on vous prévient de suite, mieux vaut avoir l’estomac bien accroché quand même… C’est un peu gore cette affaire…
Cela dit, à l’actif du cinéaste, on lui saura gré de ne pas s’être complètement vautré dans le torture-porn racoleur. Il flirte avec le genre, certes, et les scènes qu’il nous inflige sont bien saignantes, horrifiantes à point, mais il verse quand même plus dans la suggestion que dans la débauche d’horreurs gratuite.
On sent que le cinéaste s’est plus focalisé sur l’ambiance du film, assez malsaine. Il a travaillé sa mise en scène pour rendre chaque cadrage angoissant, créer des jeux d’ombre et de lumière, mettre en place un ton particulier, en refusant la facilité des poncifs du genre.
Même le retournement de situation final sort des sentiers battus, en laissant le spectateur libre de se faire sa propre opinion sur ce qui s’est réellement passé dans l’asile psychiatrique. Certain trouveront que ce twist donne à l’oeuvre tout son intérêt, en offrant une multitude de pistes d’analyse, une sorte de cerise sur le gâteau, en somme… Mais d’autres risquent fort de trouver la cerise un peu amère…. Voire de trouver que le film a un petit goût de “n’importe quoi” assez désagréable…
De notre côté, on hésite entre ces deux postures. On pense que l’idée de remettre en cause ce qu’on vient de voir pendant plus d’une heure n’est pas mauvaise en soi, mais on n’a pas spécialement envie de perdre du temps à essayer de décrypter cette série B horrifique assez faiblarde. Ce n’est pas du Lynch non plus, hein…
Bref, tout ça pour dire que si The Incident, à cause de son rythme plombant et de certains choix narratifs discutables, n’est pas de la haute gastronomie cinématographique, ce n’est pas non plus une bouillie de navet. On ne peut pas dire qu’on a trouvé ça spécialement passionnant, ni même vraiment terrifiant – sur le même principe, on préfère et de loin Dément (Alone in the Dark) de Jack Sholder – mais Alexandre Courtès nous semble un cinéaste intéressant à suivre, car, bien que venu de l’univers du clip musical, il a réussi à imprimer un certain style à ce petit film d’horreur sans abuser d’effets de style tape-à-l’oeil.
Il gagne sa place in-extrémis pour la deuxième semaine de “Top Chef”. On verra s’il peut continuer l’aventure et devenir un auteur digne de ce nom ou s’il devra se contenter de faire la plonge dans d’infâmes gargotes hollywoodiennes…
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The Incident
Réalisateur : Alexandre Courtès
Avec : Dave Legeno, Rupert Evans, Richard Brake, Kenny Doughty, Eric Godon, Darren Kent, Marcus GarveyOrigine : France, Belgique, Etats-Unis
Genre : C’est gore-mand, c’est croquant…
Durée : 1h25
Note : ●●●○○○
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BONUS
Entretien avec Alexandre Courtès (32 mn)
Bande annonce
Note globale des bonus : -
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BR/DVD9 Zone 2 – PAL – Couleur – Format 2.40 -16/9 compatible 4/3 BD-50 – Durée totale : 140 mn
Langues :
Français Dolby Digital 5.1,
Anglais Dolby Digital 5.1,
Sous-titres :
Français
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EDITION / DISTRIBUTION
M6 Interactions
Sortie le : 04/07/2012
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