J’avoue que je ne comprends pas l’idée d’orienter les investissements de recherche vers la découverte d’un médicament de prévention contre le SIDA, à part celle de remplir les poches des compagnies pharmaceutiques. On ne parle pas ici d’un vaccin contre le SIDA qui pourrait aider à sauver des millions de personnes dans le monde mais d’une pilule à prendre avant tout rapport sexuel jugé risqué. Certains parlent d’un médicament qui pourrait être très intéressant pour le milieu gay. Au fond, c’est comme si on remplaçait l’utilisation du préservatif par un médicament très coûteux. Pourtant, on crie « Eureka ! » pour un Truvada qui me semble pas mal abracadabra…
Je voulais partager avec vous un article très intéressant sur ce Truvada, du journaliste Didier Lestrade, cofondateurd'Act Up Paris (Source : http://www.rue89.com/ )
Morceau choisi de l’article :
Jusqu’à 12 000 dollars par an
Si Truvada permet de protéger les personnes séronégatives à très haut risque d’infection (soit parce qu’elles n’ont pas accès au préservatif, soit parce qu’elles refusent de l’utiliser), c’est avec un coût : pouvant aller jusqu’à 12 000$ par an. Il y a donc une question éthique essentielle : comment dépenser cette somme pour des personnes non infectées par le VIH quand des millions de malades du sida meurent toujours car elles n’ont toujours pas accès à ce traitement dans le monde ? N’est-ce pas incroyablement cynique de développer des traitements pour des maladies que les gens n’ont pas encore ?La XIXe Conférence internationale sur le sida ouvre ses portes à Washington, et de Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel et co-découvreuse du VIH, à l’association Aides, tous envisagent la « fin du sida ». L’homologation américaine, le 16 juillet, du Truvada, bouleverse toute l’approche de cette maladie. C’est la première fois qu’une bithérapie est autorisée pour prévenir l’infection et il faut le dire : personne n’est prêt. La décision de la Food and Drug administration (FDA), si elle était prévue par tout le monde, a néanmoins paralysé les associations et les institutions. Les médecins français sont divisés sur son intérêt. Les grandes agences institutionnelles comme l’Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS) n’ont toujours pas d’avis tranché.
Une révolution dans la prévention ?
Pire, les associations sont elles-mêmes divisées et surtout, elles ne sont pas parvenues à un consensus clair qui puisse être expliqué aux nombreuses personnes (séropositives ou non) qui se demandent si la commercialisation du Truvada est un « game changer », quelque chose qui modifie à jamais les principes de la prévention sida traditionnelle. Déjà, de nombreuses rumeurs anecdotiques font état de la vente au marché noir du Truvada dans certains bars du Marais, à Paris, pour... 20 euros la dose. Le Truvada est un traitement contre le sida connu de tous depuis 2004, date de sa première commercialisation. En quelques années, il est devenu le fer de lance de son producteur, le laboratoire américain Gilead Sciences, qui s’est imposé comme leader dans le sida. Parallèlement, Gilead s’est engagé dans des essais thérapeutiques parfois controversés, mais soutenus par la FDA et la fondation Bill et Melinda Gates, dans la prophylaxie pré-exposition (PrEP) : évaluer l’administration de ce traitement chez les personnes très à risque d’infection du sida (travailleurs du sexe, toxicomanes, couples sérodifférents, gays prenant des risques sexuels, etc.). Ces essais ont montré une diminution du risque d’infection grâce au Truvada de 44% chez les gays et de 75% chez les hétérosexuels. En France, un essai majeur, Ipergay, tente d’approfondir cette question.La « success story » du sida inattendue
Dans la communauté sida, tout le monde savait que le Truvada allait montrer son efficacité dans la prévention. Les études cliniques ont été lancées depuis le milieu des années 2000. Gilead a eu la très bonne idée de donner ses traitements VIH à très bas prix dans les pays en développement où il est le plus nécessaire. On ne peut même pas attaquer ce laboratoire sur sa mauvaise stratégie : elle est parfaite, contrairement à celle des gros laboratoires traditionnels. Non seulement Gilead développe des molécules efficaces, avec moins d’effets secondaires, mais ses traitements deviennent des options encourageantes dans d’autres affections comme les hépatites et même certains cancers. Bref, Gilead est la success story du sida. Mais voilà, personne n’a anticipé ce tournant majeur dans la lutte contre le sida. C’est comme si la recherche allait trop vite.Jusqu’à 12 000 dollars par an
Si Truvada permet de protéger les personnes séronégatives à très haut risque d’infection (soit parce qu’elles n’ont pas accès au préservatif, soit parce qu’elles refusent de l’utiliser), c’est avec un coût : pouvant aller jusqu’à 12 000$ par an. Il y a donc une question éthique essentielle : comment dépenser cette somme pour des personnes non infectées par le VIH quand des millions de malades du sida meurent toujours car elles n’ont toujours pas accès à ce traitement dans le monde ? N’est-ce pas incroyablement cynique de développer des traitements pour des maladies que les gens n’ont pas encore ?Pour compliquer encore plus la situation, ce chiffre de 12 000 dollars est trompeur. Dans son blog sur Mediapart, Vincent Verschoore n’a pas l’air d’avoir compris l’équation : il n’est pas vraiment question de donner du Truvada tous les jours à des personnes séronégatives. A l’occasion de la conférence de Washington, l’’OMS va publier un guide d’utilisation des antirétroviraux comme prévention chez les séronégatifs. La FDA prépare en ce moment même des profils d’indications. L’idée de base, c’est de prendre du Truvada avant des relations à risques. On pourrait commencer par un certain profil de personnes. Par exemple, chez les gays, nombreux sont ceux qui n’ont pas de relations sexuelles pendant la semaine (ils travaillent) et se lâchent pendant tout le week-end. Ici, le Truvada serait administré le vendredi. Il s’agit donc d’administrations intermittentes, ce qui réduit grandement le coût sur le long terme. De plus, on peut toujours argumenter que le traitement et le suivi à vie d’une personne séropositive coûterait effectivement beaucoup plus cher à la société.