Par Michel Dufour
Genre : Thriller fantastique
Personnage principal : Paul Lacasse, psychiatre
Site de l’auteur : http://www.patricksenecal.net/
J’ai un bizarre de rapport avec Patrick Senécal : d’abord, j’estime que lui et Jean-Jacques Pelletier sont nos plus grands écrivains québécois des quinze dernières années, dans le domaine du polar, ce qui n’est pas un jugement très original. Dans les deux cas, quand je commence un roman, je cesse d’être disponible pour quoi que ce soit. Même quand je boude un roman de Senécal comme 5150, rue des Ormes, ça ne reste pas moins vrai que j’en suis absolument captif le temps de la lecture. J’ai trouvé très politically incorrect, donc plutôt jouissif, Les Sept Jours du talion car, même si Senécal fustige aussi les partisans du père de la victime, ça faisait du bien de voir souffrir un méchant sadique, au lieu qu’il soit abattu ou capturé dans les trois dernières pages, et c’est fini. Le Vide m’a également conquis presque sans réserve. Mon rapport reste ambigu parce que, de tempérament plutôt rationnel, j’exige des solutions rationnelles et, avec Senécal, on ne sait jamais. Ceci dit, une fois de temps en temps prendre un bain d’irrationnel est tolérable, parfois même stimulant ou amusant. Mais pas quand on s’efforce avec confiance, pendant quelques heures, de dénicher les racines logiques de ce qui est apparemment mystérieux pour finir par s’enfoncer dans l’incompréhensible, le magique, le religieux. Sauf que parfois…
Or, Sur le seuil commence et continue comme un vrai polar d’enquête. Une tuerie incompréhensible et un événement très troublant. Quel rapport entre un tireur fou qui abat douze enfants au coin d’une rue et un écrivain qui se coupe les doigts avant de tenter de se suicider? Pour comprendre son patient, l’écrivain à succès Thomas Roy, le docteur Lacasse, avec l’aide de sa jeune collègue et amie Jeanne Marcoux, entreprend une enquête minutieuse : indices, interrogatoires, hypothèses. Véritable procédure policière. Les personnages sont crédibles, y compris le prétentieux journaliste Monette, qui leur donne un coup de main. Alors que le mystère semble se clarifier, l’agent littéraire de Roy, Patrick Michaud, relance l’affaire. Ce n’est pas le dernier rebondissement. A partir de là, on comprend que le véritable adversaire de Lacasse est l’irrationnel et il n’est plus possible de lâcher le roman… à mon corps défendant!
Le rythme est bon, ça se lit facilement, l’ambiance est de plus en plus pesante, et on sent bien que quelque chose de terrible va se produire. Senécal a le don de distiller l’horreur goutte à goutte jusqu’à ras bord. Il y a du Stephen King là-dedans. Le lecteur est envoûté. Le climax est spectaculaire, et pourtant tout ne fait que recommencer.
J’ai dit qu’il s’agissait d’un thriller fantastique. Le lecteur doit, impérativement, se contenter de l’aperçu inscrit sur la quatrième de couverture. Les résumés sur le net en disent trop. Je me contente de la recommandation suivante : si vous êtes un amateur de polars et que vous pensez qu’un polar doit se terminer par une élucidation rationnelle des problèmes accompagnée d’une résolution des tensions, Sur le seuil n’est pas pour vous… sauf si vous avez le goût de vous payer une solide transgression.
On en a fait un film qui est aussi assez épouvantable
Ma note : 4 / 5