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Poker : quand la police démantèle un tripot « de la haute »

Publié le 26 juillet 2012 par Kamizole

J’ai, comme bien souvent, l’esprit facétieux, et j’adore jouer avec les mots… Dans les milieux friqués dont il est question l’on ne parle bien évidemment pas de « tripot » ce terme étant réservé aux lieux de jeux clandestins du populo. Quant à « la haute » c’est un terme bien suranné… remplacé par V.I.P. Censé faire « classe ». J’t’en fiche ! Parce que s’ils sont bourrés de fric - « pleins aux as » selon une expression couramment entendue dans mon enfance. Des parvenus qui se pensent au-dessus des lois et du vulgum pecus qu’ils méprisent et ne pensent qu’a exploiter. Lors même qu’il leur manque l’éducation et souvent les bonnes manières sans même parler d’une certaine culture.

Je ne saurais dire comment s’est imposée à mon imagination tout aussi facétieuse, grâce à des réminiscences proustiennes, l’idée de les faire évoluer précisément dans les salons d’antan de la véritable « haute société ». Quand bien même douterais-je qu’ils y eussent été reçus par la Duchesse de Guermantes. Le toujours très digne Monsieur de Norpois, marquis et ex-ambassadeur s’étranglerait d’indignation… Quant au salon de Madame Verdurin - Marcel Proust tira très certainement son modèle des salons de Madame de Caillavet et Madeleine Lemaire - ils n’y seraient très certainement pas plus reçus : il fallait non seulement s’intéresser aux arts en général et à la littérature mais encore avoir le goût et le talent de la conversation de bon aloi.

Ce ne serait bien évidemment pas dans de tels lieux que la police de répression du banditisme ferait une rafle pour démanteler un cercle de poker clandestin pour VIP (Le Monde 21 juil. 2012). Un « clandé » pour accro au poker particulièrement riches puisque le droit d’entrée y était de 10.000 euros - « versé le plus souvent en cash » - et que les joueurs devaient de surcroît déposer un chèque en blanc destiné à couvrir leurs pertes éventuelles et que « trois croupiers battaient les cartes moyennant un salaire de 500 euros la soirée »…

Bien de quoi décourager les smicards d’aller taffer pour 1.200 € brut par mois ! Sachant que ces séances qui se déroulaient toute la nuit et où les joueurs n’étaient astreints à aucune limite dans les mises avaient lieu au moins une fois par semaine dans l’appartement fort cossu d’un des organisateurs situé près du Parc Monceau, quartier très huppé du VIIIe arrondissement de Paris.

C’est vous dire aussi l’indignation qui m’a saisie en lisant que parmi ces joueurs qui pouvaient miser des sommes astronomiques, il se trouvait de très nombreux chefs d’entreprise et que l’un d’entre eux « a perdu jusqu'à 500.000 euros en une seule soirée » ! Il ne peut s’agir à l’évidence d’un petit patron mais d’une de ces « huiles » du COUAC-40 qui criaillent tant et plus lorsque le gouvernement donne un coup de pouce au Smic - 2 % - et ne cessent de vitupérer le « coût du travail » en France. Perdre en une seule soirée l’équivalent de 200 Smic, en tenant compte des cotisations

Ce n’est certainement pas pour rien que cette intervention fut menée par la police de répression du banditisme car à l’évidence les trois personnes qui ont été arrêtées à cette occasion sont loin d’être blanc-bleu sur ce chapitre. Je ne cite pas les noms - volontairement : il m’est arrivée deux ou trois fois de le faire, en citant des articles du Monde. Or, j’ai été méchamment attaquée et priée de retirer mes articles ! C’est tellement plus facile de s’en prendre à une petite blogueuse qu’aux médias ayant pignon sur rue.

Or donc, chez un certain J.J. - placé en détention provisoire - les policiers ont découvert rien moins que « 76 970 euros, 2 300 dollars américains en liquide ainsi que des chèques dissimulés dans des caches ». Les deux autres ont été laissés en liberté mais sous contrôle judiciaire. Chez D.T. (ex tireur sportif) « ils ont trouvé 35 850 euros en liquide ainsi qu'une collection d'armes de type 357 magnum, pistolet automatique et 22 long rifle ». Et enfin, « des chèques pour un montant total de 230 000 euros, chez M.B. le troisième comparse ».

A lire cet article et quelques autres, les policiers de la BRB - bénéficiaires d’un « tuyau »… comme bien souvent dans toutes les affaires de trafic - semblent certains que le prévenu J.J entretient des liens avec le banditisme, ce qui explique bien évidemment la détention provisoire.

Patrick Bruel - qui ne cache pas son goût pour le poker - a été également entendu mais à titre de témoin et ne fait l’objet d’aucune poursuite. Il a reconnu sans difficulté avoir fréquenté naguère ce cercle « J'y ai joué occasionnellement avec des copains avant que cela ne dérive vers des pratiques contestables » et n’y plus être allé depuis plusieurs semaines en raison « des nouvelles personnes venant d’arriver et qui ne lui plaisaient pas ». Nul besoin d’un dessin, hein ?

L’avocat du principal suspect aura beau prétendre avec colère que « Dans cette affaire, certains veulent créer une ambiance de gangstérisme. Alors qu'il s'agit de quelques parties de poker entre joueurs aguerris » il ne convaincra personne. Il s’agit bien à l’évidence de pègre, de grand banditisme et de mafia. Rien de tel que les cercles et autres casinos clandestins pour recycler l’argent sale.

Même quand il s’agit de cercles ayant pignon sur rue et qui sont donc l’objet de contrôles. J’avais enregistré il y a déjà fort longtemps un article de Mathieu Delahousse, envoyé spécial du Figaro à Marseille Quand milieu et barbouzes voulaient le Cercle Concorde (12 janv. 2008) relatant comment dans le même dossier judiciaire se re­trouvent des personnages de la haute finance, du grand banditisme et des milieux politico-barbouzards» - l’ex capitaine Paul Barril, gendarme ancien numéro deux du GIGN dont on apprend qu’il serait rentré en relation avec les personnes du Cercle Concorde par l’intermédiaire de son avocat qui n’est autre que le fort sulfureux Jacques Vergès ! - et François Rouge, un banquier suisse - Tiens ! Tiens ! - qui serait considéré comme l’homme clef de ce dossier notamment parce qu’il aurait des relations avec l’Afrique (l’on ne connaît que trop bien les scandales politico-financiers de la Françafric et les embrouilles en matière de jeux et paris truqués, y compris sur les champs de courses) en même temps qu’avec des personnalités plus que douteuses du milieu.

Je vous passe les détails, l’article est toujours en ligne pour les personnes intéressées. Il me semble d’ailleurs que le Cercle Concorde est loin d’avoir fini de faire parler de lui ces derniers mois. Avec toujours plus de ramifications dans la pègre, voire le monde politique… Le procès devrait avoir lieu en 2012 selon le Nouvel Obs le parquet de Marseille réclamant le renvoi de seize personnes devant le tribunal (3 nov. 2011). A ma connaissance la date du procès n’a pas encore été arrêtée.

L’on se demandera pourquoi un établissement de jeux installé rue Cadet dans le XIXe arrondissement de Paris (et fermé depuis novembre 2007) fait l’objet d’une enquête et d’un procès à Marseille. C’est à l’évidence parce que les principaux protagonistes du dossier sont installés à Marseille ou y gravitent dans un milieu plus ou moins interlope. Ainsi, « l'homme d'affaires Paul Lantieri, propriétaire d'une discothèque à Bonifacio (Corse-du-Sud), introuvable depuis quatre ans et sous le coup d'un mandat d'arrêt international ».

L'information judiciaire avait été ouverte pour « blanchiment en bande organisée, recel de blanchiment, corruption, recel d'abus de confiance et détention d'armes »… Voilà qui ressemble furieusement à notre affaire du club de poker pour VIP, non ?

Dans son réquisitoire, Marc Rivet (vice-procureur) affirme que « les investigations ont mis au jour un affairisme sournois et assassin et la pénétration de la délinquance méridionale dans la vie des affaires » ainsi qu’une une série d'infractions à la législation sur les jeux.

Nous sommes loin d’être sortis de l’auberge… De mon avis, la nouvelle législation sur les jeux d’argent et de hasard qui par la loi de 2010 a légalisé les paris en ligne tout en alourdissant les peines en cas de jeu clandestin profitera nettement plus aux mafias qu’aux sociétés ayant pignon sur rue et contrôlée par l’Etat (Française des jeux ou PMU notamment).

Apprendre par exemple que les fils Tapie ou Balkany s’y feraient leurs quenottes de bébés requins ne saurait m’inspirer aucune confiance. Mais il y a bien pire car les plus redoutables prédateurs opérant à l’étranger, souvent fort loin et bien à l’abri de la législation des Etats européens (la libéralisation des jeux en ligne étant comme toujours imposée par Bruxelles).

Une preuve parmi beaucoup d’autres : le grand nombre de matches truqués épinglés en Italie. Il a été prouvé que les joueurs qui faisaient perdre leur club - pas des vedettes touchant des fortunes - étaient en fait rémunérés par des groupes mafieux opérant à des milliers sinon des dizaines de milliers de kilomètres de l’Italie.

Ils opèrent exactement comme des traders véreux qui jouent à la baisse contre des valeurs réputées sûres. Les gains des mafias - souvent mirobolants - étant fonction des masses d’argent mobi-lisées.


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