Précisons immédiatement que cet événement n'est pas un cas isolé pour les structures gouvernementales des États-Unis puisque la plate-forme (Challenge.gov) qui l'héberge est le fruit d'une initiative transverse de l'administration fédérale, laquelle a déjà accueilli près de 200 défis, dans les domaines les plus variés, depuis sa création en 2009.
Avec ce concours, l'objectif du département du trésor est de capitaliser sur les immenses possibilités offertes par les technologies mobiles, pour offrir aux consommateurs les moyens de (re)prendre le contrôle sur leurs finances personnelles. En filigrane, est inscrite également une volonté de favoriser une "ouverture des données" qui puisse profiter aux utilisateurs de services bancaires.
"MyMoneyAppUp" comporte 2 volets distincts. Le premier, "IdeaBank", adopte un format extrêmement simple : les internautes (développeurs ou non) sont invités à exprimer, en 140 caractères au maximum, leurs idées d'applications sur mobile. Les propositions sont enregistrées en ligne et ouvertes aux commentaires et à l'appréciation de la "communauté". Ce sont d'ailleurs les notes du public qui seront utilisées pour sélectionner 10 finalistes, dont 5 (choisis par un jury classique) seront récompensés, par un prix de 250 à 1000 $.
A l'heure actuelle, un mois après le début de la compétition, 129 idées ont été soumises. En raison du format "court" retenu, la plupart d'entre elles ont une portée limitée (et l'application du siècle n'en fait probablement pas partie), mais quelques-unes attirent l'attention, qui pourraient déjà inspirer des fonctions intéressantes dans les solutions actuelles de banque en ligne. Un seul exemple (choix subjectif, évidemment) : "je veux une application qui me demande à chaque achat ou retrait si c'est un besoin ou un désir".
L'autre partie du concours, baptisée "App Design Challenge", reprend le même esprit mais dans une approche plus poussée (qui justifie des récompenses plus conséquentes, les 5 prix s'étageant de 2 500 à 10 000 $). Il s'agit dans ce cas de préparer un dossier complet décrivant en détail le concept imaginé, les bénéfices potentiels pour les utilisateurs, le modèle économique envisageable...
Les propositions soumises dans cette catégorie ne sont pas publiquement accessibles (elles seront jugées exclusivement par un jury professionnel, dont certains membres sont issus de Facebook et Google) et il n'est donc (malheureusement) pas possible de se faire un avis sur leur qualité.
Pour les participants qui souhaiteront aller jusqu'à la concrétisation de leur idée, les organisateurs suggèrent de participer à une compétition "partenaire", le FinCapDev, où ils pourront soumettre (après le "MyMoneyAppUp") leurs applications "réelles".
Mais, en dehors de cette incitation discrète, la cible de la compétition, malgré toutes ses qualités, semble hélas un peu théorique : qu'adviendra-t-il des idées émises ? Seront-elles "versées" dans le domaine public, pour une mise en œuvre par qui voudra ? L'absence totale de réponses à ces questions est un peu dérangeante et constitue, à mon avis, une erreur fondamentale, car elle rend impossible une mesure objective du succès...
Toujours est-il que le lancement de "MyMoneyAppUp" par le département du trésor est (ou devrait être) un sérieux signal d'alarme pour le secteur bancaire américain, qui se voit ainsi publiquement exposé comme rétrograde et peu stimulateur d'innovation (...au point de conduire le gouvernement à prendre les choses en main, un comble aux États-Unis).
Perspective à méditer puisque la France en est à l'opposé, avec des banques (peu nombreuses, certes) qui lancent des initiatives audacieuses (je pense aux APIs du CAStore et d'Axa Banque) alors que celles d'origine publique restent sur des approches traditionnelles à base de subventions (et mécanismes équivalents), dont l'efficacité mériterait d'être sérieusement évaluée... Un équilibre entre ces deux extrêmes serait certainement utile, ne serait-ce (chez nous) que pour faire avancer les idées méritant une transversalité inter-bancaire.