Depuis le début de l’année, l’opinion publique et les médias semblent n’avoir d’yeux que pour lui. Lui c’est Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de Gauche, porte-drapeau d’une gauche de la gauche orpheline d’un leader emblématique depuis les retraits d’Olivier Besancenot et d’Arlette Laguillier.
Dans une campagne qui n’a cessée de décevoir les Français, la percée de Mélenchon est apparue comme un bol d’air, même si celui qui fait la meilleure campagne selon LH2, reste encore loin de la marche qui conduit au 6 mai. En effet, si l’on se réfère au dernier sondage réalisé par TNS Sofres, il compte 16% des intentions de vote soit 10 points de moins que Nicolas Sarkozy et 12 de moins que François Hollande. Fort d’une dynamique positive et ininterrompue depuis le mois de janvier (Institut CSA), l’ancien socialiste est en passe de devenir le 3e homme du 1er tour après avoir enregistré un bond spectaculaire de 10 points en 3 mois. Pourtant, à moins d’une semaine du premier tour, il serait dangereux de n’écouter que les cloches médiatiques en oubliant les mois de campagne et les particularités du vote Front National.
La fièvre Mélenchon
Entre les crises financière, économique et morale que traverse notre pays, il semblait évident que les partis de gouvernement que sont l’UMP et le PS ne pourraient sortir indemne de la campagne. Sur fond de crise de l’UE, de remise en cause du système économique et alors que la chômage repart à la hausse depuis plusieurs mois, les challengers avaient une opportunité unique. Ainsi, chacun à leur tour, Marine Le Pen (premier semestre 2011), François Bayrou (hiver 2011-2012) et enfin Jean-Luc Mélenchon (depuis le mois de janvier 2012), ont su se montrer, prendre la lumière et laisser entrevoir une possible surprise. A ce petit jeu, le dernier à avoir saisi l’opportunité semble en passe de remporter la mise selon les observateurs. Mais ce raccourci journalistique ne doit pas faire disparaitre les quelques fragilités de sa candidature.
Tout d’abord, Jean-Luc Mélenchon est certes crédité de 15 à 17% des intentions de votes, la certitude de ses sympathisants demeure inférieure à celle de ses opposants : 66% contre 76% pour François Hollande et 78% pour Nicolas Sarkozy. Un différentiel qui aurait tendance à favoriser les transferts à la défaveur du candidat Mélenchon.
De plus, Jean-Luc Mélenchon est perçu comme un vrai candidat de gauche à la différence de François Hollande que certains sympathisants socialistes jugent trop « social-démocrate ». Aussi, et malgré l’avance dont dispose Hollande au 2nd tour, le « vote utile » sera une thématique qui sera mise en avant dimanche 22 avril. En effet, si le risque d’un 21 avril bis semble hors de portée, le score du 1er tour aura son importance en prévision de l’entre deux tours.
Enfin, le récent succès de Jean-Luc Mélenchon et sa prise de poids à Gauche pourrait lui faire perdre quelques suffrages à sa gauche où les candidats Poutou et Arthaud semblent bénéficier de l’égalité du temps de parole décrétée par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel.
L’insondable vote Front National
A l’autre extrémité de l’échiquier politique, la candidature de Marine Le Pen semble, elle, connaitre une dynamique inverse (baisse de 2 points d’intentions de vote sur un mois). Possible candidate au second tour il y a un peu plus d’un an (sondage Harris Interactive pour Le Parisien), la nouvelle présidente du FN voit sa candidature stagner à la baisse depuis janvier : 15 points contre 19 selon CSA. De plus, on note une plus grande certitude du choix chez les électeurs potentiels du FN : 73%, soit 7 de plus que pour Mélenchon. On pourrait également insister sur la montée des sujets liés à la sécurité (affaire Merah, série de meurtres dans l’Essonne, arrestations, etc.) Enfin, les nombreux sondages de second tour sont un facteur qui pourrait peser dès le premier tour avec une possible démobilisation de l’électorat en faveur de Nicolas Sarkozy.
Cette analyse ne pourrait cependant être complète sans évoquer la particularité du vote FN ou Le Pen, au choix. Sujet de controverses au sein des instituts de sondages pendant plus de vingt ans lorsque Jean-Marie Le Pen menait le Parti, le vote « Marine » partage cette caractéristique et n’en finit pas d’interroger le microcosme. En effet, l’absence de référentiels lors d’une élection présidentielle permettant d’évaluer la précision du vote Marine Le Pen laisse planer un doute.
Quoi qu’il en soit, le score cumulé des partis extrêmes devrait approcher les 40% au soir du 1er tour. C’est sans doute à ce défi, celui de la crise du modèle démocratique, que devra répondre en priorité le prochain Président.