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Elégie pour les sangliers de Chambord

Publié le 25 juillet 2012 par Legraoully @LeGraoullyOff

Elégie pour les sangliers de Chambord

Toujours prompt à m’extasier sur le destin des grands de ce monde, j’ai pensé qu’il était bon de délaisser pour quelques temps les miséreux qui arpentent le pavé de l’autre côté des Pyrénées pour m’enquérir de la santé du bon roi Juan Carlos Ier d’Espagne, des Deux-Siciles et de plein d’autres coins ensoleillés. Certes, le peuple souffre de la rigueur budgétaire mais qui vous dit qu’en son humble résidence de la Zarzuela, le monarque ne nourrit pas de légitimes inquiétudes sur l’avenir de ses sujets, et qu’il n’y réflechit pas à deux fois avant de reprendre de la paëlla?

Or voila: la WWF espagnole vient de destituer le  roi de son titre de président d’honneur de l’institution écologiste. En effet, en avril dernier, notre ami s’était rendu au Botswana pour chasser l’éléphant. Outre l’horreur qu’inspire ce genre de loisir d’aristo à quiconque dispose d’une once d’empathie, l’escapade avait coûté fort cher si l’on considère que depuis quelques temps les Espagnols se font des bracelets à force de se serrer la ceinture. Oh, je vous vois venir, insensibles roturiers qui stockez les chips et les chipolatas pour polluer l’atmosphère avec vos barbecues infâmes: Jean-Charles Bourbon est déjà grand-maître et chevalier de tant de breloques que lui ont refilées ses cousins couronnés ou républicains qu’il n’est pas à une distinction près. Détrompez-vous: le descendant de Louis XIV et de François de Lorraine, comme tous ses congénères qui se font décorer la cafetière d’un diadème de métal et de pierres précieuses est toujours triste de perdre un titre. Il dépérit, il se fâne, et il sent l’hydre révolutionnaire affuter sa lame pour le raccourcir du chef.

Mais avant de nous gausser de cette infortune, regardons ce qui se passe chez nous qui avons succombé aux sirènes républicaines. Pendant longtemps, nos aristos en chef (le président de la république est de facto co-prince d’Andorre et chanoine du Latran, donc pas irréprochable du point de vue de la roture) se sont octroyé des prérogatives nommées les chasses présidentielles. Ces chasses gardées, dont la principale est sise à Chambord, permettaient de flinguer des sangliers innocents sur l’autel de la bonne entente diplomatique. Mitterrand (qui détestait la chasse, grâces lui en soient rendues) puis Chirac, furent les premiers à tenter de limiter cette pratique féodale, sans malheureusement y mettre définitivement fin. En revanche, Sarkozy qui n’a jamais été à une connerie près, a réhabilité la pratique du meurtre des petites bêtes pour le rayonnement de la France au delà de ses étroites frontières.

Le Canard Enchaîné s’était fait l’écho début 2010 des vilaines pratiques de Pierre Charon, le conseiller es-flingues du tout petit père des peuples, et le très peu regretté Muammar Kadhafi avait ainsi pu exercer ses « talents » balistiques sur d’autres cibles que ses opposants. En réponse aux quelques critiques qui se sont élevées, Charon avait répondu que cela ne coûtait rien à l’Etat et qu’il ne s’agissait « que de tuer des sangliers« . Pas étonnant que ce gros con porte le même nom que le nocher des Enfers de la mythologie grecque. Plus étonnant en revanche est le fait qu’il ait pu sièger  au Conseil Economique et Social au titre des personnalités qualifiées en matière d’environnement et de développement durable (sic).

Depuis ces sinistres faits, Sarkozy et sa clique se sont fait jeter, et François Hollande, dit le Président normal, tient entre ses mains le destin des cochons de votants et des sangliers de Chambord. Or, que croyez-vous qu’il arrivera? Fidèle à son antienne du « changment maintenant », Hollande va t-il fermer définitivement les chasses présidentielles et rayer le droit de chasse de la Constitution, droit qui a autant sa place dans la loi fondamentale que la règlementation de la taille des visières des casquettes en milieu suburbain? Va t-il enfin interdire la corrida, comme le lui avait demandé l’alliance anti-corrida pendant la campagne des primaires, question à laquelle il s’était soigneusement abstenu de répondre? Va t-il convoquer son ministre de l’Agriculture, de la Pêche et activités du même tonneau, pour lui demander un moratoire sur l’élevage intensif? Va t-il prendre fait et cause pour la robe de mamie de Cécile Duflot contre la fourrure maculée de sang des poufiasses à vison?

On peut toujours rêver, mes amis, et un président aura exercé son droit d’entrer à cheval au Latran avant que les chasseurs et tous les viandards du pays ne soient désarmés. Ah, si les sangliers avaient pu se payer un ticket pour aller voir le dernier Batman à Aurora, les choses auraient peut-être été différentes. Si les canards sauvages pouvaient tweeter leur mécontentement à l’endroit des cons qui se prennent pour des rebelles parce qu’ils flinguent pendant les périodes de nidification au mépris des règlements européens, les choses eurent pu évoluer. Si on organisait autant de sommets de la dernière chance pour l’environnement que l’on en monte à la hâte pour la stabilité budgétaire, Chambord eut pu être un eden pour les suidés de l’ordre des cétartiodactyles , et Sus Scrofa aurait pu cohabiter pacifiquement avec Homo Connardus.

Mais non. Les socialistes préssentent déjà qu’ils vont se prendre une trempe aux prochaines élections locales du fait de l’austérité, et ils ont eu assez de mal à conquérir le Sénat pour se le faire souffler en interdisant la chasse aux petits barons locaux qui goûtent ce divertissement macabre. On entendra toujours le prétexte fallacieux qui veut que si l’on ne régule pas les populations, on court au désastre écologique, comme si l’écosystème avait attendu l’Homme pour se réguler. La même excuse débile que l’Homme utilise depuis qu’il maîtrise l’agriculture pour trucider tout ce qui bouge.Puisqu’on ne peut raisonnablement pas compter sur la politique pour sauver nos amies les bêtes (homme y compris), espérons que la cirrhose aura raison de tous ces barbares le plus rapidement possible.

Et dire qu’il y a encore des abrutis pour croire que l’évolution obéit à un dessein intelligent (mais celà est une autre histoire).


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