La Femme est, vraiment, l’égale de l’Homme. Et c’est d’autant plus vrai qu’on n’hésite plus, de nos jours, à mettre une femme incompétente à un poste important. Ainsi, la ministre déléguée à l’économie numérique Fleur Pellerin incarne très bien pour ce gouvernement ce qui avait été vrai pour le précédent avec Christine Albanel ou Napthaline Kosciusko-Morizet, à savoir l’incompétence frétillante à un poste en vue de l’économie numérique.
Et pour donner un peu de substance à mon observation (si) misogyne voire machiste (allons-y, chargeons la barque, nous sommes entre nous), voici un peu de contexte qui permet d’apprécier l’ampleur de l’inaptitude de la dernière arrivée au poste charnière entre la Culture et l’Industrie. Lors d’une conférence à Montpellier (« Les Rencontres de Pétrarque »), une série de tables rondes et d’émissions de radio organisées par deux piliers du bon goût culturel français, à savoir France Culture et Le Monde, la ministre Fleur Pellerin, en poste depuis un peu plus de deux mois, s’est retrouvée dans la délicate position de devoir répondre à un sujet sur lequel elle n’avait pas préparé de petite fiche bristol.
Comme nous l’apprend Fabrice Epelboin dans un article détaillé sur Reflets.info, la conférence portait sur les rapports entre Internet et la démocratie. On pouvait donc logiquement s’attendre à des questions sur internet, sur la démocratie, et sur les rapports entre l’un et l’autre. Surprise totale, donc, lorsque l’animateur Emmanuel Laurentin (France Culture) introduit la neutralité des réseaux et en demande la définition à la ministre, ainsi que sa position. C’était complètement inattendu, puisque ce sujet parle d’internet et de la neutralité de traitement des données quels que soient la source, la destination et le contenu de ces données. On comprend que la pauvre ministre ait été prise complètement à revers. Et comme dans tous les cas où un politicien est en terrain vaseux, le double-salto arrière avec moulinets rhétoriques s’impose. La ministre s’en est sortie par une pirouette en donnant une définition à côté de la plaque puis en embrayant sur une position que je vous livre :
« Tout cela n’est qu’un concept américain et qui a tendance à défendre les intérêts économiques de Google, Apple et consorts… »
Patatras et badaboum ; ici on entend distinctement la cavalerie légère ministérielle qui se fait pilonner au canon de 105, ce n’est pas beau à voir et il y a de la bidoche partout. Tout comme Epelboin, on ne peut qu’être attentif à cette déclaration, qui bien qu’à côté de la plaque, s’aligne étrangement bien avec celle du CSA, justement appelé à fusionner avec le régulateur des télécoms, comme c’est commode.
Pour rappel et avant de poursuivre, rappelons que Fleur Pellerin, à la suite d’un parcours prestigieux saupoudré d’ENA, d’ESSEC et d’organisations internationales rigolotes comme l’ONU, a été nommée le 16 mai dernier comme ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique et non aux alcooliques anonymes Anciens Combattants comme on aurait pu le croire aux bafouillages rhétoriques confus rapportés ci-dessus. Cette belle boulette exposée, je pourrai reprendre mot pour mot le commentaire d’Epelboin qui explique que tout ceci est
« Un ratage à la hauteur du Firewall openOffice de Christine Albanel, le genre de chose qui discrédite définitivement un politique aux yeux des spécialistes et d’une génération tout entière qui suit depuis des années les tourments de la loi Hadopi. »
On se rappellera en effet la tranche de rigolade mémorable que nous avait offert la pauvre Albanel (le Capitaine Anéfé pour ceux qui connaissent) lorsqu’elle avait montré sa parfaite et compacte ignorance du sujet sur lequel elle entendait faire légiférer. À la lumière des boulettes précédentes des ministres en charge de ces questions finalement assez techniques sur internet et l’économie numérique, on comprend que le patouillage artistique de Pellerin va maintenant la suivre comme son ombre dans les prochains débats et lui sera rappelé avec insistance lorsqu’elle tentera, comme les autres avant elle, de promouvoir encore et encore la politique industrielle des petits copains et l’habituelle distribution de subvention camouflée en exception culturelle. Je passe pudiquement sur l’anti-américanisme idiot qui est devenu, en France, la marque de fabrique des socialistes décontractés, et je mettrai ça sur l’ignorance crasse du domaine plus que sur une intime conviction personnelle. Après tout, c’est une politicienne et s’il faut répéter bêtement des stupidités, elle le fera pour conserver sa place au soleil.
Ce que montre cette mésaventure ministérielle au royaume du numérique, c’est la double incompétence dont on peut encore faire preuve à un poste pareil en toute décontraction.
Incompétente parce qu’elle n’a pas pris la peine de se renseigner sur son ministère et son portefeuille, et sur les questions d’actualité. On peut me susurrer gentiment qu’elle n’est en poste que depuis deux mois, mais justement, depuis deux mois, l’actualité lui a franchement laissé les coudées franches pour se pencher sur les deux ou trois sujets brûlants comme la gestion du droit d’auteur et de l’HADOPI dans le domaine numérique, la neutralité du net, la bataille des opérateurs téléphoniques depuis l’arrivée de Free et le chambardement prévisible avec le déploiement de la fibre optique sur le territoire national par Google. Et puis, ce n’est pas comme si elle était toute seule dans son ministère. Ce n’est pas comme si elle n’était pas payée pour l’occuper. Ce n’est pas comme si la fiche wikipedia des principaux problèmes d’Internet en France permettait à n’importe quel citoyen d’avoir plus d’idées sur la question que la minustre entre deux trains…
Incompétente aussi parce que manifestement pressée de choper son train et retrouver son train-train quotidien, elle a laissé échapper la stratégie de long terme du gouvernement en matière de neutralité du net, qui se résume finalement à céder le pas à la protection de contenu avec de gros bouts d’exception culturelle, sur le mode « régulons internet comme on a si bien su réguler la téloche et la musique, pardi », prôné par un CSA tout frétillant à l’idée de gagner de nouvelles prérogatives. Ici, bien sûr, je m’avance. Mais franchement, quand on voit le passé de HADOPI (pour laquelle Hollande n’a toujours pas pris la décision d’en finir, bien que ce soit une relique de la méchante droite) et de tant d’autres réalisations gouvernementales en matière d’internet, on ne peut que craindre le pire. Pire qui nous est donc dévoilé par Pellerin, ce qui est très bien pour nous (un internaute averti en vaut plusieurs centaines, twitter et facebook aidant) mais qui laisse une marque indélébile sur le plastron de la ministre en terme de professionnalisme…
Toute cette mésaventure et Fleur Pellerin montrent à qui en doutait encore que ce n’est finalement jamais la compétence qui est récompensée lorsqu’on est nommé(e) ministre. Ce n’est pas la connaissance d’un domaine ou la passion d’en comprendre les rouages qui motive la nomination à ce genre de poste. Le maroquin ministériel n’est pas, n’est plus depuis un moment la mission, l’apostolat, la tâche ou le mandat précieux qui permet d’améliorer le bonheur collectif, de résoudre des problèmes nationaux ou que sais-je. C’est devenu seulement une récompense pour la servilité et l’attachement au chef. C’est le morceau de viande fraîche que le victorieux accorde à sa meute et qu’elle pourra boulotter le temps que durera la victoire.
Et si c’est à ce point visible et si vrai pour les nouvelles technologies, l’économie numérique et de façon plus générale, les « petits ministères » dont, a fortiori, ceux qui ont été créés de toute pièce avec un nom à mourir de rire, croyez-vous qu’il en aille autrement pour tous les autres ministères ?
Sérieusement, à quoi servent encore nos ministres ? Sur quelle compétence chimérique peuvent-ils encore nous mentir ?