Une inconnue à New York

Première gorgée. J'observais la scène à la terrasse d'un bar depuis quelques minutes déjà. Elle était là, égarée. Elle n'attendait qu'une chose: que quelqu'un s'approche. Mais qui pouvait être assez téméraire pour faire le premier pas ? Elle était pourtant sans défense, à la merci du monde, prête à s’offrir au premier venu. C'était sans doute cette trop grande disponibilité qui devait effrayer les potentiels candidats. Elle ressemblait à ces filles trop belles pour être gratuites, trop libres pour être intéressantes. Un jeune homme s'approcha mais fit marche arrière assez rapidement, trop timide. Puis ce fut au tour d'un esthète reconverti de se raviser après l'avoir effleurée, pas assez courageux. Enfin, un couple libéré s'y intéressa mais sans grande conviction. Dernière gorgée. Après l'observation vint l'action. Mon instinct s'imposa sur ma raison. Je m'approchais d'elle avec attention comme s'il s'agissait d'un piège pouvant se refermer à tout instant. Mon approche fut franche et maîtrisée, un type d'expérience en bref. Elle était bientôt dans mes mains. Précieuse, il ne me restait plus qu'à la déshabiller. Le photographe qui l'avait laissé tomber n'était pas revenu sur ses pas. La pellicule avait gisé sur le sol pendant vingt bonnes minutes. Personne n'avait osé s'en emparer. Alors que les photos circulent comme jamais et que les droits d'auteurs ont volé en éclats, la petite boîte contenant le précieux film semblait effrayer. La notion de propriété n'était donc pas morte. A moins que ce ne soit la complexité du processus d'extraction qui limitait les ardeurs ? Elle appartenait à quelqu'un. Mais qui ?

Voici un extrait de ce que vous auriez pu découvrir, avec un peu de courage, si vous aviez été à New York le 15 juillet dernier du côté de Prince Street vers 13h34.