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Bobos, cocos : le combat ?

Publié le 23 mars 2008 par Valérie Bernard

Avec l’élection de Dominique Voynet à Montreuil, j’ai pu lire sur le Web quelques trucs qui m’ont fait bondir. Rien que pour vous, un pot-pourri, au propre comme au figuré.

Bobos contre Cocos : lutte des places, lutte des classes ?
Petite, je lisais « pot-pourri » dans Télé 7 jours (oui, et pas Télérama, ça casse le mythe, je sais…) et m’imaginais alors que le chanteur en question passerait à Champ Elysées ou Sacré Soirée pour nous prendre la tête avec des tubes pourris.
   « Votez Coco et non Bobo »
   « Retournez à Paris on ne vous veut pas en banlieue ! »
   « Les Bobos viennent d’éliminer ce bastion communiste. »
   « Les Bobos contre les Prolos. »

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Ouest France et la presse étrangère reprise dans le dossier de Courrier international (Paris et sa banlieue vus d’ailleurs) se sont eux aussi intéressés au phénomène
« Les bobos à l’assaut des banlieues popu. La ceinture rouge de Paris pensait couler encore d’heureux jours communistes. C’était compter sans les Bobos qui noyautent ces bastions. La preuve par Montreuil. »
Dominique Voynet n'a même pas eu le droit de monter sur l'estrade de la mairie pour son discours qu'elle a fait dans la salle, pendant que les partisans de Brard hurlaient « c'est la victoire des Bobos. Montreuil vendue aux Bobos ».
Les Cocos sont amers : ils reprochent à la Reine verte (montreuilloise d’adoption depuis 5 ans) de ne pas s’être désistée en faveur du Tsar rouge (présent dans le Conseil municipal depuis 1971 et maire depuis 1984).
Diantre, ne sommes-nous pas en démocratie ? Une seule liste au second tour, vu que la droite divisée n’a pas pu se qualifier au 2e tour, était-ce bien raisonnable ?
La position des Verts (et à Montreuil de l’ensemble de la liste Montreuil Vraiment !) a eu le mérite de la clarté et de la cohérence : quand il n’y a pas de danger de droite, et a fortiori quand elle est éliminée, il n’y a aucune raison de retirer une deuxième liste de gauche.
La position inverse, aboutit aux candidatures uniques aux cantonales (cf. mon canton de Saint-Ouen par exemple, sic), qui n’ont rien à voir avec les valeurs de la gauche, et les valeurs républicaines tout court d’ailleurs.
Pour mémoire les scores du 1er tour à Montreuil
•   Brard (apparenté PCF + soutien PS) 39,42%
•   Voynet (Verts + dissidents PS + sans étiquette) 32,47%
•   UMP conduite par la toute jeune Aminata Konaté 9,62%
•   Divers droite 4%
•   Modem 4,98%
•   trois listes d'extrême gauche (LCR 6,29%, LO 1,88% et PT 1,33%)
Au soir du premier tour du scrutin municipal, l'électorat montreuillois semblait coupé en deux.
Le restera-t-il, comme la ville en elle-même : le Haut-Montreuil, jachère immobilière et sociale attend depuis près de 30 ans et le Bas-Montreuil, envahi par les bobos lassés de Paris et qui concentre commerces, transports et animations.
Brard s’arrêtera donc à 4 ans mandats : Montreuil la résistante a rejeté le rouge pour du vert.
Mme Voynet affirme qu'elle « réparera la fracture entre le haut et le bas Montreuil » et pointe « l'endettement de la ville, deux fois supérieur aux villes de taille équivalente ». Ses adversaires raillent son côté Bobo.
Voynet n’a-t-elle pas gagné tout simplement parce que sa liste Montreuil vraiment, en rupture avec les consignes d'appareils, a su regrouper ceux qui en ont assez des pratiques très autoritaires et du clientélisme pratiqué par l'équipe sortante ?
Le Bobo !!! ça y est le bouc émissaire est trouvé !

Ils sont partout, volent nos terres, s'habillent bizarrement, mangent bio .... ce sont eux les coupables.
La flambée des cours de l'immobilier : ce sont eux , les étés pourris aussi. Ils chassent les autochtones à coup de karcher, pardon de furitas .
Le bobo est crétin, mesquin, biodégradable.
La flambée de l'immobilier est certes inquiétante, toutefois un bourgeois qui pollue avec son 4x4 et vote Sarko est-il plus dangereux qu'un bourgeois qui mange bio et vote Voynet, ou même Besancenot (y'en a), non ?
Ceux-là même qui veulent régulariser tous les sans-papiers, critiquent l’entre-soi des ghettos de riches, Neuilly en tête, seraient-ils atteints de racisme primaire ?
Pauvre Bobo, va-t-il devenir un apatride ? Une catégorie sociale mutante ?
Une srte de "Pieds-bleus". Trop excentrique pour les Bonobos (bourgeois non bohèmes), parfois pas assez riche pour vivre avec eux d’ailleurs.
Trop riche pour le banlieusard de souche ?
Qui est-il vraiment ?
On les appelle « Bobos » pour Bourgeois bohèmes, « Lilis » pour Libéraux libertaires ou « Momos » pour Mobile moral.
A Montreuil, les Bobos pèsent un tiers de la population et votent à 67,7 % pour la Madone du Poitou.
Dans mon coin de 9cube, comme je l'écrivais fin 2006 sur Agoravox (dans un billet d’humeur ancêtre de ce blog), le Bobo c’est l’étranger, la minorité visible, le voisin de monsieur tout le monde.
Celui qui énerve, parce qu’il est à la fois sucré et salé, Beatles et Rolling Stones, Elle et Le Monde, bref pas facile à faire entrer dans des cases.
Monique Pinçon-Charlot, sociologue, directrice de recherche au CNRS et auteure de La Sociologie de Paris (La Découverte) s’est penchée sur leur cas.
« Les Bobos forment un groupe hétérogène, surtout sur le plan économique : les très riches côtoient les précaires. Leur seul point commun: ils s'installent dans des lieux traditionnellement réservés à une population plus pauvre.
Leur argent ne provient pas d'un patrimoine familial, mais d'un salaire élevé fruit de leur travail et de leurs diplômes plutôt élevés, et leur mode de vie rompt avec celui de la bourgeoisie traditionnelle.
»
Si je suis une Bobo ?
Sans doute un peu. Ai-je l’impression d’oter le pain de la bouche de mes voisins, je ne crois pas.
Quand nous sommes arrivés rue Sésame en 2002 pour visiter, les mamies étaient aux fenêtres, un peu comme le jour où le 1er ours a été réintroduit dans les Pyrénées.
A quoi ressembleraient les nouveaux arrivants ? Allaient-ils troubler leurs retraites pavillonnaires durement méritées après trois décennies à se serrer la ceinture en hlm ?
Même chose le jour de la rentrée des classes : tout d’un coup les mamans ont moins parlé arabe et wolof à la sortie de l’école ZEp de la Rép'.
La population ouvrière est partie avec les usines (-35% d’habitants dans mon coin de 9 cube de 1970 à 2000).
Alors, le Bobo a-t-il vraiment volé des places dans une ville où seuls 21 % des Audoniens sont propriétaires occupants pour 44% de locataires en logements sociaux ?
Et que dire du FN, depuis la « réintroduction » du bobo chez les prolos, son score a baissé et même disparu aux municipales cette année.
Une ville peut-elle être « équilibrée » avec seulement 30% de foyers imposables et moins de 62% de réussite au bac ?
Le Coco n’est-il pas un peu schizo quand il scolarise ses enfants dans le privé pour le sortir du « ghetto » qu’il a lui même créé ?
Hier, c’était la fête d’anniversaire de Fifi Brindacier à la maison. Bien sûr, je culpabilise, parce que quasi toute la Math' Sup' voulait venir jouer dans le jardin deprincesse blonde : mon pavillon de banlieue n’est pas assez grand et de toute façon Fifi n’a pas envie d’inviter toute sa classe, enfin surtout les garçons…
Hier, quand Donia et Fadaïl m’ont dit avec des étoiles plein les yeux :
« t'as d'la chance d’avoir une grande maison », je les ai regardé avec intensité et émotion.
« Les filles, écoutez-moi bien : ce n’est pas de la chance, le papa de Fifi et moi, nous avons travaillé très dur à l’école, et puis après nous avons trouvé un job, et là encore, nous avons travaillé très dur. »
Et si les petites filles m’avaient rétorquée, comme dans un sketch de Jamel Debbouze :
« mes parents ont travaillé très dur pour être pauvres ? »
Que retiendront-elles, Donia, Fadail et toutes les autres, vu que 90% des élèves de l’école ZEP de Fifi vivent en HLM et/ou cités ?
- Salauds de bourges, quand j’étais petite, il y avait une famille dans l’école, ils m’invitaient pour me narguer, se donner bonne conscience ?
OU
- J’allais chez eux, et je me suis rendu compte que ce n’est pas la taille du porte-monnaie qui fait l’Homme. Ça m’a donné envie de travailler pour réussir.
Comment expliquer à ces petites filles, que ce n’est pas l’architecture qui rend heureux ? Que le destin n’est pas toujours façonné par le quartier, mais qu’il est aussi affaire d’ambition personnelle ?
Que les villes de France n’ont pas toujours grandi comme on l’aurait voulu, mais que vous petites filles de la République française, libre, libérez-vous.
Ne perdez pas vos racines, mais sachez aussi vous en affranchir pour grandir. On peut-être très chic avec des vêtements dépareillés ;-)

Rêvons ensemble, que les enfants bourgeois ne s’enfuient pas vers des écoles de bourgeois, mais obtiennent pour celle de la rue d’àcôté un standing de bourgeois comme l’écrit Sybille Vinecndon, journaliste à Libération, dans son Petit traité des villes à l’usage de ceux qui les habitent.

 
© rédactionnel ZoralaRousse 93 pour chroniquesmabanlieue.com

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WEBOGRAPHIE
20 minutes.fr, : Voynet élue, Montreuil vendue aux bobos.

Bellaciao.fr, 15 mars 08
Ouest France, 14 mars 08 : L’imbroglio PC-Verts de Montreuil-sous-Bois.
L’Humanité.fr, 13 mars 08 : Montreuil, une élection dans les quartiers populaires.
JDD.fr, 10 mars 08 : Montreuil, un maire en péril ?
Marianne2.fr, 7 mars 08 : Municipales: duel à gauche à Montreuil, Voynet l'audacieuse mise sur un rejet de Brard.
Le post.fr, 27 fév 08 : Municipales à Montreuil: la gauche déchirée.
Le Figaro.fr, 14 fév 08 : Montreuil : Voynet veut faire chuter la maison communiste.
Le Parisien.fr, 31 janv 08: Les bobos, ici, ils sont mal vus, ils ont investi Montreuil.
Express.fr, 10 oct 2005 : Les nouveaux défis de Montreuil - Influences cosmopolites.


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