Daniel Day-Lewis impose une nouvelle fois sa personalité, ici sombre et brutale, dans un film qui va creuser, outre des puits de
pétrole, aux racines de ce qu'est l'amérique du XX° siècle. Car There will be blood tisse la trame de l'affrontement entre les deux forces qui ont sculpté les traits du colosse américain
: l'appétit du gain sans borne d'une part, et une bigoterie sans limite de l'autre. Et ces deux forces ne font donc pas que s'affronter : elles se complètent, se combinent.
Un jeune pasteur (Paul Dano) fait venir un prospecteur dévoré par l'envie, la haine, par ses pulsions qui le poussent au crime, à la manipulation, et à l'auto-manipulation, en un mot à étouffer
en lui tout scrupule - quand b.ien même il continue de les ressentir et voudrait, semble-t-il, que la vie vienne un jour infirmer sa méfiance profonde à l'égard du genre humain.
En retour de ce présent "divin", le jeune religieux, bourré lui aussi d'ambition, escompte pour sa communauté religieuse - et sa propre carrière de prédicateur - des espèces sonnantes et
trébuchantes.
Et voilà ces deux forces primitives qui se combinent, s'affrontent pour le pouvoir spirituel sur la communauté paysanne bouleversée par l'arrivée du pétrole, se battent et procèdent à un
mélange d'or noir et d'eau bénite qui est aussi explosif que de la dynamite... jusqu'à s'entraîner mutuellement dans l'abîme de la crise, dans tous les sens du terme, la crise de 1929, mais aussi
la crise de leurs propres aspirations, impossibles à satisfaire, tant les moyens qu'elles exigent sont contradictoires avec les fins qu'elles impliquent.
"Il y aura du sang"... à l'évidence ce portrait d'une amérique violente et bigote, avide et désespérée, roulant dans le fossé sanglant de la crise et de la folie dans l'étreinte mortelle de sa
lutte avec elle-même n'est pas qu'une évocation du passé - tiens, pourquoi ne pas relire "l'or", de Cendrars? Non seulement l'invasion de l'Irak, mais aussi la crise financière et
économique qui enfle chaque jour au point de menacer d'être, Alan Greenspan dixit , "la pire crise depuis 1945" (donc depuis 1929), font que ce film puissant de Paul Thomas Anderson a
des résonnances profondes, retentissantes et menacantes...