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Violente Vie de Marie-Claire Bancquart

Par Etcetera

Violente Vie de Marie-Claire Bancquart
La poésie de Marie-Claire Bancquart est sans fioritures : elle utilise une langue mesurée, sans lyrisme, mais toujours nette et lumineuse.
Il me semble que cette poésie allie savamment les contraires : à la fois abstraite et concrète, corporelle et cérébrale.
Elle célèbre le minuscule et le provisoire comme éléments essentiels de l’univers et de l’infini.
Son dernier recueil de poèmes, Violente Vie, paru au Castor Astral en mars 2012, se compose de six parties nullement exclusives les unes des autres : Journal d’un jour, Vies Plurielles, Dans les formes du monde, Figurations, Refus de refuser, Nous inventons de vivre.

Quelques poèmes de Dans les formes du monde sont consacrés aux pierres et aux volcans. Journal d’un jour accorde une grande place aux sensations corporelles, au sourd travail des organes. Figurations est consacrée à la peinture : Marie-Claire Bancquart s’est arrêtée devant certains tableaux ou gravures et nous fait part de ses impressions : œuvres souvent anciennes (Grünewald, Guerchin, …) mais aussi plus modernes (Monet, Chirico).

Dans ce recueil j’ai retenu huit poèmes – parmi ceux qui me semblaient les moins abstraits – ou en tout cas qui me touchaient le plus :

Des mots ? – Crainte de choquer
on ne parle pas de la fatigue
qui habite le corps

on ne parle pas de la mésentente
avec un ami

du regard illisible du chat
du goût étrange d’une épice

On ne parle pas non plus
d’un grand amour.

On découpe au cutter
un cache pour paroles
qu’on promène, invisibles, dans la ville

pendant qu’on
salue,
sourit,
se félicite du beau temps.

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Dans sa bibliothèque silencieuse
un vieil homme prend un livre
glisse sa main entre les pages

caresse
comme ferait un aveugle
le très léger relief des caractères sur les feuilles.

Délices du toucher, que va tuer la numérisation.

Un vieil homme semblable à lui
déroulait doucement un rouleau, voici des siècles.

Il déplorait la brutalité rectangulaire
de ce nouveau venu : le livre.

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Pendant la guerre
(la mondiale)
nous vivions. Déjà.

On colore de vieux films d’elle

mais l’odeur des ruines
on ne peut la représenter
suffocante.

Mais la faim ne crie pas aux entrailles du spectateur.

C’est comme l’histoire d’une antiquité très ancienne
Qu’un érudit raconterait
à des gens dont le corps, le corps n’est pas
ne peut pas être
de la partie.

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Ce qui est écrit dans le chant du feu
N’est pas écrit
pour toujours

scintille
puis s’étouffe

mais
d’un poète l’autre
au travers des siècles
court une étincelle
de violente vie.

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Le plus grand des tourments ?

- Qu’un jour arrive
où tout visage deviendrait
celui d’un inconnu.

Prisonniers
de même pas un rêve,
nous serions brume neutre,
plus seuls que seuls,
en marge,
refusés
par le malheur même.

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Un tremble
c’est le nom
du peuplier blanc : luisance furtive.

Éclairs des feuilles

leur vie scintille

instant après instant
elles chuchotent
que nous avons aussi des moments miroitants
minuscules, étincelantes traces de nous sur le monde.

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Avant de sonner à cette porte
on tâte sa poignée
comme on prend un pouls.

Elle suggérera peut-être de partir

peut-être d’entrer
pour une vie entière ?

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Aimer.

Ce sera un mot sans suite.

Mais il aura été écrit, dans un moment lui-même ineffaçable
du grand calendrier que nous ne connaissons pas.

(Cet article est paru la première fois sur le blog La Bouche à Oreille le 13 mai 2012).



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