Par une série de trois arrêts rendus ce 13 juillet 2012, le Conseil d'Etat a apporté d'utiles précisions sur la qualité d'ouvrage d'intérêt public que représentent les éoliennes au regard des dispositions des règlements des zones NC et ND des POS. Une clarification attendue et qui contribue (en partie) à la sécurité juridique des projets de parcs.
La Haute juridiction administrative vient ici clore définitivement une polémique récurrente devant les tribunaux administratifs : les éoliennes peuvent-elles être qualifiées d'ouvrage ou d'équipements d'intérêt public au sens des dispositions réglementaires des zones NC ou ND des POS ? La réponse est clairement oui. Une réponse d'autant plus importante que ce sont bien entendu dans ces zones que peuvent être implantées les éoliennes.
Motif : ces trois arrêts soulignent que le critère permettant une telle qualification des aérogénérateurs est celui de la " contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public"
A noter : la Cour administrative d'appel de Nantes s'était déjà prononcée sur cette question de droit (cf. CAA Nantes, 23 juin 2009, Association cadre de vie et environnement Melgven-Rosporden et autres – Commune de Rosporden, n°08NT0286). Vous pouvez lire ici un article sur ce point.
Conseil d'État, 13 juillet 2012, Société R., n° 343306
Aux termes du premier des trois arrêts rendus ce 13 juillet 2012, le Conseil d'Etat rappelle tout d'abord que le critère de définition de la qualité d'ouvrage d'intérêt public d'une installation de production d'électricité, au sens d'un POS, n'est pas celui de "l'affectation directe à l'exécution même du service public". Au cas présent, le Conseil d'Etat juge, s'agissant d'un parc éolien qu' "un tel projet présente un intérêt public tiré de sa contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public" :
"2. Considérant qu'aux termes de l'article NC1 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Francourville : " 1. Ne sont admises que les occupations et utilisations du sol suivantes (...) les constructions à usage d'équipements collectifs publics et d'infrastructure " et qu'aux termes de l'article NC2 du même règlement : " 1. Sont interdites les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article 1 (...) " ;
3. Considérant que, pour juger que le projet de parc éolien en cause ne pouvait être regardé comme une construction à usage d'infrastructure ni d'équipement collectif public au sens de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée sur la circonstance que le projet n'était pas directement affecté à l'exécution même du service public de l'électricité ; que, si l'affectation au service public de la sécurité de l'approvisionnement est, en l'état actuel des techniques et eu égard aux caractéristiques d'ensemble du système électrique, le critère d'identification des ouvrages publics de production d'électricité, le critère de l'affectation directe à l'exécution même du service public de l'électricité est dépourvu de pertinence pour identifier un " équipement collectif public " au sens du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Francourville ; que par suite, en statuant comme elle l'a fait, alors qu'un tel projet présente un intérêt public tiré de sa contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ;"
Conseil d'Etat, 13 juillet 2012, Société E. n°345970
Le deuxième arrêt rendu ce 13 juillet 2012 vient confirmer l'importance du critère tiré de la "contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public"
"6. Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions des articles NC1 et ND1 du plan d'occupation des sols de la commune de Fraïsse-sur-Agout admettent, par dérogation au principe de protection des espaces productifs qui régit la zone NC et au principe de préservation des espaces naturels qui régit la zone ND, les " équipements d'intérêt public d'infrastructures et ouvrages techniques qui y sont liés " ; que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, la cour a relevé que, eu égard à leur importance et à leur destination, les aérogénérateurs en cause devaient être regardés comme des " équipements d'intérêt public d'infrastructures et ouvrages techniques qui y sont liés " ; que ce faisant, et dès lors que la destination d'un projet tel que celui envisagé présente un intérêt public tiré de sa contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit ;"
Conseil d'Etat, 13 juillet 2012, Société E.n°349747
Idem pour le troisième arrêt rendu ce 13 juillet 2012 : le critère retenu est bien celui de la " contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public"
"3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article ND1-b du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Châteauneuf Val Saint-Donat : " Ne sont admises que les occupations et utilisations du sol suivantes : (...) Excepté dans les secteurs NDa et NDv, les ouvrages techniques d'intérêt public, à condition qu'ils soient compatibles avec les occupations du sol destinées à l'exploitation du milieu, notamment vis à vis des nuisances engendrées (...). " ; qu'aux termes de l'article ND2 : " Sont interdites toutes les occupations et utilisations du sol non mentionnées à l'article ND1 " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, sous certaines conditions, sont admises en zone ND du plan d'occupation des sols de cette commune, zone naturelle à protéger, les ouvrages techniques d'intérêt public ; qu'en déniant tout intérêt public au projet envisagé, alors qu'un tel projet présente un intérêt public tiré de sa contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public, la cour administrative d'appel de Marseille a également commis une erreur de droit ;
Arnaud Gossement
avocat associé - SELARL Gossement avocats
http://www.gossementt-avocats.com