L’Evangile selon Jean-Claude

L’actualité est tellement trépidante, entre la fin du Tour de France, les femmes de ménages des JO invitées à faire du camping sauvage en plein coeur de Londres, la Syrie qui baigne dans une mare de sang, les Espagnols qui passent leurs journées dans la rue pour s’habituer à quand ils n’auront plus de logement, et les nouveaux tweets de Valérie Trierweiler, que l’information a failli passer inaperçue: l’association chrétienne Torrents de Vie a organisé en Ardèche des séminaires pour « guérir de l’homosexualité ». Rappelons qu’en France, l’homosexualité  a été dépénalisée par la loi du 4 aôut 1982. La droite a un peu chipoté comme à son habitude mais le fait est là. Et il y a beau temps que l’homosexualité n’est plus considérée comme une maladie. Même l’armée américaine, qui n’est pas franchement un repère avancé du progressisme LGBT, laisse ses troufions défiler à la Gay Pride.

Que des chrétiens plus ou moins intégristes, qui se font fort de « découvrir les intentions de Dieu pour notre identité relationnelle et sexuelle« , se tripotent la nouille en refoulant leurs désirs inavoués, rien que de très habituel. Le dernier paragraphe de leur présentation sur le site de l’association est à cet égard édifiant d’un point de vue psychanalytique. Mais désormais, frères chrétiens, vous ne pourrez plus vous abriter derrière la doctrine réac et la glose myope du Vatican pour empêcher les gens de s’aimer comme ils le veulent. En effet, grâce à mes innombrables relations dans les hautes sphères de l’archéologie, je suis en possession d’une bonne partie  d’un texte antique écrit par un mystérieux treizième apôtre nommé Jean-Claude. J’ai également la lettre de l’éditeur de Dieu qui refusa que cet évangile figurât dans les texte  final, car il était trop sulfureux pour l’époque. Dieu en conçut d’ailleurs un immense chagrin, et à part une suite à son best-seller parue six siècles après en terre d’Islam, il abandonna sa carrière d’écrivain. Alors tu penses bien que les intentions pour l’identité relationnelle et sexuelles, il s’en bat le Fils et le Saint-Esprit.

Voici donc, en exclusivité mondiale pour le Graoully Déchaîné, le texte restant de l’Evangile selon Jean-Claude:

(…) Joseph était encore plein comme une barrique et jurait comme un charpentier, noble corporation qui avait un vocabulaire aussi fleuri que celui des charretiers. « Avoir un fils pédé, déclama t-il, plutôt être cocu avec un pigeon et passer tous les Noëls avec un boeuf et un bourricot! ». En effet, Jésus voulait se consacrer à sa nouvelle passion pour le one-man-show: depuis sa blague sur Pierre et la pierre où il voulait bâtir son Eglise, il était la coqueluche de toutes les scènes du pays de Judée. Or pour Joseph, tous les artistes étaient des fiottes paresseuses, et c’est pas avec ça qu’on allait virer les Romains d’Israël bordel de merde. Dépité, Jésus alluma une clope et décida de se rendre au Golgotha, célèbre boîte de nuit où il pourrait retrouver tout son crew.

Il fit un crochet par chez sa copine Marie-Madeleine qui tenait un salon de coiffure dans le quartier voisin. Cette dernière était secrètement amoureuse de Jésus, car il était le seul à ne pas se moquer d’elle. En effet, la pauvrette ne possédait qu’un sein, et souffrait de cette féminité inachevée.

« Salut Marie-Madeleine, ça boume? Mon vieux m’a encore tanné pour que je reprenne sa boîte, du coup je vais au Golgotha avec le gang, tu veux venir? ».

« Oh, j’aimerais beaucoup, mais ya Koh-Lanta ce soir à la télé. Dis Jésus, est-ce vrai que tu multiplies les seins? »

« Ah non, on t’a mal renseignée, moi c’est les pains que je multiplie, seulement les pains. Je fais ça à l’entracte de mon spectacle, ça apporte une petite dimension à l’américaine. Bon ben j’y go mon agneau, bonne soirée ».

Arrivé au Golgotha, Jésus claqua une bise au videur et retrouva sa bande de joyeux lurons.

« Salut gros, comment que c’est? Dis donc, Judas, t’aurais pas trente deniers, j’ai mon âne en double file et je n’ai plus de monnaie pour le parking? Allez, fais pas ta tête de con, j’te marcherai sur ton cocktail, euh non, j’te changerai ton Perrier en Tequila Paf, je m’y perds dans ces dons de prestidigitations . Merci ma poule, ben tiens va le garer, il t’aime bien toi Médor. Oui ben si j’ai envie d’appeler mon âne Médor, c’est mon problème, c’est pas toi le fils de Dieu que je sache. Bâtard, va! ».

L’ambiance battait son plein dans le club surchauffé. Jean-Claude, qui était lui aussi amoureux de Jésus, profita d’un instant d’absence du futur prophète pour lui glisser du gingembre dans son verre. Pierre et Jean, qui étaient d’infâmes petits rapporteurs, s’empressèrent de balancer Jean-Claude à la brigade romaine des stups. Sur ces entrefaites, Jésus qui venait d’enflammer l’assistance dans un karaoke endiablé , revint s’asseoir à la table des apôtres, et ruisselant de sueur, s’enquit de la situation de son verre. Pierre et Jean, les futurs zélateurs qui n’étaient encore que de petits délateurs, se regardèrent avec un sourire entendu, et lui tendirent le cocktail aphrodisiaque augmenté d’une bonne dose de poppers. Ce soir, les voies du Seigneur seront pénétrables. D’ailleurs, comme on le dit Outre-Manche, dans « cocktail », n’y a t-il pas « cock »?

La nuit fut furieusement voluptueuse, et les trois compères ne furent pas loin d’atteindre le paradis de leur vivant. C’est sans nul doute ce jour là que Dieu décida d’en confier les clefs à Pierre, qui au plus dur de l’effort n’avait jamais molli. Le lendemain matin au réveil, Jésus, un bras autour du cou de chacun de ses disciples, leur confia:

« Les mecs, j’ai une gueule de bois en pur cèdre du Liban. Il faut vraiment que j’arrête mes conneries si je veux percer dans le métier. Je pense que je vais aller pèleriner quarante jours dans le désert, ça va me changer les idées. » Il fit un bref détour par chez ses parents pour prendre son paquetage, et Joseph se réjouit de voir sa progéniture prendre enfin une décision censée. Si en passant il pouvait se raser sa coupe de gonzesse, ce serait encore mieux, mais bon chaque chose en son temps. Marie, elle, ne disait rien, de toute façon depuis le coup du Saint-Esprit, elle ne la ramenait pas trop (…)

Voilà, chers frères et chères soeurs en chrétienté, l’histoire véritable que les autorités ecclésiastiques cherchent à vous dissimuler, et que Jean-Claude rédigea la nuit de sa captivité avant d’être crucifié pour l’amour du Christ. Et voilà pourquoi le pape en exercice s’arroge indument le monopole des robes outrageuses et de la vérité en matière d’orientation sexuelle et de genre. Ce texte authentifié par les plus illustres archéologues devrait vous enseigner la tolérance, le respect de la vie privée de votre prochain et la nécessité qu’il y a à ce que vous vous occupiez de votre cul.

Comme j’ai du temps libre en ce moment, je me demande si je ne devrais pas redevenir pape, pour canoniser Jean-Claude, et pour qu’enfin triomphe la Vérité et le Bonheur sur Terre. Amen.