5 mars 2008. Que s'est-il passé depuis ? Le temps d'une traduction un peu longue, un peu complexe, où les contresens que je pourrais faire me piègent, de même que les références historiques, politiques, les abréviations…
combien sont morts ?
Cette fulgurance angoissante m'émeut à chaque fois que je travaille sur un texte d'Harry Hagopian. Je ne connais pas ce Monsieur, pas plus que je suis capable d'imaginer où il vit, ce qu'il fait au quotidien. Ce que je pense de lui, c'est à chaque fois la même chose. Un être à lavision angoissante d'une misère humaine teintée d'une géopolitique absurde, maladive, morbide, mortelle. Savoir que chaque mot traduit ne semble servir à rien, que l'encre utilisée, virtuelle, même si elle vous paraît noire, est tout bonnement rouge du sang qui coule tel un torrent et s'enfonce dans le sable d'une bande de Gaza qui ne représente rien pour moi que ces malheurs humains. Pendant que je m'acharne à traduire, des hommes, des femmes.. putain, des enfants tombent !Ses textes, analytiques, politiques, décortiquent au scalpel la situation actuelle mieux que le meilleur des médecins légistes. Une situation pourrie décrite avec tant de recul que j'en ai à chaque fois froid dans le dos.
Alors qu'est-ce que je peux faire ? Comment puis-je faire évoluer cette situation dans le sens dont malheureusement Harry rêve, plutôt que d'y croire vraiment ? Ce sentiment de perte inéluctable du sens humain, cette impuissance face à des problématiques religieuses et politiques auxquelles je ne comprends que couic, cette horreur qui se compte en jets de roquettes, en répliques mortelles, mais qui paie ? Toujours les mêmes, ces pauvres Arabes qu'on élimine, ces sales Juifs qu'on conspue, ou l'inverse ? Non, la vie, ce n'est pas cela. La vie, c'est un endroit où une puissance responsable vous donne un lieu de vie, de travail et de bonheur. La vie, c'est la capacité à fermer les yeux sur ce qu'on a fait de mal pour essayer de faire le bien. La vie, c'est une religion, celle qui ne nous impose pas la croyance en une égalité supérieure à son prochain, son égal, donc. Celle qui nous dit simplement que nous avons un début, une fin, et qu'entre temps, nous ferions mieux d'essayer d'apporter notre pierre, plutôt que de la lancer vers l'autre.
A chaque fois que je termine un texte d'Harry, je me sens mal, je regarde mes mains douces de ne toucher qu'un clavier d'ordinateur, quand d'autres saignent de creuser le sable pour ne pas entendre le bruit des bombes et de la haine.
Monsieur Hagopian, merci. Merci de garder le regard droit sur ce monde totalement tordu.
http://www.yevrobatsi.org/st/item.php?r=0&id=4502Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu