J'ai donc lu fin début juillet la dernière version des propositions imaginées par l'ARF au sujet de cette nouvelle étape de la décentralisation. Il en ressort des éléments très positifs, mais aussi beaucoup de frustration. Je vous invite à relire au passage le projet de statut particulier pour la Bretagne écrit en 1999 par l'UDB (et que nous ferions bien de réactualiser d'ailleurs).
Réflexion générale:
Pour le moment, tout est encore au stade de projet, mais je pense que certaines choses sont déjà bien avancées donc il ne faut pas traîner pour imposer nos thèmes, nos propositions. D'après ce que j'entends ici ou là, il semble acquis un élément essentiel: le pouvoir réglementaire autrement dit l'adaptation des lois (l'ARF parle de « sortir de l'égalitarisme républicain »). Si cet élément était réellement mis en place, alors, nous aurons mis le doigt dans l'engrenage jacobin. Adapter les les politiques à la diversité des territoires, c'est bien reconnaître que la France n'est pas "Une et indivisible", mais qu'elle peut exister de façon diverse. Pour autant, on est loin de l'autonomie (on ne vote pas ses propres lois) et du statut particulier pour la Bretagne de l'UDB. Mais convenons-en, ni le Pays de Galles, ni l'Ecosse n'ont obtenu leur dévolution du jour au lendemain.
Pour moi, l'important est de pousser le plus loin possible dans cette réforme et ainsi prouver aux citoyens que l'action publique est plus efficace si elle est gérée régionalement. Reste l'une de nos priorités: la réunification. On se retrouve dans une situation à l'irlandaise où l'autonomie va se construire peu à peu sans son principal département. Dans l'idéal, il faudrait que la réunification se fasse parallèlement et là, je suis plus pessimiste. Mais que cela ne nous empêche pas de militer... Car l'avenir du jacobinisme passera bientôt par les régions administratives, les conseils généraux et les métropoles.
L'intro du document de l'ARF (copier-coller du discours de départ de Le Drian ou vice-versa?) explique qu'il faut faire confiance aux régions, mais les propositions pour l'acte 3 faite par l'ARF restent bien timides. J'espère que les politiques seront plus ambitieuses car il ne faut pas un Acte 3 en demi-mesure si on veut démontrer l'efficacité de la décentralisation.
L'ARF ne propose aucune disparition d'échelon et la métropolisation perd certes quelques compétences, mais reste d'actualité. C'est malheureusement le scénario le
plus probable car Marylise Le Branchu, Ministre
bretonne de la décentralisation, n'a pas su venir à bout des départementalistes. On nous serine encore et toujours les mêmes arguments: "supprimer le département, mais vous n'y pensez pas!
Qui va s'occuper du social?". Comme si on justifiait l'existence d'une administration par ses compétences et son personnel (le social peut très bien être assumé par les interco et le transfert de
personnel existe aussi). Bah oui, avec les technocrates, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué!
Ce qui m'inquiète davantage, c'est la possibilité que cet acte 3 ne soit que gestionnaire et que toutes les compétences stratégiques, politiques, restent régalienne (damned)! Reste à se mettre d'accord sur ce qu'est un pouvoir régalien! Quoi qu'il en soit, c'est d'une réforme d'ensemble dont nous avons besoin, pas de fuites au compte-goutte dans la presse qui polarise l'attention sur le doigt de celui qui montre la lune.
Ce que je lis du document de l'ARF, ce sont d'hypothétiques avancées en termes d'orientation/formation professionnelle et emploi, autrement dit une confortation des politiques et des compétences existantes. C'est sans doute aussi ce qui devrait se passer: l'acte 3 pourrait n'être qu'une clarification des compétences. Rationnaliser, supprimer les doublons, redéfinir les missions de chacun (préfectures comprises), est-ce un nouvel acte? Si c'est pour avoir le même marteau dont on aurait raccourci le manche, je ne vois pas l'intérêt (ça n'est d'ailleurs pas de la décentralisation, mais de la déconcentration).
Bref, on peut gloser autant que l'on veut. La vérité se jouera dans le porte-monnaie. Certes, nous autres autonomistes certifions que l'on peut faire mieux avec moins, mais il n'y aura pas d'acte 3 de la décentralisation si le budget ne suit pas. Car à ce jour, ce sont les territoires qui rincent la capitale! Plus de 300 milliards d'euros de budget pour l'Etat contre 1 pauvre milliard pour la Région Bretagne (que l'on ampute en plus de son département le plus riche depuis plus de 70 ans). Je ne suis pas du genre à confondre chiffre d'affaire et bénéfices, mais ça donne une idée de qui détient le pouvoir en France. Pourtant, force est de constater que l'Etat fait de moins en moins et se décharge sur les collectivités. Tant mieux, sauf que faire sans argent, c'est impossible.
Le gouvernement a parlé de gel des dotations pour les collectivités. J'ose espérer qu'il veut dire "à compétences constantes" car assumer plus de compétences sans fric, ça risque d'être folklo pour notre rapporteur du budget Christian Guyonvarc'h (UDB). Pour ma part; je suis opposé à toute taxe nouvelle car ce n'est pas aux ménages seuls de payer les choix pourris des gouvernements précédents. On parle de "taxe numérique" et autres. Autant de ballons d'essais destinés à tester le niveau de tolérance des ménages... c'est injuste (je précise que je suis content de payer des impôts, ça veut dire que je gagne suffisamment d'argent, mais payer pour les choix nucléocrates et autres, merci bien)! Le risque, c'est de faire passer l'idée que plus de décentralisation = « plus cher pour les citoyens ».
On peut par contre compter sur la volonté de l'ARF de gestion directe des fonds européens ce qui serait un apport non négligeable. D'autant que tous les crédits ne sont pas utilisés en ce moment. Le document fait encore la part belle à la TIPP (les Régions sont financées par une part de cette taxe sur les produits pétroliers, autrement dit plus on conduit, plus la région y gagne, écolo non?). On pourrait, à l'inverse, imaginer une taxe justement écologique: prélever une part sur chaque billet de train (la prime transport). Ainsi, on aurait tout intérêt à ce que le maximum de gens prennent le train (en volume et en valeur) dont on serait peut-être tenté d'étudier les transversales aussi! Ça sert l'entreprise ET la collectivité.
Une phrase importante du document nous laisse songeur: « les nouvelles assiettes devront entretenir un lien étroit avec les compétences des régions ».
Qu'es aquo? Je ne suis pas contre sur le principe, mais la TIPP n'est pas liée à une compétence régionale!
Questions annexes:
Quel rôle pour les préfets?
Alain Rousset (président de l'ARF) a déclaré qu'à part pour les CIO, l'ARF n'envisageait pas de transfert de personnel! C'est le meilleur moyen pour conserver une
image noble de l'Etat dans la tête des citoyens. Je n'ai pourtant pas souvenir que ceux qui sont passés du statut de fonctionnaire d'Etat à celui de fonctionnaire territorial l'aient mal vécus
(contrairement aux craintes des syndicats). J'ai d'ailleurs une copine qui est fonctionnaire d'Etat et qui cherche à devenir fonctionnaire territorial. On sait pertinemment que Mélenchon a fait
de gros scores dans l'Education Nationale... Encore un enjeu!