Charles de Courson, député du groupe Union des démocrates et indépendants (UDI), a déposé un amendement au projet de loi de finances rectificative en discussion à l’Assemblée nationale. Chaque député perçoit une indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), d’un montant brut de 6 412 euros par mois. Cet amendement visait à soumettre à l’impôt sur le revenu la part non utilisée de cette IRFM, au motif qu’elle constitue un complément de salaire. Jean-Louis Borloo, président du groupe UDI, a défendu cet amendement.
Avec un ensemble touchant, d’autres groupes se sont élevés contre cet amendement. Bruno Le Roux, président du groupe PS, a déclaré : « La meilleure solution n’est peut-être pas celle que vous proposez. La question qui se pose est celle de l’utilisation de l’IRFM et non celle de sa fiscalisation ». Si je traduis bien, faute de faire le mieux, ne faisons pas le bien. Afin de gagner du temps pour différer une mesure impopulaire chez nos élus, Bruno Le Roux a invité Jean-Louis Borloo à travailler, avec l’ensemble des présidents de groupe, sur la question de la transparence.
Le rapporteur général de la commission des Finances, le député socialiste Christian Eckert, n’a pas craint de dire : « cet amendement est un amendement de principe, peu opérant et qui ne concerne au demeurant qu’une fraction réduite de l’indemnité perçue par les parlementaires ». Cette noble adresse m’amène à poser trois questions :
- Les principes n’auraient donc aucune place dans nos lois ?
- Nos lois seraient-elles toutes plus opérantes que la mesure proposée dans cet amendement, telle par exemple celle qui a mis à la charge des assurés sociaux cinquante centimes par boîte de médicament ?
- Et, surtout, étant donné qu’aucun contrôle n’est actuellement exercé sur l’utilisation de cette IRFM, qu’est-ce qui permet au vertueux député Eckert d’avancer que sa fraction non utilisée ne peut être que réduite ? La seule question qui importe d’ailleurs n’est pas de savoir si elle a été ou non complètement utilisée mais plutôt à quelles fins.
De son côté, Christian Jacob, président du groupe UMP, a déclaré : « Il faut éviter de nourrir la suspicion. Cela relève de la liberté d’exercice du mandat. On entre là dans une sorte de voyeurisme et de démagogie sans limite ». Cet honorable parlementaire ignore sans doute ce qui se passe dans la vraie vie, hors des lambris dorés de l’Assemblée. Dans une entreprise, les salariés doivent fournir des justificatifs pour leurs dépenses professionnelles, dont les montants sont soigneusement encadrés, et qui, dans certains cas, doivent faire l’objet d’une autorisation préalable. Et ils ne se sentent ni suspects, ni restreints dans l’exercice de leur métier. D’ailleurs, si nos parlementaires utilisent si scrupuleusement cette IRFM, qu’ont-ils à craindre d’un contrôle ? Quant aux contribuables qui pour leur déclaration de revenus choisissent l’option des frais réels, ils doivent pouvoir en fournir les justificatifs. Nos députés seraient-ils par quelque grâce immanente plus responsables, plus scrupuleux que leurs mandants ?
Enfin, grâce leur soit rendue, cet amendement a été repoussé. Plutôt que de déplorer un anti-parlementarisme pernicieux, ils feraient bien de ne pas le nourrir. Je conclurai par une formule sans doute méprisante mais qui résume bien à mon sens la situation présente : « l’Assemblée, c’est toujours le même bocal, seuls les cornichons changent ».