Les réflexions du moment. Ça commence apparemment mal, mais
ça finit bien. J’espère.
Notre monde
anglo-saxon
Le scandale du Libor
touche la banque Française
Le 18 juillet, un article du Financial Times (Rate probe turns to four major banks)
révèle qu’un trader français se serait entendu avec d’autres banquiers pour
trafiquer les évaluations du Libor (taux de prêt
interbancaire). 2 banques françaises seraient concernées : le Crédit
Agricole, d’Emporiki, et la Société Générale, de Kerviel. Si l’affaire touche le
Libor, elle serait antérieure à celle qui est au cœur du scandale actuel.
Méthode CV d’Hervé Kabla : j’ai demandé à Google ce
qu’il avait à me dire du trader soupçonné. Linkedin donne 5 résultats.
Apparemment, tous pour le même homme. Il change souvent de poste. Et cela donne
des diplômes différents d’une fois sur l’autre, et pas exprimé avec la
formulation ordinaire (école des pétroles et moteurs, par exemple). En outre,
dans un article à la louange d’un ministre marocain, ex trader, il apparaît
avec un de ses présumés complices.
Conclusion expéditive. Ça ne me semble pas du Kerviel, une
malversation durable et dont on est étonné qu’elle n’ait pas été détectée, mais,
plutôt, une petite embrouille entre amis. Plus fondamentalement, cette affaire
montre que la banque est devenue un Far West. Motivation première s’enrichir ?
Pour le reste, la fin justifie les moyens ?
Punir les crimes
économiques
The Economist (Fine
and punishment) constate que c’est l’ensemble de l’économie qui est
pourrie. Les pénalités acquittées par les entreprises anglo-saxonnes l’année
dernière se sont élevées à 10md$.
Mais ce ne serait pas dissuasif, parce que tricher
rapporterait infiniment plus que le montant d’une amende.
Marx avait-il
raison ?
Les entreprises n’investissent plus. Raison : investir
n’est ni dans l’intérêt de leurs dirigeants, ni dans celui des fonds
d’investissement qui sont leurs actionnaires. Aux USA, le ratio profit / PIB,
qui était de 3% au début des années 80 atteint 15% aujourd’hui.
Ces entreprises licencient, ce qui déprime le marché, et renforce
leur attentisme. (The Economist : Corporate
profits.)
Difficile de voir comment se tirer de ce cercle vicieux. À
moins que d’autres types d’entreprises (familiales, étatiques, économie
sociale) ne prennent l’avantage suscitant un phénomène d’imitation ?
De l’intérêt d’avoir un écosystème économique
diversifié ?
L’homme, laissé pour
compte
Je lis Hot, flat et
crowded, best seller américain. Il explique que le mal de l’Amérique est de
n’avoir pas investi dans la formation de ses ressortissants.
En fait, il me semble que c’est plus grave que cela. Ce
n’est pas que l’école qui est concernée, mais surtout l’entreprise. Elle n’a
pas cherché à améliorer la productivité de ses personnels, du coup, elle peut
dire aujourd’hui qu’ils ne sont pas compétitifs par rapport à ce qui se fait
dans les pays émergents.
Paul Bairoch, un économiste dont j’ai tiré plusieurs
billets, a analysé la productivité des pays sous-développés d’après guerre. Il
a constaté qu’en dépit de leurs salaires faibles, il n’était pas rentable d’y
produire, la productivité du travailleur occidental compensant son surcoût.
Cette fois-ci, notre société a préféré délocaliser que gagner en productivité.
Pays émergents :
pétards mouillés ?
The Economist constate que la marche triomphale des pays
émergents n’est pas aussi irrésistible qu’on nous l’a dit (Dream on ?). En particulier leur taux de croissance record
s’expliquerait en partie par quelque-chose qui ressemble à une bulle de crédit.
C’est curieux. Le phénomène rappelle ce qui est arrivé au
Japon. C’est devenu un tigre de papier au moment même où on nous annonçait que
sa domination du monde était inéluctable.
Et si notre capitalisme avait besoin d’épouvantails pour
faire avancer ses projets (réduire sa masse salariale ?) ?
La défaite de la
science
Encore Hot, flat et
crowded. L’Amérique avait fait de gros progrès en termes de consommation de
pétrole du fait de la crise de 74. Étrangement, ensuite, il y a eu recul. L’ère
Reagan / Bush aurait conduit à un gaspillage volontaire. Au motif que la
culture américaine était, justement, le gaspillage. Surprenant.
J’ai aussi compris pourquoi les Américains appelaient leurs
4x4 des « trucks », c’est-à-dire des camions : parce que la loi
autorise les camions à consommer beaucoup plus d’essence que les
voitures ! Posséder un 4x4, c’était donc avoir le permis de polluer !
Retour aux analyses de P.Krugman (économie) ou J.P.Schmitt
(science des organisations) : nous avons vécu une période étonnante où la
science a été liquidée ? Grand moment d’illumination mystique : le
Dieu Capitalisme était arrivé sur terre ? Curieux qu’aucun de ses
promoteurs n’ait tenté de marcher sur l’eau.
Terre sinistrée
Blog du Club d’Amsterdam (10 juillet) : Douglas
Mulhall, Diana de Held s’inquiètent de l’avenir de la terre arable. 50% aurait
été perdu. Elle serait remplacée par des fertilisants chimiques issus du
pétrole.
Parmi les conséquences imprévues de ce changement se trouve
l’effet de serre : « deux tiers
du carbone de la terre et de l’atmosphère sert de nutriment à la terre arable ».
Une amie égyptologue me disait que la terre égyptienne,
privée des alluvions du Nil depuis le barrage d’Assouan, avait été remplacée
par l’engrais, qui brûle les mains lorsqu’on le touche.
Le tourisme :
nouveau colonialisme ?
Géopolitique du
tourisme (www.grenoble-em.com) :
le tourisme est la première activité économique mondiale. 9% du PIB mondial,
250 millions d’employés. Mais le tourisme ne fait pas que des heureux. On parle
de « néocolonialisme », et
l’Algérie a décidé d’y renoncer.
L’argument libéral est, ici comme ailleurs : le
tourisme fournit de l’argent à des pauvres, pourquoi le refuser ? En fait,
il rapporterait fort peu : « entre
5 et 25% du montant dépensé pour un forfait, tout compris », tout le
reste étant récupéré par des sociétés sans lien avec le pays.
En outre, je me demande si cet argent ne va pas seulement à
certaines classes de la population visitée. Le reste subissant plus
d’inconvénients que d’avantages.
Syrie : Assad,
la fin ?
The Economist semble croire que les jours du clan Assad sont
comptés. Si c’est le cas, ce serait un exemple, étonnant, qu’un peuple sans
beaucoup de moyens peut mettre en déroute un pouvoir surarmé.
Déroute aussi des théories de l’économie néoclassique ?
Ce qui fait la force de l’homme, c’est sa propension à la revanche, à périr
pour une cause, et / ou peut-être à sous-estimer ses chances de mort (théories
de Kahneman sur l’optimisme), et de se lancer dans des aventures
insensées ?
Culture
française
Parc Citroën
Je rends visite au Parc Citroën, du 15ème
arrondissement de Paris. Le 15ème n’a pas beaucoup de verdure, et il
est heureux que celui-ci existe. En outre, il a une disposition originale par
rapport aux jardins publics ordinaires, par exemple le jardin du Luxembourg :
il est fait de multiples jardins. Au lieu de n’avoir qu’un seul espace, on en a
plusieurs. Dépaysement en peu de mètres carrés.
Mais il n’échappe pas à notre culture et à ses défauts. Il
est récent et pourtant délabré. Les plaques qui constituent ses murs se fendent
et tombent. Mauvaise qualité. Une fois de plus nous ne nous sommes pas donné
les moyens de nos ambitions ? Et ses jardins ne sont pas très beaux. J’ai
l’impression qu’ils se sont contentés d’être des idées originales. La
réalisation ne comptait pas. Peuple de théoriciens ?
Éducation
nationale : la logique du bourrin ?
Suite d’enquête sur le bac. Le gardien de mon immeuble me confirme
qu’il ne faut pas viser au dessous de la mention très bien. Il s’inquiète pour
son aîné, doué, mais peu motivé.
Je me demande si notre système actuel ne favorise pas les
bourrins. La difficulté paraît avoir été remplacée par la quantité. Par conséquent,
jadis quelqu’un de doué pouvait se contenter de quelques exploits, aujourd’hui,
l’élève doit absorber énormément de détails d’autant plus inutiles qu’il n’est
pas certain que les enseignants dominent parfaitement leur sujet.
Un problème du modèle bourrin est qu’il n’est pas
stable : le bourrin placé par l’école au sommet de l’entreprise aura du
mal à avoir de l’ascendant sur un intellect supérieur.
Mais tout ceci n’est que conjectures gratuites.
Construire le
monde d’après
Résilience
Suite de notre réflexion sur la résilience, après lecture de
Votre cerveau n’a pas fini de vous
étonner, conseillée par Dominique.
La résilience, donc, c’est sortir d’un choc, sans être
détruit. Mais c’est sortir autre. C’est compenser ce qui a été perdu par des
capacités jusque-là insoupçonnées. C’est une sorte de renaissance. Et elle
passe par un apprentissage, qui ressemble à celui des débuts de la vie. Comme
dans mes livres sur le changement, le plus dur est la décision initiale. Le
fameux « effet de levier ».
Cela semble avoir des conséquences dont on ne parle jamais.
Par exemple, j’entendais ce matin qu’il était question de réintroduire le loup
dans certaines régions. En fait, il n’y a pas de raison de penser que la nature
serait nécessairement mieux avec des loups : l’écosystème peut avoir
trouvé une solution originale à sa disparition, qui va être mise en péril,
peut-être, par son retour. La complexité du monde s’accommode mal des
idéologies simplistes.
Méditation
Encore, Votre cerveau
n’a pas fini de vous étonner. Décidément la méditation a le vent en poupe.
Elle nous renforcerait, à la fois mentalement et physiquement.
Cependant, je ne suis pas convaincu que nous devions tous
devenir des moines, comme paraissent le croire les interviewés du dit livre.
La redécouverte des bénéfices de la médiation vient de la
découverte de la plasticité du cerveau. Le cerveau se programme en permanence.
Or, la méditation lui ouvre des horizons nouveaux. Du coup, nos petits maux
quotidiens n’ont plus qu’un champ d’expression réduit.
Le vice de notre siècle est l’individualisme, qui s’est
transformé en narcissisme, qui a pour revers de faire de grands malheurs de petites
difficultés personnelles.
Nous avons donc besoin de mettre tout ceci en perspective.
Et pour cela il est à la fois bon de s’ouvrir au monde, et de comprendre la
richesse de sa vie intérieure. C’est ce à quoi vise la méditation, mais ce
n’est pas le seul moyen de le réaliser.