Normal

Publié le 12 juillet 2012 par Mentalo @lafillementalo

Etre journaliste est un drôle de métier, de nos jours. Que ce soit les images qui passent en boucle sur les chaînes d’info H24, ou sur les ondes radios, on n’a plus peur de parler pour ne rien dire, du moment qu’on occupe le terrain. Certains n’ont peur ni du ridicule, ni de la bêtise, il faut bien meubler. La peur du vide, en quelque sorte.

Parfois, souvent, ce vide intersidéral leur est soufflé d’en haut, si on peut dire: de nos politiques eux-mêmes. Ecran de fumée servant d’une part à planquer l’essentiel, d’autre part à occuper le terrain médiatique, histoire de faire croire qu’on se démène plus que le voisin.

Depuis des mois, on nous décline l’adjectif “normal” à toutes les sauces, le plus souvent associé au substantif “président”. Moi, dans ma grande naïveté, je croyais qu’un président n’était par essence pas quelqu’un de normal. J’espérais même qu’il soit un peu mieux que normal, en fait. Mis à part le fait qu’on ne peut décemment pas être normal ET vouloir devenir président d’un navire qui coule par tous les côtés, mais c’est encore autre chose. Mais au dessus de la mêlée, enfin. Qu’on ait élu un type normal à la plus haute fonction, mais quelle déception, enfin!

Donc, notre Président est normal parce que fraîchement élu, il ne grille pas les feux rouges, dis donc. Notre Président est normal parce que pour se rendre à Bruxelles, il réserve tout un compartiment de train. Pour en revenir en voiture, vu l’heure tardive. Voiture qui a donc fait l’aller à vide. Mais comme notre Président est normal, il faut qu’il prenne le train comme tout le monde.Notre Président est normal parce que sa compagne, des fois, elle l’ouvre plus grand qu’elle ne devrait, et que ça fait un peu désordre. Parce que lui aussi, il lui pleut sur la tronche à chaque fois qu’il organise une petite sauterie, c’est comme nous avec le barbecue des voisins.

Finalement, toutes ces histoires de Hollande, père, fils et associé(e)s, dont les médias nous abreuvent chaque jour pour oublier qu’on s’emmerde à Paris en juillet, surtotu qu’il pleut, c’est que des histoires banales de gens normaux. Sauf que moi, j’aurais aimé qu’ils soient au-dessus de la mêlée. Comme un princesse ne fait pas caca, j’aimerais pas apprendre que notre François national se cure le nez en lisant ses dossiers. Pour voir des gens normaux débiter des conneries, il y a TF1. Pourquoi alors se fatiguer à “construire une image de Président normal”, phrase édifiante qui a échappé à Thomas Hollande (à lire sur le site du Point, si on n’est pas encore assez consterné). Hein? Quoi? Ce ne serait qu’une image? Sans blague? Pour que les téléspectateurs de TF1 pense qu’ Elysée 2012, c’est le nouveau Loft Story? (En même temps c’est pas tout à fait absurde, comme concept, quand on y pense, c’est même pas très loin de la vérité.) Pour que les torchons de basse classe fassent de l’audience avec les bisbilles entre un grand garçon qui en a passé l’âge et sa marâtre? Pour le coup, là , oui, rien de plus normal, j’entends, au sens banal et inintéressant du terme.

Mais j’aimerais, moi, qu’on arrête de nous bassiner avec cette normalité. Et qu’ils se comportent tous comme leur situation, choisie ou subie, l’exigerait selon toute bienséance. Et qu’ils soient peut-être un peu moins normaux, certes, mais tellement plus crédibles. Et tellement plus occupés à travailler à ce pour quoi on les a élus, tous.Y a comme qui dirait urgence.

Qu’il brûle donc les feux rouges, François, si ça fait kiffer son chauffeur. Qu’il prenne le train ou le Vélib’, on n’en a rien à cirer. Mais, par pitié, qu’ils aillent tous prendre un cours intensif de l’art de la communication. A défaut de normaux, j’aimerais qu’ils fassent un peu sérieux, maintenant.