Parce que la première chose à savoir c'est qu'il n'existe pas de solutions miracles, juste des pistes à explorer comme on peut, le désir de bien faire n'étant pas toujours positif.
Je me souviens d'une réflexion de mon père à qui je demandais s'il y avait quelque chose qu'il regrettait dans sa propre façon d'avoir élevé ses enfants ... me répondant, oui surement, j'ai fait des erreurs, mais si c'était à refaire ce ne serait pas mieux, on ne fait jamais bien.
Paradoxalement cette "confession", entendue alors que je découvrais moi-même le rôle de "parent" m'avait extrêmement apaisée. Savoir que je serai une mère imparfaite avait allégé mes épaules. Je serais bien en peine de vous raconter un quelconque souci éducatif avec aucun de mes enfants ... jusqu'à ce qu'ils entrent de plain pied dans la foutue adolescence que je peux précisément dater. C'était un 13 juillet et les deux s'y sont mis au même moment.
Avoir été une maman jusque là tranquille est un phénomène assez extraordinaire si j'en crois les confidences des "nouveaux" parents. Il est vrai qu'il devient rare de rencontrer des couples qui ne sont pas exténués par leur progéniture. On se dit que les temps ont changé. Vrai et faux à la fois. Et le livre de Gilles Verdiani m'a sincèrement passionnée.
Le terme de "métier" surprend, sous-entendant qu'être parent serait une activité sérieuse, à exercer de manière professionnelle, avec un temps d'apprentissage, et l'espérance d'une médaille au moment de la retraite. Tout le vocabulaire du monde du travail pourrait s'appliquer à ce domaine, y compris le licenciement auquel s'apparentent les crises de déni de l'autorité parentale des ados, quand ils ne fuguent pas ...
L'auteur fait honnêtement le point entre ses certitudes, ses erreurs, sa recherche de "vérité" en balayant l'influence des sites comme Doctissimo, des livres cultes comme ceux d'Edwige Antier ou Laurence Pernoud, et des conseils familiaux, à commencer par son psychanalyste de père. Il n'invoque pas la paternité en général, mais la sienne, ce qui est d'une très grande honnêteté.
Gilles Verdiani est scénariste, auteur de l’émission Le Cercle sur Canal +, ancien critique de cinéma à Première et journaliste à Elle. Autant dire qu'il a le verbe facile. Il est le père de deux fils, Marcello, 4 ans et Virgile, 18 mois. Il aborde tous les problèmes qui attendent les parents au fur et à mesure que les enfants grandissent : vaccins, sommeil, langage, autorité… Autant de choix difficiles, de questions parfois sans réponses, qui font que l’aventure est unique et passionnante.
L'essentiel à retenir est qu'il n'y a pas deux enfants pareils, ni d'ailleurs deux papas ou deux mamans identiques. Que donc comparaison n'est pas raison. Qu'il faut de la mesure en toute chose. Que patience et longueur de temps font plus que force ni que rage.
Vous l'aurez compris : on sait (presque) tout mais on continue à souffrir de la difficulté à vivre (un peu) sereinement au quotidien. Gilles Verdiani nous surprend avec sa manière de reprendre les choses au point de départ en analysant les situations sous un autre angle. Et cela fait du bien parce que cela ouvre des horizons.
D'une part il absout le lecteur de la culpabilité des sentiments de lassitude et d'exaspération face aux demandes des bébés (page 94). D'autre part il tord le coup à nombre d'idées reçues qui empoisonne les relations.
Premier coup de tonnerre (page 25) en apprenant qu'on vous a interdit de boire de l'eau à vos accouchements par pure bêtise. Vous réalisez que si on vous a mené par le bout du nez sur ce point il y a forcément moult autres choses sur lesquelles on vous a berné. Et votre soif de comprendre s'en trouve aguerrie.
Le grand commandement Tu ne frapperas pas (ton enfant) prend du plomb dans l'aile ... sans que l'auteur ne recommande de le faire évidemment. Les écrans perdent leur voile diabolique.
Et surtout on apprend qu'il existe des bébés aux besoins intenses ... et qu'alors il faut les satisfaire faute de quoi on sortira pas du bras de fer. On découvre avec surprise qu'il existe aussi des enfants qui "ne savent pas obéir" (page 124) alors qu'à bien y réfléchir c'est une évidence.
On ne s'étonne pas de voir un bambin vaciller sur ses deux jambes étant persuadé que très bientôt il gambadera sans aide extérieure. On pourrait donc accepter qu'il ait besoin de soutien pour admettre qu'obéir n'est pas déshonorant. Que ce serait même davantage une preuve de force que de faiblesse. Obéir s'apprend ... comme devenir parent. Qu'on se rassure, c'est juste un tout petit peu compliqué mais c'est çà tout à fait envisageable.
Un livre à glisser dans votre valise, ou celle du père de votre progéniture, à lire comme un jeu, sans malentendu : ce n'est pas un devoir de vacances, mais un cadeau pour la vie.
Mon métier de père, pourquoi est-il si compliqué d'élever ses enfants ? de Gilles Verdiani, éditions Jean Claude Lattès, mai 2012