Télévision, Internet, Radio, jeux vidéos… autant de mass médias qui nous feraient presque oublier le livre et la lecture. Selon l’INSEE, notre temps libre (soit le temps qui n’est consacré ni aux besoins physiologiques ni au travail ni aux tâches domestiques ni au transport) était de 4h58 en 2010. Dans ce temps, la télévision reste de loin le principal loisir des Français, qui la regardent deux heures par jour en moyenne.
Une demi-heure est consacré à Internet et seulement 18 minutes à la lecture (livres, journaux, y compris lecture de journaux sur Internet) en diminution d’un tiers depuis 1986 . Les inactifs et les chômeurs ont particulièrement contribué à cette évolution, mais en fait, tout le monde lit de moins en moins. Les retraités restent les plus gros lecteurs, avec plus d’une demi-heure de lecture par jour toujours selon l’INSEE.
La lecture est pourtant l’activité la plus riche de sensations, de plaisirs, d’évasions. « J’ai accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot… » nous dit Honoré de Balzac. Lire c’est éprouver la liberté de s’extraire de son quotidien vers des mondes, des ambiances, des époques inconnues.
Cette liberté, cette évasion, certains l’éprouvent avec une saveur particulière. Au fil de l’actualité, je suis ainsi tombé sur deux exemples très éclairants sur le pouvoir des livres et de la lecture.
Le premier exemple se déroule tous les matins depuis 2006, à 07h, dans les établissements pénitentiaires de Bretagne, Pays-de-la-Loire et Basse-Normandie. Le journal Ouest France est remis dans chaque cellule par le surveillant à près de 4500 détenus, gratuitement, y compris le dimanche. A l’origine, deux hommes, le directeur de la prison de Brest et le patron du 1er quotidien français, M. Hutin. Les effets sont positifs. De nombreuses lettres de détenus sont parvenues au quotidien. Au fil des nombreux témoignages reviennent les mêmes mots : démarche humaniste, redonner courage et confiance, gratitude, reconnaissance… La distribution du journal a changé l’atmosphère de la prison et permet aux détenus de créer un lien entre l’extérieur et l’intérieur.
Le second exemple provient des Etats-Unis. Même public, des détenus, même remède, la lecture, même origine, une rencontre entre un directeur de prison et un juge d’instruction cette fois-ci. Depuis quinze ans ce programme pour la réinsertion des repris de justice fait ainsi ses preuves. Les règles sont simples : en acceptant de lire six livres en douze semaines, et d’en discuter, le prévenu échappe à la prison ferme ou sort de prison avant terme. Il peut aussi, à la discrétion du juge, bénéficier d’une remise de peine supplémentaire à l’issue du programme. La lecture des livres est cependant obligatoire au risque de perdre le bénéfice de ce programme. Et cela marche. Un échantillon type de délinquants affiche un taux de récidive de 45%. Les participants au programme ? Moins de deux fois moins. Mieux : ces 18,75% s’attaquent nettement moins aux personnes que le récidiviste moyen.
La bibliothérapie coûte 50 fois moins cher qu’une campagne de réinsertion classique. Des programmes identiques essaiment partout dans le monde. Le livre et la lecture ont assurément encore un bel avenir devant eux.