Derrière l’image idyllique, les calanques, érigées cette année au rang de parc national, sont menacées par un ensemble de pollutions, héritage de leur passé industriel, selon des chercheurs marseillais qui plaident pour une réhabilitation de cet espace naturel exceptionnel.
Calanques de Cassis – Photo AFP
Quarante personnes planchent depuis quatre ans sur le projet MARSECO, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et récemment mis en lumière par un documentaire de la journaliste Valérie Simonet, « Calanques: une histoire empoisonnée« , diffusé sur France 3 Provence-Alpes.
C’est sur le littoral du sud de Marseille, de la Madrague de Montredon à Callelongue et la calanque de Marseilleveyre, que se concentrent les principales difficultés: c’est là que s’implantèrent au 19e siècle, loin de la ville, les usines de production de soude et de transformation de la galène du massif.
Arsenic, plomb, zinc, cuivre, cadmium… la dispersion des résidus est « beaucoup plus répandue que ce qui avait été imaginé« , relève Isabelle Laffont-Schwob, coordinatrice du programme à l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE).
On en trouve dans les sols adjacents à l’usine de l’Escalette, dont les vestiges sont encore visibles, et les ruines de la cheminée rampante, avec des teneurs maximales en plomb de 130 g/kilo et de l’arsenic allant de 7 à 86 g/kilo. On en trouve aussi le long de la route des Goudes, construite à partir de remblais provenant des terres contaminées.
Aux abords de ces sites, la mer, en raison du ruissellement, et l’air, du fait du transport de particules par le vent, ne sont pas épargnés.
« S’il n’y a pas de risque imminent, quel est l’effet d’un cocktail de pollutions et d’une exposition de longue durée sur la santé humaine, même à de faibles concentrations ? » s’interroge Mme Laffont-Schwob, rappelant l’absence d’étude épidémiologique sur le sujet.
D’autant que les habitants, dont certains vivent là depuis tout petits, cueillent du romarin, inhalent passivement des poussières et consomment oursins et mollusques malgré l’interdiction en vigueur depuis 2000.
Un parc national pour faire « pression »
En 2011, l’Etat a lancé une opération de dépollution d’un coût de deux millions d’euros, basée essentiellement sur le confinement des substances nocives, sous l’égide de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Les chercheurs de MARSECO préconisent aussi « la revégétalisation des sols » à l’aide de plantes stabilisant les polluants et empêchant de ce fait leur dispersion par le mistral et la pluie.
Du côté de la pollution maritime, l’inquiétude vient de l’exutoire de Cortiou, où sont rejetées depuis 1896 eaux usées et pluviales. Résultat: de nombreux éléments toxiques, parmi lesquels des détergents, sont déversés chaque jour au niveau même de la côte.
La station d’épuration a été modernisée ces dernières années, avec la mise en place d’un traitement biologique. Mais « la vraie priorité est de résorber les pollutions (agricoles, domestiques et industrielles) en amont », estime Benjamin Durand, directeur adjoint du Groupement d’intérêt public (GIP) des calanques.
Autre point noir, le rejet, autorisé jusqu’à fin 2015 au grand dam des défenseurs de l’environnement, des « boues rouges » issues de l’usine d’alumine de Gardanne (Bouches-du-Rhône).
Des pollutions en série qui, pour les détracteurs du parc, décrédibilisent totalement le projet.
« C’est faux de dire que les fonds marins des calanques sont une poubelle. Dieu merci, il reste des coins sublimes », répond M. Durand, convaincu que le parc est « précisément le moyen de mettre une pression supplémentaire sur tous les acteurs, et en premier lieu l’Etat » pour mieux effacer les stigmates de l’histoire.